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le terme le plus court et le terme le plus long de la gestation.]

La présomption de légitimité cesse donc d'avoir lieu à l'égard de l'enfant né avant ou après ce terme.

Il y a cependant une distinction à faire entre les deux cas; c'est que l'enfant né 300 jours après la dissolution du mariage, est, de droit, illégitime, tellement que le vice de sa naissance ne peut être couvert en aucune manière; au lieu que l'enfant né avant le 180o jour du mariage, pouvant être présumé provenir du commerce que les époux auraient eu ensemble auparavant, est réputé légitime, ou plutôt légitimé, tant qu'il n'est pas désavoué par le mari.

[ L'article 515 dit que, dans ce cas, la légitimité de l'enfant, né trois cents jours après la dissolution du mariage, pourra être contestée. Cette rédaction a fait naître deux questions: la première est celle de savoir si l'article serait applicable à un enfant né le trois-centième jour après la disso→ lution du mariage, ou, en d'autres termes, s'il faut un intervalle de deux cent quatre-vingt-dix-neuf ou de trois cents jours, entre le jour de la dissolution du mariage et celui de la naissance, pour que l'enfant soit illégitime. Si l'on appliquait à ce cas la disposition de l'article 1035 du Code de Procédure, il est certain qu'il faudrait un intervalle de trois cents jours. Mais peut-on convenablement faire cette application ? et quelle analogie peut-il y avoir entre une règle de procédure, et une disposition qui détermine le temps le plus long de la gestation d'un enfant? Nous voyons, d'ailleurs, dans la discussion, que ce n'est que par l'effet d'une faveur extrême, que le terme, dans l'article 315, a été prolongé jusqu'à trois cents jours: mais il est un terme à la faveur, et surtout dans une pareille circonstance, où certainement la présomption morale est pour l'illégitimité. Voyons donc si nous ne trouverons pas, dans quelque autre article du Code, une raison de décider.

L'article 512 dit que le père peut désavouer, s'il prouve que, pendant le temps qui a couru depuis le trois centième jusqu'au cent quatre-vingtième jour avant la naissance de l'enfant, il y a eu impossibilité de cohabitation. Donc il

suffit que l'impossibilité ait commencé dans le courant du trois-centième jour qui a précédé la naissance; donc il suffit d'un intervalle de deux cent quatre-vingt-dix-neuf jours.

Remarquons, d'ailleurs, que, dans la même discussion, il avait été décidé que le terme le plus court de la gestation était de cent quatre-vingts jours: or, il résulte de l'art. 314, qu'il suffit d'un intervalle de cent soixante-dix-neuf jours entre le mariage et la naissance, pour que l'enfant ne puisse être désavoué. Donc l'on n'a pas entendu compter le jour de l'accouchement; donc ce jour ne doit pas être compté davantage dans le cas de l'article 315; et par conséquent, le terme le plus long ayant été fixé à trois cents jours, il suffit d'un intervalle de deux cent quatre-vingt-dix-neuf jours entre le jour de la dissolution du mariage et celui de la naissance, pour que l'enfant soit illégitime.

La deuxième question qu'a fait naître l'article 315, a été celle de savoir si l'enfant est illégitime par le seul fait de la naissance tardive; ou si seulement, alors, sa légitimité peut être contestée, sauf aux tribunaux à prononcer.

L'on voit, par la manière dont j'ai rédigé le texte, que je regarde, dans ce cas, l'enfant comme étant, de droit, illégitime; et, en effet, si le mot contesté devait être pris dans son acception ordinaire, pour une simple demande sujette au jugement des tribunaux, qu'était-il besoin de dire que, dans le cas de l'article 315, la légitimité pourrait être contestée? Est-il nécessaire, pour cela, qu'il y ait naissance tardive? ne conteste-t-on pas tous les jours la légitimité d'un enfant né et conçu pendant le mariage, sauf aux tribunaux à admettre ou à rejeler la demande ? Quand donc le Législateur a dit spécialement que, dans le cas de naissance tardive, la légitimité pouvait être contestée, il a certainement pris ce dernier mot dans une autre acception; et voici quels ont pu être ses motifs :

L'on venait de déterminer, dans l'article précédent, les cas dans lesquels l'enfant pouvait être désavoué par le mari; et il résulte bien de la rédaction de cèt article, que, dans ces cas, le mari n'a rien à prouver, et que son désaveu seul suffit pour déterminer le jugement qui doit priver l'enfant de

tout droit à la légitimité. Il ne reste à celui-ci d'autre moyen, que de prouver qu'il n'est pas dans un des cas prévus. On a voulu appliquer la même disposition à l'enfant dont la naissance est tardive. Mais l'on n'a pu se servir du mot de désaveu, parce qu'il aurait bien convenu au mari qui aurait voulu repousser l'enfant né trois cents jours après le divorce; mais il n'aurait pas convenu également au cas où la dissolution du mariage serait survenue par le décès du mari, et où l'état de l'enfant serait contesté par les héritiers de ce dernier. On ne peut désavouer qu'une chose qui nous est attribuée. On désavoue un ouvrage qu'on veut faire passer sous notre nom, un propos qu'on prétend avoir été tenu par nous. Le mari peut désavouer l'enfant, parce que l'enfant prétend qu'il est au mari, qu'il est né de ses œuvres. On ne pouvait en dire autant des héritiers. Il a donc fallu chercher une autre expression; et on a pris celle de contester. Mais comme le simple désayeu du mari suffit, dans l'article 314, pour ôter à l'enfant la qualité d'enfant légitime, sauf à celui-ci à prouver qu'il n'est pas dans les cas du désaveu, il faut dire de même que, dans le cas de l'article 315, la simple contestation, de la part du mari ou des héritiers, a le même effet, et doit déterminer le jugement, à moins que l'enfant ne prouve qu'il n'existe pas un intervalle de deux cent quatre-vingt-dix-neuf jours entre le jour de sa naissance et celui de la dissolution du mariage. Autrement, si l'on entendait le mot contester dans une autre acception, il faudrait dire que, dans l'espèce d'un enfant né, même dix ans après la dissolution du mariage, les tribunaux auraient encore à examiner la question de légitimité; ce qui est absurde.

Enfin, il résulte bien évidemment de la discussion trèslongue et très-lumineuse, qui a eu lieu sur cet objet au Conseil-d'État, que le terme le plus long de la gestation, dans l'ordre de la nature, est de deux cent quatre-vingts jours. Il avait été porté par la Commission à deux cent quatre-vingt-six jours; et enfin il fut fixé, lors de la discussion, à deux cent quatre-vingt-dix neuf jours, pour éviter toute discussion, et uniquement à cause de la faveur due

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à la légitimité; d'où il suit qu'il n'est pas douteux que le Conseil n'ait regardé comme illégitime, de plein droit, l'enfant qui naîtrait après cette époque; et ce qui prouve encore en faveur de ce système, c'est io l'article 312 qui déclare illégitime l'enfant conçu même pendant le mariage, quand il est désavoué par le mari, si celui-ci prouve que, pendant l'espace qui s'est écoulé depuis le trois-centième jusqu'au cent quatre-vingtième jour avant la naissance, il a été dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa femme ; donc cette preuve une fois faite, les tribunaux devront prononcer nécessairement l'illégitimité: donc, dans l'espèce, l'enfant est, de droit, illégitime: 2° l'article 517 qui porte que, si le mari meurt dans le délai qui lui est accordé pour désavouer, ses héritiers auront deux mois pour contester la légitimité, etc. Or, certainement, l'on n'a pas entendu donner aux héritiers moins de droit qu'au mari.. 3° Enfin l'article 318, commençant par ces mots : Tout acte extrajudi– ciaire contenant le désaveu de la part du mari ou de ses héritiers or ici, le mot désaveu remplace évidemment, : l'égard des héritiers, le mot contestation. Donc, pour ce qui concerne les héritiers, le Code se sert indifféremment de ces deux expressions, et leur attribue les mêmes effets.

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Il faut remarquer, en terminant, que, si l'enfant était né deux cent cinquante jours seulement après la mort du mari, -mais qu'il fût prouvé que, dans les cinquante jours qui ont précédé cette mort, il y a eu impossibilité physique de cohabitation, cela rentrerait dans le cas de l'article 312, et ces deux circonstances réunies suffiraient sans doute pour faire déclarer l'enfant illégitime.

De ce que l'enfant né trois cents jours après la dissolution du mariage, est illégitime ipso jure, il résulte 1o que la reconnaissance du mari n'opérerait rien en sa faveur, comme elle opérerait dans le cas du désaveu;

Et 2° qu'à quelqu'époqué que la légitimité soit contestée, la disposition de l'article 515 devra être appliquée.

Nota. L'on a jugé à Paris, 1o que la disposition de l'article 315 pouvait être invoquée, non-seulement pour décider la question de légitimité, mais encore pour

détruire la

successibilité. Arrêt du 19 juillet 1819, rapporté dans SIREY, 1819, 2o partie, page 213; et le pourvoi a été rejeté le 8 février 1821. (Ibid., 1821, partie 1, pag. 404.)

Et 2° que les personnes qui avaient reconnu comme légitime, l'enfant né plus de dix mois après le divorce, étaient non-recevables à contester la légitimité. Arrêt du 28 juillet 1818; rejet du pourvoi, le 15 avril 1820. (SIREY, 1821, partie 1, page 8.) Mais dès que la Cour s'est décidée par la fin de non-recevoir, il est évident qu'elle n'a pas entendu toucher au fonds de la question. ]

[Nous avons dit que l'enfant né avant le cent quatre-vingtième jour du mariage pouvait être présumé provenir du commerce que les époux auraient eu ensemble auparavant, et, dans ce cas, il serait regardé comme légitimé par mariage subséquent.]

[ Il existe une différence bien importante entre le désaveu d'un enfant né avant le cent quatre-vingtième jour du mariage, et le désaveu d'un enfant conçu pendant le mariage. Cette différence consiste en ce que, dans cette dernière hypothèse, le désaveu ne peut avoir lieu que dans un trèspetit nombre de cas expressément déterminés par la loi, et à la charge, par celui qui désavoue, de prouver l'existence du cas allégué, tandis qu'à l'égard de l'enfant né, mais non conçu pendant le mariage, le simple désaveu, sans aucune autre allégation, suffit pour ôter à l'enfant le caractère d'enfant légitime.

Il s'est présenté à ce sujet une question assez singulière à la Cour d'Appel d'Orléans.

Une mère se marie quinze jours après la mort de son fils. Cent quarante-deux jours après le mariage, elle accouche d'une fille qui n'est pas désavouée. Il s'agissait de savoir si cette fille avait recueilli la succession de son frère, mort cent cinquante-sept jours avant sa naissance, et par conséquent à une époque où elle était certainement conçue. Mais, comme l'on voit, la succession s'était ouverte quinze jours avant le mariage de ses père et mère.

La Cour d'Orléans avait jugé l'affirmative. Elle s'était fondée, sur ce que l'enfant né dans le mariage, quoique conçu

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