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613. de la contestation. [ Par exemple, si un fermier prétend que le prix de son bail est moindre que celui qui lui est demandé; s'il réclame une remise pour raison d'accident imprévu; ou s'il est commis sur le fonds des voies de fait qui aient pour objet de priver l'usufruitier d'une partie des fruits, etc.

Quid, si le procès intéressait tout à la fois le propriétaire et l'usufruitier; putà, si l'on prétendait que celui qui a constitué l'usufruit, n'était pas propriétaire de la chose, ou ne l'était qu'en partie ? Mais, d'abord, dans ce cas, l'action en revendication doit-elle être formée en même temps contre le propriétaire et contre l'usufruitier? L'affirmative n'est pas douteuse; car l'usufruit est un démembrement de la propriété. Le propriétaire et l'usufruitier doivent donc être assimilés à deux co-propriétaires ou deux co-possesseurs, contre lesquels l'action en revendication doit être également formée. Quant au paiement des frais, il faut distinguer si l'usufruit a été constitué à titre gratuit ou à titre onéreux: si c'est à titre onéreux, comme l'usufruitier doit alors être garanti par le constituant, et que cette garantie comprend le paiement des frais (Art. 1630), il n'est pas douteux que le constituant ne doive tenir compte à l'usufruitier de tous les frais qu'il a pu faire, tant sur la demande originaire que sur la demande en garantie. Mais si l'usufruit a été constitué à titre gratuit, comme c'est alors une véritable donation, et que le donateur n'est pas tenu de la garantie, alors les frais faits par l'usufruitier sont à sa charge. Il faut excepter cependant le cas où le constituant aurait été in dolo; putà, si au moment où il a constitué l'usufruit, il savait que la chose ne lui appartenait pas. Il doit alors garantir l'usufruitier des frais, comme dans le cas de l'acquisition à titre onéreux. (L. 18, § 3, ff. de Donationibus.)]

L'obligation de jouir en bon père de famille rend encore l'usufruitier responsable, non-seulement des abus provenant de son fait, mais encore de tous ceux qui proviennent du fait d'autrui, et auxquels il a pu donner lieu par sa négligence. Si donc il a laissé prescrire quelque servi

tude; s'il n'a pas dénoncé au propriétaire les usurpations commises sur le fonds, il est garant de tout le dommage qui peut en résulter.

[L'interruption de la prescription faite par l'usufruitier, profiterait-elle au propriétaire? Je pense qu'il faut distinguer: S'il s'agit d'une interruption de droit, résul– tant d'une assignation donnée à la requête de l'usufruitier, et que le défendeur ait continué de posséder, je pense que l'interruption ne profiterait pas au propriétaire. Si donc l'usufruitier vient à mourir avant le jugement de la contestation, la prescription ne sera pas censée avoir été interrompue à l'égard du propriétaire. Il en serait autrement, s'il s'agissait d'une interruption de fait; si, par exemple, l'usufruitier est rentré, de fait, en possession de l'objet que l'on prescrivait. La raison de différence résulte de ce que, dans les actes ordinaires, l'usufruitier peut être regardé comme le mandataire du propriétaire, pour tout ce qui tend à conserver la propriété. L. 1, §7, et L. 2, ff. Usufruct. quemadm. cav. Or, cette présomption ne peut avoir lieu en cas d'assignation, parce qu'en France, il n'y a que le Roi qui plaide, par procureur. Voir un arrêt de cassation du 7 octobre 1813. (SIREY, 1815, 17e partie, pag. 143.)]

[Dans quel délai l'usufruitier est-il tenu de faire la dénonciation des usurpations? Dans le même délai que celui qui est réglé, en cas d'assignation, suivant la distance des lieux, par les articles 72 et 1033 du Code de Procédure, c'est-à-dire huitaine, plus un jour par trois myriamètres de distance. (Argument tiré de l'article 1768.) Il faut que le propriétaire soit averti assez à temps, pour pouvoir intenter l'action possessoire. ]

Enfin, l'usufruitier n'ayant que le droit de jouir comme jouissait le propriétaire, ne peut, comme nous l'avons dit, changer la forme de l'objet, ni l'appliquer à un autre usage que celui auquel il est destiné, quand même il prétendrait que cette nouvelle forme ou ce nouvel usage sont, et qu'ils seraient effectivement, plus utiles au propriétaire. [ Mais toujours avec la restriction, que malitiis non est indulgendum. Les Tribunaux doivent rejeter l'op

614.

position du propriétaire, si elle est évidemment fondée sur l'esprit de chicane et sur la seule envie de gêner la jouissance de l'usufruitier. ]

SECTION III.

De l'Extinction de l'Usufruit.

L'usufruit s'éteint de neuf manières.

[Remarquez, 1o que les premier, cinquième, septième et huitième modes d'extinction ne peuvent, comme il est évident, s'appliquer à l'usufruit des choses fongibles;

2°. Que l'extinction de l'usufruit, survenue autrement que par la consolidation, est moins l'acquisition d'un droit par le propriétaire, que la libération d'une charge. C'est d'après ce principe qu'a été rédigé le S7 de l'art. 15 de la loi du 21 frimaire an 7, portant qu'il n'est dû aucun droit pour la réunion de l'usufruit à la propriété, tandis qu'il en serait dû un, s'il y avait vraiment acquisition par le propriétaire. ]

1o. Par la résolution du droit de celui qui l'a constitué, sauf ce qui a été dit au Titre des Absens, et sauf les autres cas où la loi, en annulant le titre de l'ancien propriétaire, laisse néanmoins subsister les aliénations faites par lui. (Art. 747, 860, 950, 958.)

[Nous avons dit par la résolution du droit de celui qui l'a constitué, suivant la maxime, resoluto jure dantis, resolvitur jus accipientis. Ainsi l'usufruit constitué par un acquéreur à réméré, s'éteint, si le vendeur exerce le réméré; idem, par un donataire, lorsque la donation est révoquée par survenance d'enfant. Il n'en serait pas de même, si elle était révoquée pour cause d'ingratitude, et que la constitution d'usufruit fût antérieure à la transcription de la demande en révocation au bureau des hypothèques. Nous verrons, au Titre des Donations, le motif de cette différence. (Voir aussi l'article 132. )]

2o. Par l'événement du jour ou de la condition, s'il a 617. été ainsi établi; en observant cependant que l'usufruit ac

cordé jusqu'à ce qu'un tiers ait atteint tel âge, dure jusqu'à l'époque à laquelle ce tiers aurait eu l'âge fixé, quand même il serait mort auparavant. [Nous avons fait voir au Titre 620. de la Puissance paternelle, que cette disposition n'était pas applicable à la jouissance légale des pères et mères. ]

3o. Par la mort naturelle ou civile de l'usufruitier. [Peut-être pourrait-on soutenir, par argument de l'opinion que nous avons émise au Titre de la Mort civile, que le propriétaire de la chose soumise à l'usufruit peut être tenu, s'il y a lieu, de fournir, ou de contribuer au moins à fournir, des alimens à l'usufruitier. C'était le sentiment de LE GRAND, sur l'article 133 de la Coutume de Troyes,

n° 19.

617.

L'usufruit s'éteindrait-il également par la mort civile de l'usufruitier, s'il avait été constitué à titre onéreux? La raison de douter se tire de ce que, dans les conventions, le mot de mort s'entend toujours de la mort naturelle seulement. L. 121, § 2, de Verborum Obligat. Peut-être la réponse à cette question devrait-elle dépendre des termes du contrat. Si, par exemple, il était dit que, moyennant telle somme, Pierre a concédé à Paul le droit de jouir, pendant toute sa vie, de telle terre, on pourrait prétendre que l'usufruit ne serait pas éteint par la mort civile de l'usufruitier, et que, le cas arrivant, ses héritiers auraient droit d'en jouir, tant qu'ils justifieraient de son existence. C'est la décision de la loi 3, ff. quibus modis ususfructus amittitur, fondée sur ce que, comme nous venons de le dire, les mots de vie ou de mort, insérés dans les conventions, doivent toujours être entendus de la vie, ou de la mort naturelle: on ne peut présumer que les parties aient prévu que l'une d'elles subirait la mort civile; au lieu que, dans la loi, le mot de mort se prend, indistinctement pour la mort, tant naturelle que civile. Ce principe paraît avoir été adopté par le Code lui-même, dans l'article 1982. Mais si l'acte portait une simple concession d'usufruit, sans l'addition de ces mots, pendant toute sa vie, on pourrait prétendre que les parties n'en ayant pas fixé le terme, se sont rapportées entièrement à la loi, pour la durée et l'extinc

tion de cet usufruit, et qu'en conséquence il s'éteindra par la mort civile de l'usufruitier.

D'après cette distinction, l'on devrait décider que, si un usufruit avait été constitué au profit d'une personne, mais sur la tête d'une autre, c'est-à-dire pour en jouir tant que cet autre vivrait, il ne s'éteindrait que par la mort naturelle de celui sur la tête duquel il serait constitué. Mais si ce dernier, sans encourir la mort civile, venait à disparaître, quid juris? serait-ce au propriétaire de la chose à prouver sa mort, ou à l'usufruitier à prouver son existence? Je pense que les choses devraient rester in statu quo, jusqu'à la déclaration d'absence, qui pourrait même, s'il y avait lieu, être provoquée par le propriétaire même; mais que, l'absence une fois déclarée, le propriétaire pourrait réclamer les fruits échus depuis la disparition, à la charge de donner caution.]

4o. Par une jouissance de trente ans, s'il a été constitué au profit d'un corps, d'une communauté, ou de tout autre 619. établissement;

5o. Par la consolidation, c'est-à-dire par la réunion de la 617. propriété à l'usufruit, dans la personne de l'usufruitier, [ et non pas du propriétaire; car alors la consolidation ne serait pas un mode particulier d'éteindre l'usufruit. Il y aurait consolidation, toutes les fois que l'usufruit s'éteindrait, de quelque manière que cela arrivât, puisque, toutes les fois qu'il s'éteint, il y a réunion de l'usufruit à la propriété. Il existe au surplus, sur ce point, dans la loi 17, ff. quibus mod. ususfruct. amitt., une décision de pure subtilité qui ne serait certainement pas admise dans notre droit, où l'on tient, conformément à l'avis de DUMOULIN, qu'il n'y a qu'une propriété incommutable qui puisse engendrer une confusion irrévocable. ]

Ibid.

6o. Par la non-jouissance pendant trente ans. [Il ne faut pas conclure de là que l'on ne puisse, dans aucun cas, opposer à l'usufruitier, d'autre prescription que celle de trente ans. Car si le propriétaire a, par exemple, vendu ou cédé le même usufruit à un tiers de bonne foi, et que celui-ci en ait joui pendant dix ou vingt ans, sans récla

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