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preuve : c'est à celui qui conteste l'état possédé, à prouver sa prétention. Mais remarquez que, quand on dit que l'état de celui qui réunit le titre et la possession, ne peut être contesté, il faut entendre simplement l'état d'enfant d'un tel ou d'une telle. Mais quant à l'état d'enfant légitime, il faut encore, pour qu'il ne puisse être contesté, qu'il n'y ait aucun doute sur l'existence ou la validité du mariage de ceux que son acte de naissance lui donne pour père et mère, ou au moins qu'il se trouve dans le cas de l'art. 197. Autrement l'on sent que le titre et la possession, quoique réunis, ne seraient d'aucun poids. ]

Si l'enfant n'a ni titre, ni possession constante, ou s'il a été inscrit sous de faux noms 9 ou comme né de père et mère inconnus, alors la preuve de la filiation peut se faire par témoins, pourvu qu'il y ait un commencement de preuve par écrit; ou une réunion de faits constans, assez graves pour déterminer l'admission de la preuve 323. testimoniale.

[Il faut que l'enfant commence par prouver qu'il a été inscrit sous de faux noms. Mais comment se fera cette preuve? par une inscription de faux, mais seulement de faux incident civil, à cause de la disposition de l'article 327; et d'ailleurs, cette inscription même étant, dans l'espèce, un préliminaire indispensable, et pouvant même former préjugé sur la question d'état, ne doit être admise, qu'autant qu'il y a un commencement de preuve par écrit, ou une réunion de faits constans assez graves pour déterminer l'admission de la preuve testimoniale (Art. 323), Ainsi jugé en Cassation, le 28 mai 1809. (SIREY, 1809, 1 partie, p. 455.]

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[Voici un exemple qui se rapporte à l'article 325 du Code civil; il est constant que la mère réclamée par l'enfant est accouchée à une époque qui correspond à celle de la naissance du réclamant: on ne représente, ni l'enfant dont elle est accouchée, ni son acte de décès. La réunion de ces faits pourrait suffire, dans certains cas, pour faire admettre la preuve testimoniale. ]

On entend par commencement de preuve par écrit,

un indice résultant des titres de famille, des registres et papiers domestiques du père ou de la mère, ou des actes publics, et même privés, émanés d'une partie engagée dans la contestation, ou qui, si elle était vivante, y aurait 324. un intérêt opposé à celui du réclamant. [L'on n'exige pas que le père ou la mère soient décédés, comme dans l'article 46, parce qu'ici, ces registres et papiers ne font pas preuve comme dans ledit article, mais seulement commencement de preuve, et encore si le Tribunal juge à propos de les admettre.]

Dans tous les cas, la partie adverse doit être admise à la preuve contraire, qui pourra se faire par tous les moyens propres à établir, ou que l'enfant n'est pas né de la mère qu'il prétend avoir; ou, en supposant la maternité constante, qu'il se trouve dans un des cas d'exception à la règle qui veut que l'enfant de la femme soit censé l'enfant 325. du mari. [Observez que la preuve contraire n'a pas besoin d'être ordonnée; elle est de droit, toutes les fois que l'une des parties est admise à la preuve. (Cod. de Proc., art. 256.) On peut même employer la preuve testimoniale, sauf au juge à en apprécier le mérite. On a un exemple de ce qui vient d'être dit, dans l'impossibilité de cohabitation, ou adultère et naissance cachée.

La Cour de Cassation a jugé avec raison, le 6 janvier 1809, que le mari pouvait former tierce opposition à un arrêt rendu pendant son émigration, et qui avait déclaré la maternité, et par suite, la paternité constante. (SIREY, 1809, 1re partie, p. 49.) Elle a jugé également, le 9 mai 1821 (Ibid. 1821, 1re partie, page 249), que le fils légitime pouvait former opposition au jugement rendu par défaut contre son père, et qui avait donné à un autre enfant, la qualité d'enfant légitime.]

La preuve testimoniale étant de l'essence de la procédure criminelle, et n'ayant pas besoin, dans ce cas, d'être appuyée d'un commencement de preuve par écrit, il était à craindre que, pour éluder les sages dispositions de la loi, on ne commençât par prendre la voie criminelle. [En rendant plainte, par exemple, en suppression d'état, en s'in

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scrivant en faux principal contre l'acte de naissance, etc.]

L'on a pris deux précautions pour prévenir cet inconvénient d'abord, les tribunaux civils sont déclarés seuls compétens pour statuer sur les réclamations d'état relatives 326. à la filiation; et en second lieu, même en cas de délit, l'action criminelle ne peut avoir lieu qu'après le jugement 327. définitif des tribunaux civils sur la question d'état.

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[Nous avons ajouté ces mots relatives à la filiation, parce que, s'il s'agit du mariage, la preuve de la célébration peut, ainsi que nous l'avons vu, s'acquérir par le résultat d'une procédure criminelle. La raison de différence peut être que la suppression du titre ne suffit pas pour détruire l'état de l'enfant, puisqu'il peut encore invoquer la possession d'état; au lieu que le titre est tout pour les époux, qui ne peuvent invoquer la possession. D'ailleurs, le mariage est un acte public, dont l'existence peut être facilement prouvée par témoins. On n'en peut dire autant de la maternité, et surtout de la paternité. ]

[L'art. 327 ne parle que du délit de suppression d'état, parce qu'il n'a eu en vue que les demandes formées dans l'intérêt de l'enfant. Mais je pense que la même disposition doit avoir lieu, quand même il s'agirait de procédures cri·minelles dirigées contre l'enfant, putà, d'une plainte en supposition de part. C'est pour cela que j'ai employé l'expression générale, en cas de délit.]

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[L'action criminelle ne peut avoir lieu avant la décision de la question d'état, même de la part du Ministère public. Ainsi jugé en Cassation, le 2 mars 1809 (SIREY, 1809, 1o partie, p. 300); et le 3 mars 1813. (Ibid., 1813, 1re partie, p. 239.) C'est une dérogation à l'article 3 du Code d'Instruction Criminelle, qui veut, au contraire, que l'exercice de l'action civile résultant d'un délit, soit suspendu, tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique, soit que cette dernière ait été intentée avant, ou pendant la poursuite de l'action civile.

Cette dérogation est fondée sur ce que les questions d'état étant de la plus haute importance, on a pensé qu'il valait mieux courir le risque de laisser un crime impuni,

que de fournir à un individu les moyens d'entrer dans une famille qui ne serait pas la sienne.

Mais l'action criminelle pourrait-elle avoir lieu après le jugement définitif sur la question d'état, si ce jugement avait rejeté la réclamation de l'enfant ? Je ne le pense pas; ce serait donner ouverture à la fraude : l'enfant commencerait par intenter une action civile, qu'il saurait mal fondée, pour pouvoir donner cours ensuite à l'action criminelle, et se procurer par là, pour une autre action, un genre de preuve que la loi lui refuse.]

[Pour éviter toute collusion dans des affaires qui présentent, en général, un grand intérêt, et qui, par leur nature, peuvent préjudicier à d'autres qu'à ceux qui y sont parties, aucune question de ce genre ne peut être jugée sans communication préalable au Ministère public.

Observez que, si la cause est portée au criminel, les individus coupables d'enlèvement, de recélé ou de suppression d'un enfant, de substitution d'un enfant à un autre, ou de supposition d'un enfant à une femme qui n'est pas accouchée, sont punis de la réclusion. La même peine est prononcée contre ceux qui, étant chargés d'un enfant, ne le représentent pas aux personnes qui ont droit de le réclamer. (Code Pénal, art. 345.)

Observez encore que, pour qu'il y ait lieu à l'application des articles 326 et 327, il faut qu'il y ait question d'état. Si donc il n'y avait pas question; si, par exemple, celui qui se plaint de la suppression de son état, était en possession libre et tranquille de l'état supprimé, je pense que l'action criminelle pourrait avoir lieu de suite, et qu'il en serait de même, s'il s'agissait d'un délit qui n'eût aucune connexité avec la question d'état; putà, de l'exposition d'un enfant.]

L'action en réclamation d'état est imprescriptible dans la personne de l'enfant. [La prescription est introduite 328. pour ne pas laisser les propriétés incertaines; et, ici, elle aurait au contraire, pour effet, de laisser l'état de l'enfant incertain. Mais remarquez qu'il n'y a que l'action en réclamation d'état qui soit imprescriptible. Les droits pécu

niaires qui pourraient résulter, en faveur de l'enfant, de l'état qu'il réclame, sont prescriptibles à son égard, comme à l'égard de tout autre. Si donc il vient, en vertu de son nouvel état, réclamer une succession ouverte depuis plus de trente ans, l'on pourra, s'il y a lieu, lui opposer la prescription, sauf les suspensions ou interruptions de droit, etc.

Mais pourrait-on opposer à l'enfant qui réclame son état, le désistement qu'il aurait donné d'une semblable réclamation faite précédemment par lui? Je pense qu'oui, et qu'en conséquence, on a jugé avec raison à Paris, le 3 juillet 1812, que l'enfant qui, devenu majeur, avait désavoué la poursuite en réclamation d'état, faite en son nom par son tuteur, était non-recevable à la reprendre par la suite. (SIREY, 1814; 2° partie, pag. 42.)]

Quant à ses héritiers, il faut distinguer : ou l'enfant a réclamé de son vivant, et alors les héritiers peuvent suivre l'action commencée, à moins qu'il ne s'en soit désisté formellement, ou qu'il n'ait laissé passer trois années sans 330. poursuites, à partir du dernier acte de procédure.

[Il faut entendre les mots quant à ses héritiers dans le même sens que pour le cas de désaveu, c'est-à-dire non-seulement des héritiers directs ou collatéraux de l'enfant, mais encore de tous ceux qui peuvent avoir un intérêt pécuniaire à réclamer l'état de l'enfant, tels que les légataires, à quelque titre qu'ils le soient, les donataires, même les créanciers, etc.

Anciennement, l'on suivait en France les dispositions des lois romaines au Titre Ne de statu defunctorum, etc. Et en conséquence quand l'enfant mourait pendant l'appel, on distinguait : S'il était appelant, les parties intéressées pouvaient continuer l'instance. Mais, s'il était intimé, c'est-à-dire s'il avait gagné en première instance, la question d'état était terminée, et l'on devait s'en tenir au jugement qui avait été rendu de son vivant. L. 1. § 3. Eod. De même l'on ne pouvait contester l'état d'un individu cinq ans après sa mort. L. 1. in princip. Eod. (DE LA COMBE verbo ÉTAT, no 4.) Ces dispositions exorbitantes du droit

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