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SUITE DES REMARQUES SUR LE CHAPITRE IV.

XIV. La délibération d'un conseil de famille est nulle, si, hors le cas de l'article 408 du Code civil, le conseil de famille a été composé de sept membres au lieu de six; il l'est également s'il ne conste pas du procès-verbal que le juge de paix ait présidé et délibéré ; ces nullités sont fondées, la première sur la combinaison des articles 407 et 408 du Code civil, et la seconde sur l'article 416.

Lorsque la mère est notoirement absente de son domicile et qu'elle a laissé un fondé de pouvoirs pour l'administration de la personne et des biens de l'enfant, elle n'est pas valablement appelée pour voir prononcer la destitution de la tutelle, par une citation à domicile; ce mode de l'appeler devant le juge de paix est contraire avec l'esprit des articles 411 et 447, ainsi jugé par la Cour de Liége le 26 juillet 1823.

XV. Lorsqu'un mineur a chassé sur le terrain d'autrui en temps permis mais sans le consentement du propriétaire, la partie civile peut-elle le poursuivre sans mettre en cause le tuteur. Résolu affirmativement lorsqu'il y a en même temps une poursuite de la part de la partie publique. (Arrêt de la Cour de cassation de Bruxelles du 6 novembre 1822.)

XVI. Un conseil de famille est illégalement formé, lorsqu'il est prouvé qu'à la distance de deux myriamètres il est des parens qui n'ont pas été convoqués, tandis que le juge de paix en a appelé d'autres ou plus éloignés en degré de parenté, ou demeurant hors de ce rayon, et cette nullité peut être opposée non-seulement par le mineur, mais encore par celui des membres du conseil qui se trouve ainsi appelé sans devoir l'être. Ainsi jugé par arrêt de la Cour de Bruxelles du 20 mars 1823.

XVII. Le convol de la mère en secondes noces sans avoir préalablement fait décider par le conseil de famille si la tutelle lui sera conservée, ne lui fait pas perdre d'une manière absolue la garde et l'éducation de ses enfans, comme elle lui fait perdre la tutelle; les tribunaux peuvent néanmoins ordonner que le mineur sera placé dans une maison d'éducation quand ils trouvent que son intérêt et les circonstances l'exigent; le choix de la maison appartient en ce cas au conseil de famille. La tutelle, en effet, et l'éducation des enfans ne sont pas essentiellement indivisibles, comme le prouve l'article 302 du Code civil, et l'article 395 n'établit pas le contraire. Ainsi jugé par la Cour de Bruxelles le 28 janvier 1824.

XVIII. Lorsque le changement d'état d'un mineur devenu majeur n'a pas été notifié, les actes de procédure faits depuis la majorité, dans une procédure commencée contre le tuteur, sont valables. (Cour de cassation de Paris, arrêt du 12 août 1821.)

TITRE XI.

De l'Interdiction et du Conseil Judiciaire.

Nous avons dit qu'en général le majeur était capable de 488. tous les actes de la vie civile. Mais il peut arriver qu'un état habituel d'infirmité morale lui ôte le jugement nécessaire pour l'administration de sa fortune, et même de sa personne. Il est également possible que, sans éprouver un dérangement marqué dans ses facultés intellectuelles, un individu ait cependant un goût tellement excessif pour les dépenses inutiles, qu'il soit exposé à être en peu de temps plongé, lui et sa famille, dans une profonde misère. Dans ces deux cas, la Loi doit veiller au bien-être de celui qui manque du pouvoir ou de la volonté d'y veiller lui-même. De là, l'interdiction et le conseil judiciaire.

L'interdiction est la déclaration faite par le juge, qu'une personne est, à raison du dérangement ou de l'affaiblissement excessif de ses facultés morales, incapable de procéder par elle-même à aucun acte de la vie civile.

L'on voit par cette définition, que l'interdiction ne peut avoir lieu qu'à l'égard des individus qui sont dans un état 489. habituel d'imbécillité, de démence ou de fureur.

[L'article dit, le majeur. Doit-on en conclure qu'il n'y a jamais lieu à interdire un mineur? Je ne le pense pas ; la loi a parlé du majeur, parce qu'elle statue sur les cas les plus ordinaires, Lex statuit de eo quod plerumque fit, et que d'ailleurs c'était principalement par rapport à lui qu'il pouvait y avoir difficulté. En effet, remarquez que l'article 489 est placé immédiatement après celui qui porte que le majeur est capable de tous les actes de la vie civile; et comme l'interdiction est précisément une exception à ce principe, le législateur n'a appliqué l'exception qu'aux personnes qui étaient l'objet du principe, c'est-à-dire aux majeurs. C'est donc comme s'il y avait, le majeur même, et à plus forte raison le mineur émancipé a une capacité que

que

ne doit pas avoir celui qui est dans les cas d'interdiction. On pourra, dit-on, lui retirer l'émancipation. Mais, d'abord, la révocation de l'émancipation ne peut avoir lieu dans les cas prévus par les articles 484 et 485, où il n'est nullement question des causes qui donnent lieu à l'interdiction. D'ailleurs, il y a encore des différences essentielles entre le mineur, même non émancipé, et l'interdit. Le premier ne peut se faire restituer qu'en prouvant la lésion: les actes passés par l'interdit sont nuls de droit, c'est-à-dire par cela seul qu'il est interdit. Le premier, parvenu à l'âge de seize ans, peut disposer par testament de la moitié de ce dont il pourrait disposer, s'il était majeur : l'interdit ne peut tester en aucune manière. Enfin, s'il fallait attendre la majorité pour provoquer l'interdiction, comme il y aurait toujours un intervalle indispensable entre la majorité et le jugement, l'individu aurait le temps de se nuire à luimême dans sa personne et dans ses biens. Je pense, d'après cela, que l'on peut, le cas échéant, provoquer l'interdiction du mineur, même non émancipé.

On opposera peut-être à cette décision, la Loi 3, § 1, ff. de Tutelis, qui décide que, si un mineur de quinze ans est furieux, il faut lui donner un curateur, non ut furioso, sed ut adolescenti. Mais le Jurisconsulte donne dans la même loi le motif de cette décision, quia, dit-il, in pupillorum personá, agnatos curatores non admittimus. D'après la loi des Douze Tables, il y avait lieu, pour les furieux, à la curatelle légitime des agnats. Cette curatelle était vue d'un œil défavorable; d'abord, parce qu'elle mettait au hasard le choix du curateur; et ensuite, parce que l'agnat le plus proche étant, en même temps, curateur et héritier légitime du furieux, à défaut de descendans ou d'héritiers testamentaires, il paraissait dangereux de confier le soin d'un individu à celui qui pouvait avoir intérêt, ou d'accélérer sa mort, ou au moins d'empêcher sa guérison, qui l'eût mis dans le cas de disposer de ses biens. On ne conservait donc cette espèce de curatelle, que parce qu'on n'osait pas abolir une institution consacrée par la Loi des Douze Tables. Mais aussi, toutes les fois que l'on pouvait trouver

un moyen de l'écarter, on le saisissait avec empressement. Or, comme il n'était point question, dans la Loi des Douze Tables, des curateurs pour les mineurs, il n'y avait point pour eux de curatelle légitime; elle était toujours dative. En conséquence, dans l'espèce proposée, comme le furieux était en même temps mineur, le Jurisconsulte décide, dans son intérêt, qu'il vaut mieux lui nommer un curateur comme à un mineur, que l'assujettir à la curatelle légitime des agnats. L'on voit donc que cette décision n'est d'aucun poids dans notre droit, où la tutelle de l'interdit est toujours dative, excepté dans un seul cas.]

[L'imbécillité est un affaiblissement de toutes les facultés morales. La démence est un dérangement de ces mêmes facultés. La fureur est une démence portée à l'excès. L'on n'interdit plus actuellement pour cause de prodigalité : l'on se contente de donner au prodigue un conseil judiciaire. Chez les Romains, au contraire, où l'interdiction était une peine, l'on n'interdisait que le prodigue ; et l'on nommait seulement un curateur à l'imbécile, au fou, ou au furieux. Ces deux derniers jouissaient même de toute l'étendue de leurs droits pendant les intervalles lucides; et les fonctions du curateur étaient alors suspendues. (L. 6, Cod. de Curat. furios. vel prod.) Mais l'on sent combien une semblable disposition devait entraîner d'inconvéniens et de contestations.]

Nous disons habituel, 1o parce qu'un seul acte de démence ou de fureur ne suffirait pas pour donner lieu à l'interdiction;

Et 2°, parce qu'il n'est pas nécessaire que l'état de démence ou de fureur soit perpétuel : l'interdiction peut être 489. prononcée, quand même l'individu aurait des intervalles

lucides. [Nous ne parlons ici que du cas de démence ou de fureur, parce qu'ordinairement l'imbécillité est perpétuelle. ]

La prodigalité n'est plus mise actuellement au nombre des causes d'interdiction. Cependant, quand elle est excessive, elle peut, comme nous l'avons dit; nécessiter une mesure particulière, qui consiste dans la nomination, par

le tribunal, d'un conseil, sans l'assistance duquel le prodigue ne peut plaider, transiger, emprunter, recevoir des capitaux, aliéner ni hypothéquer ses biens.

[Le conseil est nommé par le tribunal, et non par le

conseil de famille.

Le conseil doit assister, c'est-à-dire être présent à l'acte; il ne suffirait pas qu'il donnât un consentement séparé. Mais pourrait-il approuver un acte déjà passé? Je ne le pense pas. (Argument tiré de la loi 9, $ 5, ff. De auctorit. et consens. tutorum.) Et en effet il ôterait par là au prodigue le droit qu'il avait de demander la nullité de l'acte. Ex non obligato faceret obligatum.]

[Le prodigue ne peut plaider, soit en demandant, soit en défendant. Ni hypothéquer ses biens. De ce que la loi a énuméré avec soin les actes pour lesquels l'assistance du conseil est nécessaire, s'il s'ensuit que le prodigue peut faire seul tous les actes non compris dans cette énumération. Il peut dont se marier, tester. Cependant, pour ce qui concerne les effets du mariage, cela pourrait souffrir quelque difficulté, à cause de l'hypothèque tacite qui a lieu en faveur de la femme sur les biens du mari. (Article 2135.) Peut-être pourrait-on soutenir que le mariage est valable, mais que la femme n'a point d'hypothèque : Debet sibi imputare quod tali nupserit. Mais il est au moins certain que le prodigue ne pourrait, même par contrat de mariage, faire de donation.

Observez au surplus d'autres différences essentielles qui existent entre le conseil judiciaire et le tuteur de l'interdit. L'assistance duconseil suffit pour rendre le prodigue capable de passer tous les actes quelconques : le tuteur de l'interdit ne pourrait aliéner ni hypothéquer les immeubles de celuici, ni faire aucun emprunt, sans une autorisation du conseil de famille dûment homologuée. L'interdit ne paraît dans aucun acte; il est toujours représenté par son tuteur: il faut que celui à qui il a été donné un conseil, agisse et paraisse toujours lui-même; il doit seulement être assisté de son conseil, etc.

Les articles 477 et 513, défendent à ceux auxquels il a

513.

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