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militaire et l'autre du Préfet de la Gironde, pour inviter les habitants à rester calmes, à se réunir à leurs magistrats pour le maintien du bon ordre et de la sûreté de madame la duchesse d'Angoulême.

Le même jour, 25, la garde nationale d'Agen a commencé à monter la garde nuit et jour.

Dans la nuit, il a été arrêté cinq ou six individus dans un cabaret, où ils tenaient des propos séditieux. Ils ont été menés en prison au Chapelet. La police étant informée qu'il y avait un complot d'enlever ces détenus, ils ont été transférés dans les prisons criminelles. Quelques jours après, ils ont été acquittés par la police correctionnelle et mis en liberté.

Le même jour, 25 Mars, il passe trente jeunes gens de Bordeaux, bien montés, armés et équipés ayant une trompette. Ils se rendent volontairement comme les nôtres, auprès du duc d'Angoulême pour former sa garde. Ils se proposaient de séjourner à Agen, mais la nouvelle de l'entrée de Bonaparte à Paris les oblige de presser leur marche.

Le Moniteur renferme une déclaration du Roi, du 19 Mars, par laquelle S. M. annonce que, pour ne pas compromettre la sûreté et peut-être même l'existence de la ville de Paris, elle est forcée de s'éloigner pour se rendre sur un autre point du Royaume, et, en attendant que la crise actuelle s'apaise, ordonne aux membres des deux Chambres de se séparer, pour se réunir bientôt au lieu qui leur sera indiqué.

Le Roi quitte Paris, le 20 Mars au matin, Bonaparte y entre dans l'après-midi du même jour.

Le 26 Mars, jour de dimanche, on ne reçoit à Agen ni lettres ni journaux de Paris.

Ordonnance du Roi du 11 Mars 1815, qui convoque extraordinairement les Conseils généraux des départements; ils resteront daus le chef-lieu en séance permancute, pour l'exécution des mesures qui sont ou qui seront prises dans les circonstances actuelles; ils sont autorisés à employer eux-mêmes toutes celles qui leur paraitront convenables pour le salut public. Il est recommandé aux corps administratifs réunis, d'agir avec l'activité, le patriotisme la bonne intelligence qui peuvent assurer le succès de leurs efforts.

Le 27 Mars, on reçoit à Agen, et on publie comme pièce officielle, une déclaration des puissances réunies en congrès à Vienne, du

13 Mars dernier envoyée à M. le Duc d'Agoulème, par l'ambassadeur de France à Turin, dont une copie a été adressée à M. le Préfet, et réimprimée à Agen sur la demande du Conseil général en permanence. Les Puissances déclarent que Bonaparte reparaissant en France, malgré le traité de Paris du 30 Mai 1814, avec des projets de trouble et de bouleversement, il ne peut y avoir ni paix ni trève avec lui,et le mettent hors la loi ; qu'elles réuniront tous leurs moyens et leurs efforts pour le rétablissement de la paix générale, et pour garantir l'Europe de tout attentat qui menacerait de replonger les peuples dans les désordres et les malheurs des révolutions et qu'elles sont disposées à donner au Roi de France et à la nation française les secours nécessaires pour rétablir la tranquillité du Royaume.

Le 29 Mars, la cohorte urbaine ayant été disssoute, la garde nationale, réorganisée d'après les ordres du Gouvernement, a reconnu ses officiers et prêté serment de fidélité au Roi, sur l'esplanade du Gravier, en présence des deux généraux, Lapoype et Gaussard, du Préfet, du sous-Préfet, du Maire et de M. de Basignan père, colonel du génie et de la garde nationale d'Agen, aux cris mille fois répétés de Vive le Roi! La garde est composée de 600 hommes formant deux bataillons, ayant chacun quatre compagnies dont une de grenadiers, une de chasseurs, une de canonniers. Ces compagnies monteront la garde, pendant 24 heures, jusqu'à nouvel ordre.

Le 30 Mars, le bruit se répand que les départements du Lot et de la Dordogne avaient reconnu Bonaparte et arboré les couleurs tricolores.

Le même jour, on forme deux compagnies de gardes nationaux à cheval, destinées à faire leur service dans le département. Ces compagnies sont composées de personnes des meilleures maisons des quatre arrondissements. Plusieurs sont montés et équipés à leurs frais, les autres doivent l'ètre aux frais du département. Ils sont au nombre d'environ cent. M. le chevalier de Secondat est capitaine d'une de ces compagnies.

Le 1er Avril. Le courrier de Bordeaux qui arrive régulièrement le Jeudi, n'était pas encore arrivé le Vendredi à midi, ce qui commen

Proché oublie de spécifier la quatrième compagnie.

çait à alarmer tout le monde ; il est arrivé à deux heures, mais il ne portait que les dépêches de Bordeaux et rien de Paris. On sait que Bonaparte est aux Tuileries; on ignore où est le Roi.

Le journal de Bordeaux reçu à Agen le 31, porte que trois bâtiments anglais sont entrés en rivière, où ils restent à la disposition de Mme la Duchesse d'Angoulême. Cette Princesse est encore à Bordeaux où elle reçoit, tous les jours, des habitants de cette ville, des témoignages de zèle et de dévouement pour sa personne.et pour toute la famille des Bourbons.

Le Conseil général du département en permanence fait une proclamation, le 30 Mars, par laquelle, après avoir loué le zèle de tous. les habitants à la formation des gardes nationales à pied et à cheval, il invite les citoyens à acquitter promptement leurs contributions, à payer même, par anticipation, les termes à échoir, pour fournir aux dépenses nécessaires dans les circonstances actuelles, pour l'équipement, la solde et l'entretien des corps armés qui se forment, et pour d'autres services, tels que ceux des prisons, qui ne peuvent être suspendus ni négligés, sans compromettre la sûreté et la tranquillité publiques. Le Conseil général déclare que, de son côté, il ne négligera rien de ce qu'il croira propre à conserver l'honneur national, à assurer la liberté et à rétablir, dans tous leurs droits le Prince et la Patrie.

Le 3 Avril, dans la matinée, on apprend que les troupes de Bonaparte, commandées par le général Clausel, sont entrées à Bordeaux, sans aucun obstacle, que Mme la Duchesse d'Angoulême étail allée s'embarquer sur un des vaisseaux anglais qui l'attendaient au bas de la rivière. Une partie de sa suite a passé, cette nuit, à Agen, se dirigeant sur Toulouse; d'autres prétendent que la Duchesse se rend en Espagne, par Bayonne. Cependant nous ne recevons ni lettres ni dépèches de Paris; les faiseurs de nouvelles en répandent de toute espèce, mais on ignore toujours où est le Roi. Les uns disent qu'il est à Lille, d'autres à Bruxelles, etc.

Vers la fin du mois de Février de cette année, le gouvernement avait ordonné de suspendre les travaux du pont; en conséquence, on numérote toutes les pierres taillées. On construit un grande baraque en planches sur le sol de la tuilerie de Casse, où l'on enferme les piquets de chêne, les madriers et tout le bois destinés à cet ouvrage, qui, suivant les apparences, est suspendu pour longtemps.

Le 3 Avril, les généraux Lapoype et Gaussart se rendent à la Préfecture, où le Conseil général tient ses séances, et lui proposent d'imiter l'exemple de la ville de Bordeaux qui, disaient-ils, avait arboré l'étendart et la cocarde tricolores, et avait adopté le gouvernement de Bonaparte. Cette proposition trouve beaucoup d'opposants. Le Conseil délibère sur ce sujet jusques bien avant dans la nuit, et se sépare sans avoir rien décidé.

Le lendemain, 4 Avril, la séance est reprise. Les généraux pressent d'arborer le drapeau tricolore, le Préfet et le Maire s'y opposent; le préfet parle de faire sa démission. Cependant, d'après les nouvelles apportées par le courrier de ce jour, par lesquelles il paraît que la révolution est faite, que tout est calme dans la capitale, et que le gouvernement est organisé, il est décidé que le lendemain. on reprendra les cocardes et le drapeau tricolores.

Le lendemain, 5, M. le Préfet ayant fait sa démission la veille, au soir, avait quitté la Préfecture. M. Menne père, comme le plus ancien des conseillers, remplit les fonctions par intérim. Le même jour, on lit à tous les coins de rue, un ordre du jour du général Lapoype, commandant en chef, qui, en exécution des ordres qu'il a reçus du Ministre de la guerre, du 27 mars dernier, ordonne que le drapeau et la cocarde tricolores remplacent partout le drapeau et la cocarde blancs, et que les aigles soient substituées au lys; invite les autorités civiles, judiciaires et administratives à se conformer à la décision ci-dessus rappelée, et à assurer, par tous les moyens qui sont en leur pouvoir, le maintien de la tranquillité publique. On publie aussi une proclamation du même général, adressée à tous les militaires qui sont sous ses ordres, pour le même objet, et pour les exhorter à ne se signaler, dans ces circonstances, que par des sentiments nobles et généreux; on affiche en même temps une ordonnance de M. le Maire de cette ville, du 4 Avril qui, vu l'ordre du jour du général Lapoype, l'arrêté du Conseil général du département en date de ce jour, portant obéissance au décret impérial du 20 Mars dernier, et la lettre du Préfet par intérim parvenue à la mairie dans la nuit, portant injonction de faire arborer demain à midi précis, le drapeau tricolore, arrête que, suivant ces ordres, le drapeau tricolore sera arboré à l'heure prescrite sur la porte de la maison commune, et que tous les signes du gouvernement royal disparaitront. Le Maire se confie, dans cette grande circonstance, au bon esprit et à l'union de ses concitoyens; il compte aussi sur le

zèle et le concours de la garde nationale pour assurer le bon ordre et la tranquillité publique.

A midi, le drapeau tricolore a flotté, en effet, à une des croisées de la maison commune, à la Préfecture, à la caserne et sur la porte des deux généraux. Les militaires en activité, à demi-solde ou retirés et la gendarmerie ont pris la cocarde tricolore. Les généraux ont donné une barrique de vin aux soldats du 45°, qui sont à la caserne, et aux soldats espagnols qui se trouvent ici, pour boire à la santé de l'Empereur. Vers trois heures, une troupe d'hommes, bouchers, maréchaux-ferrants, cabaretiers, cordonniers, à cheval, parcourent la ville, portant une aigle au bout d'un bâton, en criant: Vive l'Empereur! ayant à leur tête un tambour et un trompette. A l'entrée de la nuit, ces mêmes hommes, après avoir quitté leurs chevaux, se répandent dans les cabarets, parcourant les rues en criant: Vive l'Empereur! s'arrêtent sur les portes des cafés, chantant des chansons en l'honneur de l'Empereur, au lieu que, les jours précédents on y chantait en l'honneur du Roi. Tous ces mouvements et la diversité des opinions pouvaient exciter des troubles très sérieux, surtout pendant la nuit; mais il n'y eut que quelques rixes qui n'eurent point de suite et qui furent bientôt appaisées par la garde nationale. Le commandant fit fermer les cafés, établit, en divers endroits, des patrouilles qui, au premier avis, se transportaient sur les lieux où il se formait des rassemblements. On apprit le même jour, 5, que Toulouse et Bordeaux s'étaient rendues aux troupes de l'Empereur.

Les 6, 7 et 8 Avril, la tranquillité est troublée par des rassemblements que formaient, sur le soir, des jeunes gens du parti de ceux qui, le jour précédent, parcouraient les rues à cheval. Ils affectaient de s'arrêter à la porte des cafés fréquentés par les royalistes. Ceux-ci las de se voir provoqués, font des sorties sur les chanteurs et les mettent en fuite.

Le 8, l'affaire fut plus sérieuse. Les deux partis en vinrent aux mains sous la Cornière et sur la place; il y eut des coups de bâton, le sang coula, on vit des couteaux dans les mains de quelques combattants, et il serait arrivé de grands malheurs, si la garde, qui en fut informée, n'était venue sur le champ et n'eût dissipé ce rassemblement. Deux des provocateurs furent arrêtés et conduits en prison. On assure que ces jeunes gens, dont plusieurs étaient des ouvriers étrangers, étaient mus par des instigateurs cachés qui leur

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