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succéder, tel qu'un droit d'usufruit; que c'était même d'après ce principe, que quelques auteurs avaient pensé anciennement que l'héritier de l'usufruitier pouvait prescrire la chose soumise à l'usufruit. On ne peut donc pas dire que l'héritier représente le défunt à l'égard des actes que ce dernier a passés comme usufruitier; il n'est donc pas tenu de ses faits en cette qualité. D'ailleurs, comme il est dit dans l'article précédent, le locataire qui doit connaître la loi, ne peut se plaindre d'avoir été induit en erreur; c'est même pour cette dernière raison que je pense que, si le locataire a tu sa qualité d'usufruitier et a loué comme propriétaire, son héritier est tenu. Car, dans ce dernier cas, le défunt était garant de son dol. Cette obligation de garantie fait partie des charges de sa succession : donc, son héritier en est tenu. Si donc il réclame le fonds comme propriétaire, on lui opposera avec succès la règle : Eum quem de evictione tenet actio, eumdem agentem repellit exceptio. Cette décision est consacrée par la loi 9, § 1, ff. Locati conducti.

L'usufruitier serait-il tenu d'entretenir les baux faits par le propriétaire? Oui, sans doute, quelle qu'en soit la durée; puisque l'acquéreur même de la propriété y est obligé, aux termes de l'article 1743. Mais y aurait-il lieu à la distinction établie dans le même article, entre le bail qui a, ou qui n'a pas, une date certaine ?

D'abord, si l'usufruit a été acquis à titre onéreux, l'article 1743 est applicable dans tout son contenu, et l'usufruitier n'est tenu d'entretenir le bail, qu'autant qu'il a une date certaine antérieure à la vente.

Si l'usufruit a été constitué à titre gratuit, il faut distinguer: Si c'est par testament, comme le bail fait par le testateur a acquis une date certaine par sa mort, l'usufruitier devra l'entretenir; mais si c'est par donation entre-vifs, et que le bail soit sous seing-privé, je pense que, stricto jure, le locataire ou fermier pourrait être expulsé; mais que cependant l'on pourrait benigniter, décider le contraire, sauf le cas de fraude. (Voir au troisième volume, les notes sur le Titre du Louage.)]

De son côté, le propriétaire, tant que dure l'usufruit, ne peut rien faire qui nuise aux droits de l'usufruitier. En 599. conséquence, quoiqu'il puisse disposer de la chose en faveur d'un tiers, il ne peut transmettre plus de droit qu'il n'en a lui-même; et l'usufruit continue, à moins que l'usufruitier n'y ait formellement renoncé.

[Le propriétaire ne peut, sans le consentement de l'usufruitier, faire de nouvelles constructions (L. 7. § 1, ff. de Usuf.), ou en détruire d'anciennes, sur le fonds sujet à usufruit; il ne peut', comme nous l'avons dit, abattre les futaies, à moins qu'elles ne soient couronnées; il ne peut imposer de nouvelles servitudes, à moins qu'elles ne soient de nature à ne pas nuire aux droits de l'usufruitier, telles que la servitude altiùs non tollendi, ou à moins qu'il ne soit stipulé qu'elles n'auront lieu qu'après la cessation de l'usufruit. Mais il peut en acquérir au fonds sujet à l'usufruit, même sans le consentement de l'usufruitier. Car il peut améliorer le fonds, pourvu qu'il n'en résulte aucun trouble ni aucune diminution dans la jouissance de l'usufruitier. (L. 15, § 7, eod.) La même loi décide que le propriétaire ne peut, même avec le consentement de l'usufruitier, imposer sur le fonds de nouvelles servitudes. Mais cette décision est fondée sur une pure subtilité, qui ne serait pas admise dans notre droit.

Observez que, quand l'on dit que le propriétaire ne peut, de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de l'usufruitier, il faut entendre cette prohibition, seulement par rapport à l'héritage soumis à l'usufruit; car, s'il était en même temps propriétaire d'un héritage voisin, il pourrait y faire tout ce qu'il jugerait à propos, quand même l'usufruit en recevrait quelqu'atteinte, pourvu cependant que cela ne détruisît pas entièrement la jouissance. C'est ainsi que Paul, dans la loi 30, ff. eod., décide que le propriétaire peut élever la maison voisine qui lui appartient, de manière à diminuer le jour de l'usufruitier, pourvu toutefois que la maison soumise à l'usufruit, soit encore habitable.] [Le simple consentement donné à la vente par l'usufruitier, ne suffirait pas. Secùs, chez les Romains. (L. 4, § 12,

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ff. de Doli mali et metús except.) En effet, la renonciation gratuite à l'usufruit doit être regardée comme une donation. Or, nemo facilè donare præsumitur. On peut penser que la présence et le consentement de l'usufruitier ont eu pour motif, de dispenser l'acquéreur de la nécessité de lui notifier son acquisition. ]

SECTION II.

Des obligations de l'Usufruitier.

L'usufruitier doit, premièrement, prendre les choses dans l'état où elles sont ; et il ne peut entrer en jouissance qu'après avoir fait dresser, le propriétaire présent ou dû– ment appelé, un inventaire des meubles et un état des im600. meubles sujets à l'usufruit.

[Faut-il conclure de là qu'il ne pourrait obliger le propriétaire de faire les grosses réparations qui se trouveraient nécessaires au moment de l'ouverture de l'usufruit? Je pense qu'il faut distinguer: S'il y a, sur le fonds sujet à l'usufruit, un bâtiment qui tombe en ruine, le propriétaire ni l'usufruitier ne seront tenus de le rétablir. (Article 607.) Mais si, par exemple, l'usufruit reposait sur une maison qui fût bonne d'ailleurs, mais dont la couverture entière eût besoin d'être refaite, je ne pense pas que le propriétaire fût recevable à refuser de la réparer, sauf ce qui sera dit ci-après, dans une autre note. Et én effet, que s'ensuivrait-il de ce refus? Que, si l'usufruitier s'obstinait également à ne pas réparer, la maison finirait par se détruire totalement. En conséquence, le propriétaire se serait nui à lui-même, pour ne pas faire l'avantage de l'usufruitier. C'est bien le cas d'appliquer la maxime : Malitiis non est indulgendum. C'est, je crois, d'après cette distinction, que l'on doit entendre la loi 65, § 1, ff. de Usufructu, qui dit que: Non reficere debet heres quod vetustate jam deterius factum reliquisset testator.

Quid, à l'égard des réparations d'entretien qui sont à faire à la même époque? il n'est pas douteux qu'elles ne

soient à la charge de l'usufruitier. L. 48, ff. de Usufructu.] [L'usufruitier pourrait-il se dispenser de faire dresser cet état, sous la seule peine d'être présumé avoir reçu les fonds en bon état, et d'être obligé de les rendre de même, et ce, par argument de l'article 126? Je ne le pense pas. Cette disposition a pour but de constater, non-seulement l'état, mais encore la forme extérieure des héritages, que l'usufruitier ne peut changer. Or, il pourrait changer cette forme, et rendre cependant les fonds en bon état. Nous examinerons plus bas la question de savoir si l'usufruitier est tenu de faire les réparations d'entretien qui se trouvent à faire au moment de la cession de l'usufruit.

Aux frais de qui doivent être faits cet état et cet inventaire? Aux frais de l'usufruitier. C'est à lui qu'est imposée l'obligation, et les frais de paiement sont à la charge du débiteur. (Art. 1248.)

Le testateur pourrait-il dispenser l'usufruitier de l'obligation de faire dresser ces état et inventaire? Je pense qu'oui, si toutefois il n'y a pas d'héritiers à réserve, ou que les biens restans soient suffisans pour la fournir. Il pouvait donner l'objet en toute propriété. Or, qui peut plus, peut ordinairement moins. Quid, si, dans ce cas, l'héritier offre de faire dresser ces état et inventaire, mais à ses propres frais? Je ne pense pas que cette demande puisse être refusée. L'on doit présumer que l'intention du testateur, en accordant la dispense, a été seulement d'en épargner les frais à l'usufruitier. Sic jugé à Bruxelles, le 11 décembre 1811. (SIREY, 1812, 2° partie, page 143), et le 10 juin 1812. (Ibid., 1813, 2o partie, page 46.) ]

Il doit jouir en bon père de famille : il est même tenų d'en donner caution, s'il n'en est dispensé, soit par le titre constitutif de l'usufruit, soit par la disposition de la loi. Sont compris dans cette dernière classe, 1o les père et mère, relativement à l'usufruit légal des biens de leurs enfans; et 2o le vendeur et le donateur qui se sont réservé l'usufruit de l'objet vendu ou donné. 601.

[Quid, si l'usufruit est sur des choses fongibles? Comme, dans ce cas, la jouissance emporte la propriété, la caution

doit être du montant total des objets; sinon, l'on appliquera l'article 600.]

[ L'acquéreur d'un usufruit à titre onéreux est-il tenu de donner caution, si le titre n'en dit rien? Je ne le pense pas. Le vendeur qui se réserve l'usufruit, n'étant pas tenu de la caution, malgré le silence du titre, il y a d'autant plus de raison de décider de même pour l'acquéreur, qu'en général, dans la vente, les clauses obscures ou ambiguës s'interprètent contre le vendeur. (Art. 1602.)]

[Y aurait-il lieu à la caution, si les père et mère avaient sur les biens de leurs enfans un usufruit autre que l'usufruit légal; si, par exemple, les enfans sont héritiers ou légataires universels dans une succession, et que le défunt ait légué au père l'usufruit d'un objet dépendant de cette même succession? Il me semble qu'il serait inconvenant de donner aux enfans le droit de demander caution; et ce, par la même raison qui en a fait dispenser les père et mère dans le cas de l'usufruit légal: on doit présumer trop de la bienveillance paternelle, pour croire qu'ils pourront négliger ou détériorer les biens de leurs enfans: et il serait d'ailleurs contraire au respect que les enfans doivent, à tout âge, à leurs parens, que de donner aux premiers le droit d'exiger une caution des seconds, si ce n'est dans le cas où ceux-ci abuseraient de leur jouissance. Ces motifs n'étant pas applicables au cas de l'article 754, où les propriétaires. peuvent n'être pas même parens des usufruitiers, je ne pense pas qu'il y ait lieu à les dispenser de la caution.]

Si l'usufruitier ne peut trouver de caution, les immeubles sont donnés à ferme ou mis en séquestre; les sommes de deniers, comprises dans l'usufruit, sont placées; les denrées et autres choses fongibles sont vendues, et le prix placé; et l'usufruitier perçoit les intérêts du tout, ainsi que le 602. prix des loyers et fermages.

Quant aux choses mobilières ou fongibles, le propriétaire peut, à défaut de caution, demander que les mêmes dispositions leur soient appliquées; sauf au Tribunal à ordonner, suivant les circonstances, et si l'usufruitier le demande, que les meubles nécessaires pour son usage lui

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