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mation de la part du premier usufruitier, il est certain
que
le second acquéreur est devenu propriétaire du droit d'u-
sufruit (art. 2265), et que, par conséquent, le premier
usufruitier en est privé. Mais alors l'usufruit n'est pas
éteint;
il est seulement transféré à une autre personne : au
lieu que, dans notre article, il s'agit de l'extinction de l'u-
sufruit, c'est-à-dire de sa réunion à la propriété; ce qui ne
peut avoir lieu que par une non-jouissance de trente ans,
excepté dans un seul cas, celui où le propriétaire aurait
vendu la chose entière, c'est-à-dire en propriété et en usu-
fruit, à un acquéreur de bonne foi, qui serait resté en pos-
session paisible du tout pendant dix ou vingt ans, il est cer-
tain qu'alors l'usufruit est réuni à la propriété dans sa per-
sonne. (Même art.)

Remarquez au surplus, que l'usufruitier peut jouir, non-seulement par lui-même, mais encore par un autre qui jouit en son nom et de son chef, tel qu'un fermier, un acquéreur à titre gratuit ou onéreux. L. 38, ff. de Usufructu.]

7o. Par la perte totale de la chose sur laquelle l'usufruit est établi; mais si une partie seulement est détruite, l'usu- 617. fruit se conserve sur ce qui reste. De là il résulte que si, par‍ 623. exemple, l'usufruit ne repose que sur une maison qui vienne à être détruite par accident, ou à écrouler de vétusté, il est éteint, même à l'égard du sol et des matériaux; au lieu que l'usufruitier conserve la jouissance du tout, si le bâtiment détruit faisait seulement partie des choses soumises à 624. l'usufruit. C'est par la même raison que l'usufruit établi sur un animal, est éteint, si l'animal vient à périr, 615. tandis que s'il était établi sur un troupeau, l'extinction n'aurait lieu, qu'autant que le troupeau périrait entièrement par accident ou par maladie; sauf, comme nous l'avons dit, dans le cas de perte partielle, l'obligation imposée à l'usufruitier de remplacer les animaux péris jusqu'à concurrence du croît. Dans le cas où l'usufruit s'éteint, s'il n'y a pas de faute de la part de l'usufruitier, il n'est tenu de rendre compte au propriétaire que des cuirs ou de leur valeur.

616.

[Nous avons dit que l'usufruit d'une maison détruite par accident, ou écroulée de vétusté, était éteint même à l'égard du sol et des matériaux: parce que, dans l'hypothèse, ce n'est pas l'usufruit du sol et des matériaux, mais bien celui de la maison, qui a été constitué. Nous avons vu, en effet, que l'usufruitier n'a que le droit de jouir de la chose, considérée dans son état ordinaire, et telle qu'elle était à l'époque de l'établissement de l'usufruit. Or, le mode de jouissance n'étant pas le même à l'égard d'un terrain vide, qu'à l'égard d'une maison, il s'ensuit que, si la maison vient à périr, il n'y a plus d'usufruit; car il ne peut plus subsister sur la maison, puisqu'elle n'existe plus; il ne peut, davantage, avoir lieu à l'égard du sol, puisque c'est l'usufruit d'une maison, et non d'un sol, qui a été constitué. Il est donc entièrement éteint.

Au surplus, le Code a adopté, à cet égard, la décision des Lois Romaines (L. 5, § 2, ff. quibus modis ususfruc. amitt.), contre l'avis de POTHIER, du Douaire, no 255. Cette décision est peut-être un peu rigoureuse, surtout lorsque l'usufruit a été constitué à titre onéreux. Dans les Lois Romaines qui ont consacré le même principe, il est toujours question d'un usufruit légué.

Quid, si la chose ne périt pas, mais vient à changer de nature, putà, si par l'effet d'une inondation, une terre labourable, ou un pré, devenait étang, ou vice versa ? Par suite de l'art. 703, et du principe qui a dicté la disposition de l'art. 624, il faudrait décider que l'usufruit est éteint; car l'usufruitier ne pourrait plus jouir de la chose, considérée telle qu'elle était au commencement de l'usufruit. C'était aussi la décision des Lois Romaines. (L. 10, SS 2, 5, 4, 5, eod.) Mais si, avant le délai de trente ans, la chose revient à son premier état, je pense que l'usufruit est rétabli. (L. 71 ff. de Usufructu, et argument tiré de l'article 704.) En serait-il de même, si la maison écroulée était rebâtie avant les trente ans ? Non : l'usufruit ne revivrait pas. La raison de différence, c'est que, dans ce cas, c'est une nouvelle maison, qui n'est plus celle sur laquelle l'usufruit a été établi; au lieu que, si la terre labourable, devenue

étang, redevient terre labourable, c'est toujours le même objet, sur lequel, par conséquent, l'usufruitier conserve son droit, tant qu'il n'est pas éteint par la prescription.

Les mêmes Lois Romaines décident que si, après avoir légué l'usufruit d'une maison, le testateur la fait abattre, et en fait reconstruire une autre, le legs est caduc. L. 10, SS 1 et 7, ff. Quibus mod. ususf. amitt. Leur décision est la même, lorsque c'est l'usufruit d'une place qui a été lé– gué, et que le testateur y a fait bâtir une maison. L. 5, § 3, eod. Cela est rigoureux; mais cela est conforme aux principes qui ont dicté l'article 624. Dès lors que l'on admet que l'usufruit d'une maison ne comprend l'usufruit du sol, qu'autant qu'il est joint à la maison, tellement que l'extinction de l'usufruit de la maison emporte celle de l'usufruit du sol, il faut en conclure que le legs de l'usufruit de la maison A, ayant été éteint par la démolition de cette maison, ne peut être appliqué à la maison B, qui a été construite à la place. Il en serait autrement, si c'était la propriété de la maison A, qui eût été léguée; car le legs d'une maison renfermant celui du sol, il s'ensuit que la démolition de la maison anéantit bien le legs de la maison, mais non celui du sol, et que ce dernier legs emporte celui de la maison nouvellement construite, par la règle : Accessorium cedit principali.

Nous ne pouvons, au surplus, nous dissimuler que toutes ces décisions ne soient plus subtiles qu'équitables. Mais il faut les adopter, ou se trouver en contradiction avec le principe sur lequel est fondé l'article 624.

Il paraît, d'après ce qui précède, qu'on n'admettrait pas la décision de la loi ult. ff. Quibus mod. ususf. amitt., qui porte que l'usufruit d'un troupeau est éteint, lorsque le nombre des bêtes est tellement diminué, qu'il ne peut plus être appelé troupeau. ]

[De quelle faute est tenu l'usufruitier ? Le Code ne s'explique point à cet égard. Je pense qu'il faut distinguer: Si l'usufruit a été constitué à titre onéreux, je pense que l'usufruitier doit être comparé au vendeur ou au créancier engagiste, et que l'on doit appliquer les articles 1624 et

2080; mais s'il a été constitué à titre gratuit, il doit être tenu comme l'emprunteur à usage: appliquer l'art. 1882.]

8°. Par l'abus que l'usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d'entretien. Mais il faut, dans ce cas, que l'extinction de l'usufruit soit prononcée par le juge, qui peut, suivant la gravité des circonstances, ordonner cette extinction, ou purement ou simplement, ou à la charge par le propriétaire de payer annuellement à l'usufruitier, ou à ses ayant-cause, une somme déterminée jusqu'au moment où l'usufruit aurait dû cesser. Le juge peut également accorder la jouissance aux créanciers de l'usufruitier, s'ils la demandent avant que l'extinction soit prononcée, et s'ils offrent en même temps la réparation 618. des dégradations commises, et des garanties pour l'avenir. [Ainsi, ils peuvent intervenir dans l'instance; mais s'ils ne sont pas intervenus, ils ne peuvent s'opposer à l'exécution du jugement.]

9o. Enfin, par la renonciation de l'usufruitier, pourvu qu'elle ne soit pas faite au préjudice de ses créanciers, qui 622. pourraient, dans ce cas, la faire annuler.

[Suffit-il qu'il y ait préjudice des créanciers, pour que toute espèce de renonciation soit annulée ? Je pense qu'il faut distinguer : Si la renonciation est faite à titre onéreux; putà, si l'usufruitier a reçu du propriétaire le prix de sa renonciation, elle ne pourra être annulée, qu'autant qu'il y aura fraude de la part des deux parties. Mais si elle est faite à titre gratuit, il suffira qu'il y ait préjudice pour les créanciers. C'était à peu près la doctrine des Lois Romaines (Voir aux Pandectes, le Titre de His quæ in fraudem, etc.): le tout, sauf l'action hypothécaire des créanciers auxquels l'usufruit aurait pu être hypothéqué.]

REMARQUES SUR LE CHAPITRE I,

Relatif à l'usufruit.

Cette matière est réglée dans le nouveau Code par une loi du 28 février 1825, qui forme le titre 9 du second livre, et dont voici les dispositions :

DE L'USUFRUIT.

SECTION PREMIÈRE.

De la nature de l'Usufruit et de la manière de l'acquérir.

1. L'usufruit est un droit réel, qui consiste à jouir des choses dont un autre a la propriété, à la charge d'en conserver la substance.

2. Néanmoins, si l'usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans le consommer, comme l'argent, les grains, les liqueurs, l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à la charge d'en rendre, à la fin de l'usufruit, de pareille quantité, qualité et valeur, ou d'en payer l'estimation faite lorsque l'usufruit a commencé, ou à faire d'après le prix de cette époque.

3. L'usufruit peut être constitué en faveur d'une ou de plusieurs personnes déterminées, pour en jouir, soit conjointement, soit successive

ment.

En cas de jouissance successive, l'usufruit n'aura lieu qu'en faveur des personnes qui existeront au moment où s'ouvre le droit du premier usufruitier.

4. L'usufruit s'acquiert par la Loi, ou par la volonté du propriétaire.

5. Le titre de l'usufruit d'un immeuble devra être transcrit dans les registres publics à ce destinés.

S'il s'agit d'un bien meuble, la tradition fait acquérir le droit réel.

SFCTION DEUXIÈME.

Des droits de l'Usufruitier.

6. L'usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils que peut produire l'objet dont il a l'usufruit.

7. Les fruits naturels ou industriels, pendans par branches ou par racines au moment où l'usufruit est ouvert, appartiennent à l'usufruitier.

Ceux qui sont dans le même état au moment où finit l'usufruit, appartiennent au propriétaire, sans récompense de part ni d'autre des labours et semences, mais sans préjudice de la portion des fruits qui pourrait être acquise à un colon partiaire, soit au commencement, soit à la cessation de l'usufruit.

8. Les fruits civils sont réputés s'acquérir jour par jour et appartiennent à l'usufruitier, à proportion de la durée de son usufruit, quel que soit le terme de l'exigibilité.

9. L'usufruit d'une rente viagère donne aussi à l'usufruitier, pendant la durée de son usufruit, le droit de percevoir la rente courante.

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