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faits allégués, et, dans tous les cas, à n'admettre la demande

qu'avec la plus grande circonspection. ]

313. 2o. En cas d'adultère, si toutefois la naissance lui a été

cachée. [Sera-ce au mari à prouver que la naissance lui a été cachée, ou à l'enfant à prouver que le mari en a eu connaissance ? Le mystère de la naissance me paraît un fait négatif. Car, prouver qu'une chose nous a été cachée, c'est prouver que nous n'en avons pas eu connaissance; ce qui est bien certainement un fait négatif. Or, factum negantis nulla est probatio. Je pense donc que c'est à l'enfant à faire la preuve.

Nota. L'on a jugé à Paris, les 28 juin 1819 (SIREY, 1821, 2o part., p. 7), et 4 décembre 1820 ( Ibid. ; pag. 98 ), que le fait qu'un enfant a été inscrit sur les registres de l'étatcivil, comme né de père inconnu, suffit pour prouver que la naissance a été cachée au mari, et pour le faire admettre à proposer tous les faits tendant à justifier qu'il n'est pas le père.]

Dans ces deux cas cependant, le fait de la conception pendant le mariage établit toujours en faveur de l'enfant une présomption quelconque, dont l'effet est, dans le premier cas, de rejeter sur le mari la preuve de l'impossibilité de 312. la cohabitation; et dans le second, de le faire admettre seulement à proposer tous les faits propres à justifier qu'il n'est pas 315. le père. [La nature et l'importance de ces faits sont laissées à la prudence du juge. Mais on n'exigera pas du mari une preuve aussi rigoureuse, que s'il s'agissait de prouver l'impossibilité de cohabitation. Mais quid à l'égard de l'enfant conçu postérieurement à une demande en séparation de corps? Je pense qu'il y a ici présomption d'impossibilité morale, et que l'enfant doit être déclaré illégitime, à moins qu'il ne prouve qu'il y a eu réconciliation. Autrement, en effet, l'on tomberait dans un cercle vicieux. Car si cet enfant était présumé être l'enfant du mari, l'on devrait, par une conséquence nécessaire, en induire une réconciliation. Il s'ensuivrait donc que la femme défenderesse en séparation de corps, même pour cause d'adultère, pourrait, en commettant un nouveau crime, faire déclarer son mari nonrecevable.]

- [Nota.. On a jugé en cassation, le 8 juillet 1812 ( SI-
REY, 1812, 11° partie, page 577), que, dans le cas de l'ar-
ticle 313, il n'était pas nécessaire que l'adultère fût préala–
blement jugé.

Le mari peut-il désavouer l'enfant qui n'aurait pas été
inscrit sous son nom, mais seulement sous celui de la
femme? Comme l'enfant de la femme est toujours présumé
l'enfant du mari, celui-ci a bien certainement intérêt, et
par conséquent droit de le désavouer. ]

Dans tous les cas où le mari est autorisé à désavouer l'en-

fant, il doit le faire dans le mois, s'il se trouve sur les lieux

au moment de la naissance; ou dans les deux mois après

son retour, si à la même époque il était absent. [On lui en

donne un pour apprendre la naissance, et un pour en for-

mer le désaveu. Il est ici question du retour au lieu de la

naissance; il ne suffirait pas, s'il était en voyage, qu'il fût

de retour en France. (Argument tiré de ces mots de l'ar-

ticle 316; il désavouera dans le mois, s'il se trouve sur les

lieux de la naissance.) Sic jugé, et avec raison, à Paris,

le 9 août 1813. (SIREY, 1815, 2° partie, pag. 310.)]

[Dans ce qui précède, absent veut dire non présent; il

n'est pas nécessaire qu'il soit absent proprement dit.

Quid, s'il est fou, furieux, imbécile, ou attaqué d'une

maladie qui l'empêche de sortir? Je pense que le délai de

deux mois ne doit courir que du moment où l'on peut rai-

sonnablement penser qu'il a eu connaissance de l'accouche-

ment.]

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Si la naissance lui a été cachée, il a deux mois pour

désavouer, à compter du jour où il en a eu connaissance. 516.
[Il faut encore deux mois, parce qu'on lui en donne un
pour prendre des renseignemens précis.]

S'il meurt sans avoir réclamé, mais avant l'expiration

des délais, ses héritiers ont deux mois pour contester la lé-

gitimité, à compter de la prise de possession par l'enfant

des biens du mari, ou de l'époque à laquelle ils seraient

troublés eux-mêmes par lui dans cette possession.

[Les autres enfans du mari pourront contester la légiti–

mité, du vivant même de leur mère. Cela aurait pu souffrir

quelque difficulté, parce que c'est une de ces actions appelées famosæ, et qu'elle tend à entacher la réputation de la mère. Mais c'est la force des choses qui rend ici cet inconvénient inévitable.

Quelques personnes ont prétendu que par ce mot héritiers, il fallait entendre seulement les héritiers légitimes; de manière que, dans cette opinion, quelqu'évidente que fût l'illégitimité de l'enfant, le légataire universel serait non-recevable à l'opposer. M. PROUDHON accorde le droit de désavouer, aux légataires universels et aux légataires à titre universel, et le refuse aux légataires particuliers. Tout cela est arbitraire. Comment le fait, que la succession du père est déférée par testament, ou ab intestat, qu'il existe un legs universel, ou seulement des legs particuliers, peut-il avoir quelque effet, relativement à l'état et aux droits de l'enfant, et lui ôter ou lui conférer, suivant le cas, la qualité d'enfant légitime? Il est d'ailleurs évident que par ces mots, les héritiers, le Législateur a entendu tous ceux qui ont, à la succession du père, des droits auxquels la légitimité de l'enfant pourrait préjudicier. (L. 170, ff. de Verbor. signific.) Autrement, l'on va voir quel serait l'effet du sys

tème contraire.

Un homme, après avoir séjourné deux ans aux colonies, y meurt, laissant un testament par lequel il dispose, en legs particuliers, de la totalité de sa fortune. Sa femme, qui n'est pas sortie de France, accouche peu de temps avant sa mort. Dans le système que je combats, l'enfant pourrait venir réclamer sa réserve sur les biens du mari, sans que les légataires eussent le droit de contester sa légitimité. Une pareille conséquence emporte avec elle la réfutation du principe.

Il faut observer cependant qu'il y a cette différence entre les héritiers du sang et les légataires, quels qu'ils soient, que ceux-ci n'ayant d'intérêt à contester l'état de l'enfant, qu'autant qu'il voudrait, à raison de l'état qu'il réclame, leur faire éprouver quelque réduction, ils doivent être déclarés non-recevables, toutes les fois que cette réduction n'a pas lieu, soit parce qu'ils ont renoncé à leurs legs, soit

parce que l'enfant n'élève, à cet égard, aucune prétention. Il n'en est pas de même de l'héritier du sang, qui peut con-tester l'état, quand même il aurait renoncé à la succession de celui que l'enfant prétend être son père. Et, en cela, je suis encore d'un avis contraire à celui de M. PROUDHON. Car, comme la qualité de fils d'un individu lui donne des droits, non-seulement à la succession de son père, mais encore à celle de tous les parens de ce dernier, il peut être utile aux héritiers de ce même individu, de faire statuer sur l'état de l'enfant, afin de ne lui pas laisser acquérir une prétendue possession d'état, et de l'écarter de toutes les successions auxquelles il pourrait prétendre par la suite. Et, en effet, qu'arriverait-il autrement? Supposons la succession du père mauvaise, et répudiée en conséquence par tous les héritiers: l'enfant se présente, et accepte, soit purement et simplement, soit par bénéfice d'inventaire. Les créanciers n'ont pas d'intérêt de contester son état : il traite avec eux, il prend dans tous les actes la qualité de fils et héritier d'un tel; et l'on croit que les autres enfans n'auraient pas le droit de demander qu'il lui fût fait défense de prendre ce nom et cette qualité ! Certainement ils ont intérêt, ne fût-ce que celui de ne pas laisser un individu passer faussement pour leur frère légitime, et s'arroger un nom qui ne lui appartient pas. Et s'ils ne contestaient pas, ne pourrait-on pas leur opposer par la suite la disposition de l'article 317, qui fait courir le délai de deux mois qui leur est accordé, du jour où l'enfant s'est mis en possession des biens du mari? (Voir à ce sujet un arrêt de la Cour d'Aix, du 18 avril 1817, et l'arrêt de rejet, rendu par la Cour de Cassation, le 22 juin 1819; le tout rapporté dans SIREY, 1819, 1re part., pag. 438.)

La loi ne parle ici que des héritiers du mari. Faut-il en conclure que les héritiers de la mère ne pourraient contester la légitimité de l'enfant, pour l'empêcher de recueillir la succession de sa mère ou des parens de celle-ci? Je ne le pense pas. Tous ceux qui ont intérêt de contester la légitimité, ont le droit de le faire, en se renfermant dans les termes de l'article 522 et suivans.]

[Est-il nécessaire, pour faire courir le délai de deux mois, mentionné dans l'art. 317 du Code civil, que l'enfant se soit mis en possession de tous les biens du mari, où suffitil qu'il en ait appréhendé quelques-uns? Je pense qu'il faut distinguer: S'il agit notoirement en qualité d'héritier, il suffit qu'il ait fait acte de propriétaire à l'égard de l'objet le plus modique. Il suffirait même qu'il eût pris cette qualité dans un acte public; mais bien entendu pourvu que cet acte ou cette qualité n'aient pu probablement être ignorés par les héritiers du mari. Mais s'il n'agit pas ostensiblement en qualité d'héritier, alors l'appréhension qu'il ferait d'un des objets de la succession, ne suffirait pas pour faire courir la prescription, attendu qu'il peut avoir un titre particulier. Il n'y aurait donc, dans ce cas, que l'appréhension de la totalité ou d'une quote des biens, qui pourrait prouver qu'il agit en vertu d'un titre universel, lequel ne peut être autre que celui d'héritier.]

[Nous avons parlé du trouble apporté par l'enfant à la possession qu'auraient les héritiers du mari des biens de celui-ci, parce que ce n'est que de l'une de ces deux époques qu'ils sont censés connaître son existence.

Mais que doit-on entendre par trouble? Je crois qu'il faut distinguer: S'il s'agit de faire courir le délai de deux mois, je pense que l'on ne doit entendre par trouble, que les faits qui peuvent préjudicier à la jouissance des héritiers, telle que serait une demande au pétitoire ou au possessoire, ou une usurpation, de fait, de quelques-uns des biens de la succession, le tout à titre d'héritier : mais que, s'il est seulement question de déterminer les faits qui peuvent donner lieu à une demande des héritiers contre l'enfant, alors le mot trouble doit être pris dans un sens plus étendu, pour tout fait qui peut faire présumer dans l'enfant l'intention de se procurer la possession d'enfant légitime; de manière qu'il suffirait, au moins dans mon avis, que l'enfant portât publiquement le nom de celui dont il prétend être le fils, pour que les héritiers fussent fondés à le sommer de déclarer à quel titre il le prend; et, en cas de refus de sa part, à l'assigner pour le faire condamner à ne plus en faire usage,

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