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ment naturels, la reconnaissance eût été valable, et la donation par conséquent réductible : je le demande, que doiton penser d'une interprétation qui amène de pareils résultats? Voir également ibid. 1819; 2o partie, pag. 153, un arrêt de Dijon, du 29 août 1818, qui a jugé que l'enfant reconnu dans son acte de naissance par sa mère, non mariée, et par son père, marié à une autre femme, pouvait réclamer la part à lui revenant, comme enfant naturel, dans la succession de sa mère, et ce, attendu la nullité de la reconnaissance du père.

Cependant, je dois ajouter, pour rendre témoignage à la vérité, que la Cour de Nanci ayant annulé une adoption et une donation consenties en faveur d'un enfant adultérin, dont l'état n'était constaté que par la reconnaissance de son père, le pourvoi contre cet arrêt a été également rejeté le 25 décembre 1816. ( Bulletin, 1817, no 10.) Il est vrai que, dans cette espèce, la reconnaissance avait eu lieu avant le Code, mais aussi à une époque où les lois civiles étaient encore bien plus favorables que le Code aux enfans naturels de toute espèce.

3o. Enfin, qu'il n'y aura rien de plus facile dorénavant, que d'éluder toutes les précautions que la loi a prises pour empêcher que les héritiers légitimes ne soient dépouillés entièrement pour enrichir les enfans du crime. Il suffira de ne pas reconnaître ces derniers.

On parle des résultats scandaleux que les recherches de paternité peuvent occasioner, des sacrifices que la crainte de pareilles recherches peuvent imposer à des personnes honnêtes. Mais d'abord il est très-douteux que de semblables poursuites aient souvent été dirigées contre des personnes d'une vertu exemplaire et d'une réputation intacte. C'eût été trop maladroit de la part des demandeurs. Il est certain, au contraire, que ces sortes d'actions étaient presque toujours intentées contre des hommes d'une réputation plus que douteuse, et dont la conduite irrégulière, donnait la plus grande probabilité à la demande. D'ailleurs, si tel eût été effectivement le motif de l'article 340, pourquoi l'article 341 permet-il de rechercher la maternité ? Ne peut-il pas en ré

sulter les mêmes inconvéniens? Ne sont-ils pas même d'autant plus fâcheux, que la réputation d'une femme est plus délicate, plus facilement entachée ? Mais, a-t-on dit, il est possible de prouver physiquement la maternité, au lieu que la preuve physique de la paternité est impossible. Mais que l'on prenne garde qu'il s'agit ici seulement du scandale que ces procès peuvent occasioner; et, sous ce rapport, une femme a-t-elle moins à craindre un procès scandaleux? Et si l'on a pu, comme le prétendent les partisans de l'opinion contraire, former des demandes en paternité, dénuées de tout fondement, contre des hommes d'une vertu exemplaire, uniquement pour les contraindre à des sacrifices, pourquoi n'emploierait-on pas les mêmes moyens à l'égard d'une femme d'une conduite irréprochable? N'a-telle pas à redouter encore plus fortement l'arme terrible de la calomnie, qui sait si bien s'emparer des moindres circonstances, et que l'arrêt le plus solennel ne peut désarmer? Et, si elle est mariée à une personne autre que celui que que l'on dit être le père de l'enfant (car le Code ne distingue pas), sa situation ne sera-t-elle pas horrible? et n'est-ce pas surtout dans ce cas, qu'elle se croira obligée de faire tous les sacrifices possibles, pour acheter sa tranquillité et le bonheur de son ménage? Sa position n'est-elle pas mille fois plus pénible que celle du père? Car, il faut le dire, dans les mœurs actuelles, quel est l'homme qui se croit déshonoré pour avoir donné le jour à un enfant naturel? Et cependant, si l'on n'a pas craint d'admettre la recherche de la maternité, si l'on a pensé que l'intérêt de l'enfant et celui des familles devaient l'emporter sur toutes ces considérations, qui sont néanmoins de la plus grande force, pourquoi, toutes les fois que l'intérêt des mœurs et celui des familles l'exigent impérieusement, n'admettrait-on pas les recherches de la paternité, dont les résultats, comme on vient de le démontrer, sont infiniment moins dangereux?

A la vérité, ces recherches étaient loin d'avoir, dans l'ancien droit, le même effet qu'elles auraient actuellement. Comme l'enfant naturel reconnu n'avait aucun droit à la succession de ses père et mère, mais seulement à des ali

mens, l'on pouvait se montrer plus facile sur ces sortes de demandes. Aussi, dans la législation actuelle, qui accorde des droits bien plus étendus à l'enfant naturel, l'on peut admettre la disposition de l'article 340, dans le sens qu'elle interdit à l'enfant toute recherche de paternité. Mais il ne s'ensuit nullement de là, que ce même enfant puisse abuser d'une disposition dirigée uniquement contre lui, pour s'approprier des avantages que la loi prohibe de la manière la plus expresse. L'on parle de l'impossibilité de prouver la paternité; mais d'abord n'y a-t-il pas la possession d'état, qui, de l'aveu des rédacteurs du Code, est la preuve la plus forte et la plus solennelle, lorsqu'elle réunit le nomen, tractatus et fama? En outre, quel inconvénient y aurait-il donc à se conformer, sur ce point, à la marche adoptée par les anciens tribunaux ? Ils faisaient résulter la preuve de la paternité, de celle du concubinage. Ce n'était qu'une présomption, dira-t-on cela est vrai; mais la légitimité des enfans conçus dans le mariage est-elle fondée sur autre chose que sur une présomption, et même qui, dans plusieurs circonstances, approche bien moins de la vérité? Supposons, en effet, l'homme le plus honnête, époux d'une femme libertine. Quand même les juges seraient pleinement convaincus, comme hommes, qu'il n'y a eu entre les époux aucune espèce de cohabitation, et que les enfans sont en conséquence le fruit de l'adultère, ils n'hésiteront cependant pas à les déclarer légitimes, par la seule raison qu'il n'est pas impossible que le mari ait coopéré à leur conception. Sur cette seule présomption, ils seront forcés de laisser des enfans étrangers s'introduire dans la famille du malheureux époux. L'on a vu même, et cela devait être ainsi, la mère condamnée comme adultère, et l'enfant dont elle était accouchée, déclaré légitime, sur la seule présomption qu'il pouvait être l'enfant du mari. Et l'on craindrait d'employer la même présomption contre l'homme dont le libertinage est prouvé! comme si, au contraire, l'on ne devait pas lui appliquer ce principe rappelé par POTHIER sur une autre question, mais qui revient parfaitement à celle-ci : danti operam rei illicita, imputantur omnia quæ sequuntur

præter voluntatem ejus? Eh! quelle inconséquence trouverait-on dans ce raisonnement? Le fornicateur, l'adultère, sont certainement bien moins favorables que le mari; et cependant l'on adjugeau mari l'enfant de la femme adultère, toutes les fois qu'il est possible qu'il y ait eu cohabitation. Pourquoi donc refuserait-on d'adjuger au fornicateur ou à l'adultère dont le crime est prouvé, l'enfant né de la femme avec laquelle il vivait en mauvais commerce au moment de la conception, surtout lorsqu'il s'agit de prévenir la violation des dispositions les plus sacrées des lois naturelles ou civiles? D'ailleurs, la recherche de la paternité est une sauve-garde pour les mœurs. Si l'homme qui vit en mauvais commerce, n'a à craindre aucune des suites qui peuvent en résulter, croit-on qu'il sera plus disposé à renoncer à ses mauvaises habitudes? S'il peut assurer au fruit de son crime la totalité de son bien, se portera-t-il bien volontiers à en épouser la mère ? Ne craindra-t-il pas même d'avoir des enfans légitimes qui pourraient mettre obstacle aux effets de sa bienveillance envers l'enfant du libertinage ou de l'adultère ? Si, au contraire, il peut craindre que la seule fréquentation d'une femme de mauvaise vie ne l'expose, lui ou sa mémoire, à un procès désagréable, ne deviendra-t-il pas plus circonspect dans le choix de ses sociétés, et les mœurs n'y gagneront-elles pas infiniment?

Enfin, il faut se bien pénétrer d'un principe qu'on a perpétuellement perdu de vue dans l'examen des questions relatives aux enfans naturels, c'est que les dispositions rigoureuses qui les concernent, n'ont pas pu être établies en haine de ces mêmes enfans. Autrement il faudrait accuser tous les législateurs anciens et modernes de l'injustice la plus criante car comment pourrait-on punir de malheureux enfans, du crime qui a présidé à leur naissance? Ces dispositions sont fondées sur ce que ce crime est un de ceux que, dans la plupart des cas, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de punir. Comme donc on ne peut atteindre directement les pères et mères, on a voulu les punir au moins en les privant du droit de disposer de leurs biens en faveur de leurs enfans, au delà d'une portion quelconque déter

minée par la loi d'après les circonstances. D'un autre côté, la faveur du mariage exigeait que les fruits du crime ne fussent point rangés sur la même ligne que les enfans provenus d'une union légitime. Il est donc constant, et cela ne peut être révoqué en doute, que les dispositions concernant les enfans naturels, sont établies, non in odium eorum, sed in odium parentum, et in favorem matrimonii. Or, le contraire résulterait précisément du système que nous combattons : car, d'abord, il nuirait au mariage, ainsi que nous l'avons fait observer. En outre, l'on prohibe à l'enfant la recherche de la paternité. Cette prohibition, déjà très-rigoureuse, et qui n'a pu être dictée que par des motifs puissans d'ordre public, n'en est pas moins, par le fait, toute en faveur du père naturel. Si, d'un autre côté, on lui donne le droit d'éluder, par le fait seul de la nonreconnaissance, les dispositions qui lui défendent d'avantager, au delà de telle portion, les fruits de son crime, il en résultera que toutes les chances seront en sa faveur, puisqu'il ne tiendra qu'à lui de se donner le droit, non-seulement de placer l'enfant de l'inceste et de l'adultère sur la même ligne que l'enfant légitime, mais encore de le traiter plus favorablement; car, si l'on suppose un père ayant six enfans légitimes, et un enfant adultérin, il pourra donner à ce dernier le quart de ses biens, tandis que chacun de ses enfans légitimes n'aura qu'un huitième.

Telles sont les conséquences qu'il faudrait tirer de la doctrine des arrêts ci-dessus, et les motifs qui m'ont, jusqu'à présent, empêché d'en adopter les principes. Je n'ai rien vu, dans tout ce qui a été dit sur cette question, qui pût détruire les raisons que je viens d'alléguer.]

[Nous avons dit que l'enlèvement est une cause de reconnaissance d'un enfant naturel; mais il faut d'abord que le rapt soit prouvé. Je pense qu'il en serait de même en cas de viol. L'on a même jugé à Paris, le 28 juillet 1821, qu'il suffisait qu'il y eût rapt de séduction. (SIREY, 1821, 2o partie, page 235.)]

[ L'époque de l'enlèvement doit se rapporter à celle de la conception; si, par exemple, l'enlèvement a eu lieu

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