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n'est pas ici un des cas dans lesquels la loi donne l'action au Ministère public; il n'a que le droit de donner des conclusions (Voyez l'art. 2 du Tit. 8 de la loi du 23 août 1790.) C'est d'après ces principes que la Cour de Cassation a, par ses arrêts des 8 mars 1814, et 11 août 1818, rapportés dans SIREY, 1814, 1re partie, page 278; et 1820, 1гo partie, page 17, cassé deux arrêts de Paris, qui avaient décidé que le Ministère public pouvait agir dans l'intérêt des mineurs. Il est possible que ces arrêts fussent en effet contraires à la loi de 1790, et qu'ils dussent en conséquence être cassés. Mais alors, il me semble que la disposition de la loi mérite d'être examinée. De tout temps, les mineurs ont été regardés comme des personnes privilégiées, mises sous la protection de la société entière : et cependant il résulte du système que je combats, qu'un mineur pourrait être entièrement ruiné, et vexé même dans sa personne, au vu et au su de tout le monde, et sans que le Ministère public pût même s'y opposer. Car, d'après le texte de l'article précité de la loi de 1790, il faut qu'il y ait procès pour que le Procureur du Roi puisse intervenir. Et d'un autre côté, il est trèspossible que le mineur n'ait point de parens sur les lieux, ou que ceux qui sont présens, n'ayant aucune responsabilité à encourir, se soucient fort peu d'entreprendre un procès contre le tuteur prévaricateur ou négligent. C'est donc un point qu'il convient de recommander à l'attention de nos législateurs, et qui doit éprouver d'autant moins de difficulté, que le Code Civil a déjà, par son art. 114, accordé l'action au Ministère public, dans l'intérêt des absens qui ne sont certainement pas plus favorables que les mineurs.]

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§ III.

Des Fonctions du Conseil de Famille.

Les fonctions du conseil de famille peuvent être considérées sous deux rapports : le personnel et le matériel de la tutelle.

Sous le premier rapport, sont comprises les fonctions qui concernent directement la personne, soit du tuteur, soit du pupille. Nous en avons déjà énoncé quelques-unes; nous allons les réunir ici sommairement. [Nous ne rappelons ici que les fonctions du conseil de famille, directement relatives au Titre de la Tutelle. Il en est plusieurs autres qui ont été, ou qui seront rapportées en leur lieu. ]

Elles consistent à nommer un tuteur, lorsqu'il n'en existe 405. pas de légitime ni de testamentaire;

A nommer un curateur au ventre, lorsque la femme 393. reste enceinte au décès du mari;

A décider si la mère, convolant en secondes noces, doit 395. conserver la tutelle;

A confirmer, s'il y a lieu, le tuteur désigné par la mère 400. remariée et maintenue dans la tutelle;

A déterminer, en cas de concurrence, le choix entre 404. deux ascendans de la ligne maternelle;

A nommer un subrogé-tuteur. Cette nomination a lieu 420. en toute tutelle;

A prononcer sur les excuses proposées par les tuteurs 438. et subrogés-tuteurs, ainsi que sur leur exclusions ou des447. titution;

A autoriser l'emploi des moyens de correction que la 468. mauvaise conduite du mineur peut nécessiter; 478. A autoriser l'émancipation du mineur resté sans père ni 480. mère, et à lui nommer un curateur, s'il y a lieu.

A statuer sur la révocation de cette émancipation, dans 485. le cas où elle peut avoir lieu;

Enfin, à consentir au mariage du mineur resté sans père 160. ni mère, ni autres ascendans; et par suite, à approuver, 1398. dans ce cas, ses conventions matrimoniales.

Quant au matériel, c'est-à-dire à l'administration des biens du mineur, et à la surveillance que le conseil de famille doit exercer à cet égard, ses fonctions se trouveront fixées ci-après, Section VII, en même temps que nous déterminerons les actes que le tuteur ne peut faire sans son autorisation.

S IV.

De la Nomination du Tuteur.

Quand il n'existe point de tuteur légitime ni testamentaire, il en est nommé un par le conseil de famille convoqué, formé, et délibérant comme il a été dit ci-dessus. La 405. tutelle est alors appelée dative.

[Il en est nommé un, soit parmi les membres du conseil, soit hors du conseil. ]

Si le tuteur n'est pas présent lors de sa nomination, elle lui est notifiée à la diligence d'un membre de l'assemblée, désigné par elle, et ce, dans les trois jours de la délibération, plus un jour par trois myriamètres de distance entre Pr. le lieu où s'est tenue l'assemblée, et le domicile du tuteur. 882. En général, il ne peut être nommé qu'un tuteur, quelles que soient l'étendue et les distances respectives des biens du pupille. Le conseil de famille peut seulement, s'il y a lieu, autoriser le tuteur à se faire aider par un ou plusieurs administrateurs salariés, de la gestion desquels il est responsable. Si cependant le mineur, domicilié en 454. France, a des biens dans les colonies, ou vice versá, l'administration spéciale des biens situés hors du lieu de son domicile, est donnée à un protuteur, dont la gestion est absolument indépendante de celle du tuteur, et sans aucune responsabilité respective.

[Le tuteur doit, par conséquent, pouvoir nommer ou révoquer à son gré les administrateurs salariés. Le protuteur n'a jamais droit sur la personne. Le tuteur étant donné principalement à la personne, il est juste que cette qualité appartienne à celui du domicile du mineur: c'est pour cela que l'autre est nommé protuteur.]

[ Il existait, au sujet de la gestion des protuteurs, deux déclarations du Roi, l'une du 15 septembre 1721, et l'autre du 1er février 1743, dont les dispositions pourront nous servir à résoudre quelques questions sur l'exécution que l'article 417 peut faire naître.

417.

1o. Par qui doivent être nommés les tuteur et protuteur? D'après les déclarations susdites, chacun d'eux devait être nommé dans le pays où il devait exercer ses fonctions. Il avait été décidé, au Conseil d'État, dans la discussion, qu'ils

seraient nommés tous deux dans le lieu du domicile du mineur; mais que, si l'un d'eux venait à manquer, il serait pourvu, sur les lieux, à son remplacement. Cette décision ne se trouve pas dans le Code. Il est probable qu'on a voulu laisser le tout à l'arbitrage du conseil de famille du domicile, qui pourra nommer le protuteur, ou décider que la nomination se fera dans le lieu de la situation des biens.

2°. Quid, s'il existe père, ou mère, ou autres ascendans? Il paraît résulter également de la discussion, que l'art. 417 n'est pas applicable au cas où la tutelle est légitime; et ce qui confirme cette opinion, c'est qu'il est placé sous la rubrique de la Tutelle déférée par le conseil de famille. Or, cette tutelle n'a lieu qu'à défaut de tutelle légitime. Anciennement toute tutelle était dative, et les déclarations susdites portaient que, si le père ou la mère survivait, l'on pouvait, en les nommant tuteurs, se dispenser de nommer un protuteur. L'on peut effectivement s'en rapporter à l'affection paternelle, pour prendre les mesures nécessaires en pareil cas. Je pense donc que, dans le droit actuel, la même décision pourrait être appliquée au cas de la tutelle lé– gitime.

3o. Nonobstant l'indépendance des gestions respectives, je pense, comme cela était établi par la déclaration de 1743, article 6, que le tuteur peut, en cas de besoin et avec l'autorisation du conseil de famille, exiger que le protuteur lui envoie les fonds nécessaires pour pourvoir convenablement à l'entretien et à l'éducation du pupille; et que, réciproquement le protuteur peut, le cas échéant, exiger que le tuteur lui fournisse les fonds nécessaires pour l'entretien et la réparation des immeubles soumis à son administration. Dans ces deux cas, la quittance de l'un vaut décharge valáble pour l'autre.

4o. Enfin, il est bien constant que les immeubles seront soumis à l'administration du tuteur ou du protuteur, sui

vant qu'ils seront situés en France ou dans les colonies. Il en sera de même à l'égard des meubles corporels. Mais quid à l'égard des meubles incorporels, tels que créances, droits, rentes et actions, qui suivent ordinairement le domicile de celui à qui ils appartiennent? Je pense, conformément à l'article 1o de ladite déclaration, que chacun des deux, du tuteur et du protuteur, est chargé de l'administration des créances, rentes, etc., à exercer sur des personnes domiciliées, ou sur des biens situés dans l'étendue des lieux soumis à son administration. ]

REMARQUES SUR LE § IV,

relatif à la tutelle dative.

Cette matière est traitée, mais avec beaucoup d'innovations, dans la sixième section du 16e titre du Ier livre du nouveau Code civil.

21. Lorsqu'un enfant mineur et non émancipé restera sans père, mère, aïeuls, ni tuteur élu par son père ou sa mère, comme aussi lorsque le tuteur, de l'une des qualités ci-dessus exprimées, se trouvera dans le cas d'exclusion ou de dispense, il sera pourvu par le juge de canton à la nomination d'un

tuteur.

22. Le juge de canton fera citer les parens ou alliés du mineur, pour être consultés ensemble sur la personne, dont la nomination conviendrait le mieux aux intérêts du mineur.

Il dressera un procès-verbal sommaire des avis respectifs, et fera immédiatement la nomination du tuteur.

23. Si le juge de canton nomme la personne désignée par la majorité des membres de la famille, la nomination aura immédiatement son effet.'

Lorsque son choix tombe sur une autre personne que celle désignée par la majorité, il adressera sans délai, si l'un des parens ou alliés présens le requiert, son procès-verbal au tribunal d'arrondissement, lequel, après avoir entendu ou dûment appelé les membres de la famille, confirmera la nomination, ou nommera définitivement un tuteur. 24. Lorsqu'il n'y a ni parens, ni alliés dans le royaume, ou, lorsqu'aucun des membres de la famille dûment appelés ne comparaît, le juge de canton procédera seul à la nomination du tuteur.

Si les membres de la famille appelés ne comparaissent qu'en partie, la nomination aura lieu après avoir entendu les parens ou alliés présens.

25. La nomination du tuteur sera faite sur la réquisition des parens du mineur, de ses créanciers ou d'autres parties intéressées, ou même d'office par le juge de canton du domicile du mineur.

L'officier de l'état civil est tenu d'informer le juge de canton du décès de toute personne, qui aura laissé des enfans mineurs.

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