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et ce, quand même il ne réclamerait aucun des biens de la succession. Mais si, sur la sommation, ou dans le cours de l'instruction, l'enfant déclarait qu'il prend ce nom, parce qu'il est fils légitime d'un tel, alors cette déclaration devrait être regardée comme un trouble suffisant, pour faire courir le délai accordé aux héritiers pour contester la légitimité. Ainsi il est bien évident que tout acte de la part de l'enfant, qui fait courir le délai, peut donner lieu à une demande de la part des héritiers; autrement la prescription ne pourrait courir, d'après la maxime: Contrà non valentem agere non currit præscriptio: mais cela n'est pas réciproque; et tout acte qui peut donner lieu à une demande de la part des héritiers, ne ferait pas pour cela courir le délai de la prescription. Le motif de cette distinction est facile à saisir. La prescription étant une exception péremptoire et fatale, il faut que le fait qui en est le fondement, soit précisément celui que la loi exige; et ici la loi exige un trouble dans la possession des biens: donc, tant que les héritiers du mari ne sont point troublés dans cette possession, le délai ne doit point courir contre eux; mais cela n'empêche cependant pas qu'ils n'aient le droit de prendre tous les moyens qu'ils jugent convenables pour prévenir les conséquences qui pourraient résulter, à leur préjudice, des actes de l'enfant, qui, sans les troubler, à proprement parler, dans la possession des biens, témoignent cependant l'intention qu'il a de les y troubler un jour, après que l'effet du temps ou des circonstances aura fait disparaître tout ou partie des preuves qui pourraient servir à démontrer son illégitimité.

(Voir un arrêt de Rouen, du 2 mai 1815, rapporté dans SIREY, 1816, partie 2o, pag. 364; et un arrêt de Cassation, du 21 mai 1817.(Ibid., 1817, 11e partie, pag. 252.)]

Le désaveu, soit du mari, soit de ses héritiers, peut se faire par un acte extra-judiciaire; mais cet acte est comme non avenu, s'il n'est suivi, dans le délai d'un mois, d'une 318. action en justice dirigée contre un tuteur ad hoc, donné à l'enfant en présence de sa mère.

[Il faudra entendre par acte extrajudiciaire, tout acte qui

n'a pas pour but de mener à un jugement, tel qu'une simple protestation. Il suffirait même d'une protestation devant notaires; parce que, s'il fallait nécessairement qu'elle fût faite par huissier, il vaudrait autant intenter l'action. D'ailleurs, pour la faire signifier, il faudrait que l'enfant eût un tuteur; et il paraît que l'article a donné le délai d'un mois pour lui en faire nommer un. Remarquez que c'est l'acte seul qui est non avenu, et que le désaveu peut être encore formé, si le délai du désaveu n'est pas écoulé. ]

[Il est dit dans un des motifs d'un arrêt de cassation, du 9 novembre 1809, dont le dispositif est d'ailleurs trèsjuste, qu'il suffirait que l'acte extrajudiciaire fût suivi, dans le mois, d'une citation en conciliation, quoique la demande introductive d'instance n'eût été formée qu'après le mois, et quoique, dans l'espèce, la demande étant dirigée contre une mineure, ne fût pas susceptible de conciliation. (SIREY, 1810, 11 partie, pag. 77.)

Mais, d'abord, cette opinion me paraît difficile à concilier avec le texte de l'article 318, qui exige une demande en justice. Or, on n'a jamais regardé ni pu regarder le préli– minaire de conciliation comme une demande en justice, puisqu'il tend, au contraire, à la prévenir et à l'empêcher. Secondement, il résulterait de cette disposition un effet tout contraire au but que s'est proposé la loi, c'est-à-dire un retard indéfini dans l'action. Car, comme le préliminaire de conciliation ne tombe pas en péremption, il en résulte que, même après dix ans, il n'a pas besoin d'être renouvelé. Il suivrait donc de là que, tandis la loi veut que les questions d'état soient formées dans le plus bref délai, elle aurait, d'un autre côté, donné un moyen pour les faire durer indéfiniment.

que

Voudrait-on appliquer ici l'article 2245, portant que la citation en conciliation n'interrompt la prescription que quand elle est suivie, dans le délai d'un mois, d'une demande en justice? Mais, d'abord, cette application est purement arbitraire; et, en second lieu, il en résulterait toujours que le délai se trouverait prolongé d'un mois au delà du terme fixé par l'article 318.

Enfin, une troisième raison de ne pas admettre le système proposé, c'est que, dans l'espèce, la citation en conciliation était absolument nulle, puisque l'affaire n'était pas susceptible de conciliation, par elle-même, et attendu la minorité de l'enfant. Or, quod nullum est nullum producit effectum. (Argument tiré de l'article 2247.)]

[Pourquoi l'action est-elle dirigée contre un tuteur ad hoc et non pas contre la mère, puisque c'est elle qui paraît avoir le plus grand intérêt? On n'a pas voulu donner à la mère le désagrément d'être obligée de défendre à une demande de cette nature, dont l'effet doit être d'entacher sa réputation. Il est vrai qu'elle doit être appelée; mais rien ne l'empêche de faire défaut : au lieu qu'elle ne le pourrait pas, si elle agissait comme tutrice, et au nom de son enfant.

Quid, si la légitimité était contestée après la mort du mari, et que la mère se trouvât en conséquence tutrice légitime de l'enfant? l'article ne distingue pas; et il y a d'ailleurs même raison.

Quid, si la mère étant également décédée, ou n'étant pas tutrice, il existe déjà un tuteur? Je pense que cela est encore égal, et qu'il y a toujours lieu à nommer un tuteur ad hoc, soit celui qui existe, ou tout autre. Il pourrait se faire que le tuteur existant fût lui-même intéressé à ce que l'enfant fût déclaré illégitime.

Mais comment sera nommé ce tuteur? Régulièrement, comme l'enfant susceptible d'être désavoué, doit cependant être regardé comme légitime, jusqu'à ce que le désaveu soit formé et jugé valable, ce tuteur devrait être nommé par un conseil de famille composé, comme à l'ordinaire, de trois parens paternels, et de trois parens maternels; mais comme on ne peut raisonnablement exiger que les parens paternels, qui peuvent avoir un intérêt, soit direct, soit indirect, à ce que l'illégitimité soit prononcée, concourent à la nomination de celui qui doit soutenir la légitimité ; et que, d'un autre côté, ce serait préjuger contre l'enfant, que de faire nommer le tuteur par les seuls parens maternels, je pense, en rectifiant, sur ce point, l'opinion que j'ai émise dans ma

dernière édition, que ce tuteur doit être nommé d'office par le Tribunal. D'ailleurs cela évite les lenteurs qui peuvent être fort préjudiciables dans une matière où le délai est fatal, et infiniment court. ]

[La mère doit être appelée lors de l'action, parce qu'elle a double intérêt d'abord, celui de son enfant, qu'on veut priver de la légitimité; et le sien propre, puisque, comme il est évident, son honneur se trouve compromis. ]

Des Preuves de la Légitimité.

Il résulte de ce qui a été dit précédemment, que, pour prouver sa légitimité, l'enfant doit commencer par prouver sa filiation.

Cette preuve ne peut se faire le plus généralement que 319. par l'acte de naissance, ou, à défaut d'acte, par la pos320. session constante de l'état d'enfant légitime. Nous avons

vu ci-dessus ce qu'on doit entendre par possession d'état. [Remarquez 1° que l'article dit, la filiation des enfans légitimes, parce que l'acte de naissance ne suffit pas pour prouver la filiation des enfans naturels, à moins qu'il ne soit signé du père ou de la mère ; auquel cas, il vaut comme reconnaissance de la part de celui ou de ceux qui l'ont signé. Quant aux enfans légitimes, l'acte de naissance dressé sur la déclaration des personnes que la loi a chargées de la faire, fait preuve de la filiation, même à l'égard du père; parce qu'il fait preuve de l'accouchement, et que, quand la mère est mariée, d'après la règle pater est, tout enfant né depuis le mariage est, jusqu'à désaveu jugé valable, présumé l'enfant du mari;

2o. Qu'il est dit, la filiation des enfans légitimes, et non pas la légitimité. Nous avons vu, en effet, plus haut, qu'outre leur acte de naissance, les enfans sont, en général, obligés, pour prouver leur légitimité, de rapporter l'acte de célébration du mariage de leurs père et mère;

5°. Que le titre, quand il est seul, fait bien preuve; mais qu'il n'exclut pas la preuve contraire, s'il n'est accompagné, en même temps, de la possession d'état. (Art. 322.)

On a jugé à Paris, le 15 juillet 1808, dans l'affaire Virginie (SIREY, 1809, 2o partie, pag. 112), que l'inscription d'un enfant sur les registres de l'état civil, sous le nom d'une femme qui était alors mariée, mais qui n'était désignée dans l'acte que sous ses noms de fille, avec l'addition de ces mots, non libre, et l'indication d'un autre père que le mari, non-seulement ne prouvait pas la légitimité, mais n'était pas même un commencement de preuve par écrit, susceptible de faire admettre la preuve testimoniale. Cet arrêt est fondé sur les principes rigoureux du droit; et, dans l'espèce, il était très-probablement conforme à l'équité.

On a jugé à la même Cour, le 11 juin 1814 (SIREY, 1815, 2o partie, pag. 17), et avec raison, que la reconnaissance faite par la mère, après la mort du père, d'un enfant qu'elle prétend être né pendant son mariage, n'est pas un titre suffisant, pour admettre l'enfant à la preuve testimoniale de la paternité.]

[Le défaut d'acte dont il vient d'être parlé, s'entend du cas où il n'est point présenté d'acte de naissance. L'enfant peut ignorer à quelle municipalité il a été présenté au moment de sa naissance; mais si l'acte est représenté, et qu'il soit contraire à la possession, elle n'est plus d'aucune importance.]

Si l'enfant réunit à la fois titre et possession, son état ne peut lui être contesté; et de son côté, il ne peut réclamer un état contraire.

[Il résulte de la combinaison des articles 520 et 322, que le titre et la possession réunis font une preuve complète, qui exclut toute preuve contraire; mais si l'un des deux manque, l'autre fait-il preuve également, sauf la preuve contraire? Je pense qu'il faut distinguer: Celui qui a le titre sans la possession, doit encore prouver l'identité, c'est-à-dire qu'il est celui auquel ce titre s'applique : laquelle preuve il pourra faire par témoins, s'il y a un commencement de preuve par écrit, ou s'il existe des présomptions ou indices, etc. (Argument tiré de l'art. 323); mais celui qui à la possession d'état, est dispensé de toute

522.

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