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33. Les tuteurs ne sont pas seulement tenus de rendre compte après leur charge finie; mais ils y sont encore obligés, lorsque, pendant leur administration il arrive quelque occasion qui peut y donner lieu. Ainsi, par exemple, si des créanciers du mineur veulent faire saisir et vendre ses biens, il faut que le tuteur fasse connaître, par un état sommaire de compte, s'il n'y a point de deniers pour acquitter les dettes (1).

34. Les tuteurs doivent employer dans leurs comptes toutes les recettes qu'ils ont faites ou dû faire; et s'ils peuvent mettre en reprises ce qu'ils n'ont pu recevoir, pour en être déchargés s'il y en a lieu comme s'ils ont fait les diligences nécessaires contre un débiteur qui se trouve insolvable. Car les tuteurs, quoique obligés à une administration exacte et fidèle, ne doivent pas répondre des événemens (2).

35. Les tuteurs peuvent employer dans leurs comptes toutes les dépenses qu'une administration raisonnable obligeait de faire (3). (C. civ. 471.) Et il faut mettre en ce nombre les dépenses que le tuteur a faites de l'avis des personnes choisies pour le conseiller, et celles qui ont été réglées en justice, si ce n'est qu'il y eût quelque dol de sa part (4). Que si quelque événement rend inutiles les dépenses qui ont dû être faites, le tuteur ne laissera pas de les recouvrer (5).

36. Tous les biens du tuteur sont hypothéqués depuis sa nomination, pour tout ce qu'il pourra devoir pour son compte (6). (C. civ. 2135.)

37. Si la mère, tutrice de ses enfans, convole en secondes noces sans leur avoir fait nommer un tuteur, rendu compte de son administration, et acquitté et assuré ce qu'elle pourrait leur devoir, les biens de son second mari seront hypothéqués envers les mineurs, pour tout ce qui se trouvera leur être dû par le compte, tant du passé que de l'avenir (7). (C. civ. 395.)

Cette règle est pleine d'équité, pour prévenir les fraudes qui pourraient suivre du second mariage, et qui feraient passer les biens mobiliers des mineurs, et ceux même de la mère, aux enfans du second lit, ou au mari même; et c'est à cause de l'équité de cette règle, qu'encore qu'elle ne s'observe pas exactement, on a cru qu'elle ne devait pas être supprimée.

Sous l'empire de la loi du 17 nivose an 2, et en pays de droit écrit, la mère tutrice de ses enfans qui se remarierait sans leur avoir fait nom

(1) L. 5, § 11, ff. de reb. eor. qui sub. tut. (2) L. 9, Cod. arbitr. tut. L. 3, § 7, ff. de contr. tut. et ut. act. V. l'art. 9. (3) L. 1, § 4, ff. de contr. tut. et ut. act. V. l'art. 3 de la sect. 2. (4) L. 5, § 15, ff. de reb. eor. qui sub. tut. (5) L. 3, $7, ff. de contr. tut. et ut. act. V. l'art. 7 de la sect. 2 de ceux qui font les affaires des autres à leur insu. (6) L. 20. Cod. de adm. tut. L. 7. § 5, in fin. Cod. de cur. fur. L. 1, § 1. Cod. de rei ux. act. V. l'art. 6 de la sect. 5. Nov. 118. Cod. 5, in fin. V. l'art. 5 de la sect. 2 des Hypothèques. V. ci-après l'art. 6 de la sect. 5. (7) L. 6. Cod. in quib, caus. pigu. v. h t. contr. L. 2. Cod. quando mul. tut. offic. fungi pot.

mer un nouveau tuteur, était déclarée indigne de leur succéder; la loi du 17 nivose n'ayant point abrogé l'authentique eisdem pœnis (1). La mère qui se remarie n'est plus tutrice de plein droit à l'exclusion de l'aïeul; elle ne peut plus obtenir la tutelle de ses enfans mineurs que de la volonté des parens : la tutelle conséquemment devient dative de légale qu'elle était (2). Des parens qui décident, à la majorité, que la mère qui se remarie doit être privée de la tutelle de ses enfans, ne sont point obligés d'expliquer, dans le procès-verbal, les motifs de leur opinion (3). Arrêt rendu, vu les art. 395, 447 du code civil et l'art. 883 du code de pr.

La mère de l'enfant naturel perdrait la tutelle de cet enfant, si elle se mariait sans convoquer un conseil de famille pour décider si elle doit lui être conservée. A défaut de la tutelle légale, le tuteur de l'enfant naturel peut être nommé par un conseil de famille (ou d'amis), dans le cas surtout où le tribunal l'aurait ainsi ordonné (4).

Quoique la mère, depuis son convol, ne soit plus tutrice, elle n'en conserve pas moins le droit de surveiller l'éducation de son enfant ; elle a même le droit de le garder jusqu'à l'âge de huit ans, quand d'ailleurs on ne peut faire à la mère aucun reproche contraire à l'intérêt de l'enfant (5).

de

La mère est tenue, à l'exemple de l'héritier majeur du tuteur, continuer, jusqu'à la nomination du nouveau tuteur, la gestion sous sa responsabilité et sous celle de son nouveau mari; les actes passés avec elle et les jugemens rendus contre elle, en sa qualité de tutrice dans le convol et la nomination d'un nouveau tuteur, sont susceptibles d'exécution contre les pupilles (6). On avait jugé antérieurement que les actes faits par la mère déchue, au nom du mineur, étaient nuls et qu'ils n'étaient pas même validés par son rappel à la tutelle, et que les tiers pouvaient même opposer cette nullité (7). L'arrêt qui précède doit être préféré.

La déchéance de droit ne produit pas les mêmes effets que la déchéance qui s'est réalisée par le fait : ainsi, lorsqu'une mère déchue de droit de la tutelle, par l'effet du convol sans autorisation, a néanmoins continué à gérer la tutelle, les actes qu'elle a faits dans l'intérêt des mineurs, notamment un commandement interruptif de prescription, ne sont pas sans effet. En ce cas, on ne peut dire que la mère soit sans qualité (8). La déchéance prononcée contre la mère tutrice qui n'a pas convoqué le conseil de famille avant de convoler en secondes noces, n'emporte pas contre elle une incapacité absolue, tellement qu'elle ne puisse recouvrer la tutelle par une nomination du conseil de famille (9).

La mère naturelle, qui n'a reconnu légalement son enfant qu'après la nomination d'un tuteur à celui-ci, ne peut, sur le motif qu'elle n'a pas été appelée au conseil de famille, demander la nullité de cette nomination (10).

(1) Cass. 24 fructidor an 13. (2) Rejet, 26 fév. 1807. (3) Cass. 17 nov. 1813. (4) Rejet, 31 août 1815. (5) Poitiers, 15 février 1811. (6) Turin, 25 juin 1810. (7) Nimes, 19 prairial an 13. (8) Limoges, 17 juillet 1822. (9) Metz, 20 avril 1820. (10) Rejet, 7 juin 1820.

SECTION IV.

Des engagemens des cautions des tuteurs, et de ceux qui les nomment, et de leurs héritiers.

1. Ceux qui se rendent cautions des tuteurs sont tenus de tout ce que les tuteurs pourront devoir à cause de leur administration (1). Mais si, après la tutelle finie, le tuteur s'est ingéré à quelque nouvelle affaire du mineur, qui ne fût pas une suite nécessaire de la tutelle, celui qui s'était rendu sa caution n'en sera pas tenu (2).

2. Si les cautions des tuteurs ne se sont obligées que comme simples fidéjusseurs sans renonciation au bénéfice de discussion des biens des tuteurs (3), et suivant les règles qui seront expliquées dans le titre des Cautions et Fidejusseurs.

Par l'ancien droit romain les cautions des tuteurs pouvaient être poursuivies a vant la discussion du tuteur. (L. ult. ff. rem. pup. salv, fore. L. 7, ff. de fidej. tut. L. 1. Cod. eod.) Mais la novelle 4, cap. 1, a donné aux cautions indistinctement le bénéfice de discussion, sans en excepter les cautions des tuteurs: et ce bénéfice est tout naturel à l'obligation du fidéjusseur, qui est de payer au cas que le principal obligé ne paie point (4).

3. Il faut mettre au nombre des cautions des tuteurs ceux qui, sans s'obliger expressément comme cautions, ont certifié que le tuteur était solvable; car ils en doivent répondre de même que s'ils s'étaient rendus cautions (5).

4. Si dans la nomination d'un tuteur il y avait quelque malversation de ceux qui le nomment, comme si on nommait une personne apparemment insolvable, les nominateurs en seraient tenus. Mais avant que le mineur puisse agir contre les nominateurs, il doit discuter le tuteur et ses cautions (6).

On ne parle point ici de l'engagement des magistrats envers les mineurs, pour ce qui regarde la nomination des tuteurs; car notre usage est tout différent du droit romain qui oblige le magistrat à donner au mineur un tuteur solvable, et à prendre de bonnes cautions de ceux qui en doivent donner. (L. 1, § 12. L. 6, ff. de magistr. conv.) Mais par notre usage le magistrat ne fait que confirmer la nomination du tuteur choisi par les parens, et prendre son serment. Ainsi, les juges ne sont pas tenus de la solvabilité des tuteurs, à moins qu'il n'y eût quelque prévarication qui pût les y obliger.

5. Les héritiers du tuteur sont tenus de répondre de toute son administration, et même des dommages causés par son dol ou sa négligence, et de ce qu'il peut avoir manqué de gérer. Et ils

(1) L. 2. Cod. de fidejuss. tut. tot. Tit. ff. et Cod. eod. Inst. de satisd. tut. V l'art. 32 de la sect. 3, et la loi ro. ff. rem. pup. salv. fore. (2) L. 46, § 4, ff. de adm. et per. tut. (3) V. Nov. 4, cap. 1. L. 2, in fin. Cod. de fidej. tut. (4) Dict. leg. 2. Cod. de fid. tut. (5) L. 4, § 3, in fin. ff. de fidej. tut. (6) L, 4. Cod. de magistr. conv.

doivent rendre le compte pour lui, comme il aurait dû le rendre lui-même (1). (C. civ. 419.)

6. Quoique les héritiers des tuteurs ne soient pas tuteurs, si l'héritier du tuteur décédé est un homme en âge d'agir et qui en soit capable, il est obligé de prendre le soin des affaires que le tuteur avait commencées, jusqu'à ce qu'il y ait un autre tuteur, ou qu'il y soit autrement pourvu; et s'il y manquait de mauvaise foi, ou par une négligence grossière, il en serait tenu (2).

7. Pour les affaires qui n'avaient pas été commencées par le tuteur, et qui ne sont pas venues à la connaissance de son héritier, il n'est pas obligé d'en prendre le soin. Mais si par une grande négligence il abandonnait une affaire du mineur venue à sa connaissance sans y pourvoir lui-même ou y faire pourvoir, il en répondrait (3).

8. Si l'héritier du tuteur s'ingère à continuer l'exercice de la tutelle, il sera tenu du même soin que s'il était tuteur (4).

9. S'il y a plusieurs tuteurs tenus d'une même administration, et que l'un d'eux ait une caution, les autres ne pourront être recherchés du chef de ce tùteur, qu'après la discussion de son fidéjusseur (5).

SECTION V.

Des engagemens des mineurs envers leurs tuteurs.

1. Comme les tuteurs sont engagés à tout ce qui regarde l'administration des biens du mineur, et qu'ils ont le pouvoir de faire tout ce que demande le devoir de leur charge, les mineurs sont aussi réciproquement obligés d'approuver et ratifier, après leur majorité, tout ce que les tuteurs ont géré raisonnablement et de bonne foi; et ils sont de plus obligés envers leurs tuteurs aux engagemens expliqués par les règles qui suivent (6).

2. Le mineur devenu majeur doit allouer à son tuteur, dans le compte de la tutelle, toutes les dépenses qui auront été faites pour sa personne, pour ses biens et pour ses affaires, selon qu'il paraîtra d'une nécessité ou d'un emploi utile, ou que les dépenses auront été réglées dans le cas où le tuteur aura dû les faire régler (7). (C. civ. 471.)

3. Si la tutelle demandait que pour le soulagement du tuteur on lui donnât le secours d'un homme d'affaires, on allouera dans sa dépense les salaires de la personne qu'il aura employée, selon qu'ils auront été réglés pendant la tutelle, ou qu'il sera arbitré (1) L. ult. Cod. de hered. tut. L. 2, eod. L. 10. Cod. arb. tut. L. 12, eod. (2) L. 16, § 1, ff. de tutel. L. 1, ff. de fidejuss. et nom. et her. tut. V. l'art. suiv. et l'art. 3 de la sect. 6. (3) L. 4, § 1, ff. de fidejuss. tut. L. 1. Cod. de hered. tut. (4) L. 4, ff. de fidejuss. et nom. et hered. tut. (5) L. 1, § 15, ff. de tut. et rat. distr. (6) L. 12, § 1, ff. de adm. et per. tut. L. 1, ff. de contr. tut. et ut. act. (7) L. 1, § 4, ff. de contr. tut. et ut. act. Dict. leg. V. l'art. 3 de la sect. 2.

quand il rendra compte, et à proportion de la qualité du mineur, et de la nature de ses biens et de ses affaires, le tuteur demeurant responsable du fait des personnes qu'il aura employées pour le soulager. Et quoique le tuteur n'ait point eu en effet un homme d'affaires, on ne laissera pas de lui allouer cette dépense, si son administration demandait ce secours (1).

4. Si le père, la mère, ou les frères et sœurs d'un mineur qui serait en tutelle, n'avaient aucuns biens, et qu'il en eût de son chef, il serait tenu d'allouer à son tuteur les dépenses des alimens fournis à ces personnes (2), selon le réglement qui en aurait été fait.

5. Si le tuteur a été engagé à quelques dépenses, n'ayant aucuns fonds en ses mains, ni des revenus du mineur, ni de ses effets, de sorte qu'il ait été obligé d'emprunter ou avancer du sien, les intérêts des avances lui seront alloués jusqu'à ce qu'il y ait du fonds des revenus ou d'ailleurs pour le rembourser (3).

6. Comme le mineur a son hypothèque sur les biens du tuteur pour tout ce qu'il pourra lui devoir à cause de son administration, le tuteur a aussi, de sa part, son hypothèque sur les biens du mineur pour les sommes que le mineur pourra lui devoir pour son compte (4). Car l'engagement du tuteur et celui du mineur étant réciproques, et se contractant dans le même temps, l'hypothèque, qui en est l'accessoire, se contracte de même. Et si par exemple le mineur devenu majeur emprunte de quelqu'un avant que son tuteur lui ait rendu compte, et que par ce compte le tuteur se trouve créancier, il aura son hypothèque avant cette dette. (C. civ. 2121, 2135.)

Quand cette hypothèque du tuteur ne serait pas fondée sur ces lois, elle est une suite naturelle de son administration, et de l'obligation réciproque qui se forme entre le tuteur et le mineur.

7. Outre cette hypothèque, le tuteur a aussi un privilége pour les deniers qu'il a employés au recouvrement ou à la conservation des biens et des dettes ; et il est préféré sur ces biens et sur ces dettes aux autres créanciers (5).

L. I,

SECTION VI.

Comment finit la tutelle, et de la destitution des tuteurs.

1. La charge du tuteur finit par la majorité de celui qui était (1) L. 13, § 1, ff. de tutelis. L. 24, ff. de adm. et per. tut. L. 33, § ult. ff. eod. S7, ff. de tut. et rat. distr. (2) L. 13, § 2, ff. de adm. et per. tut. L. 4, in fin. ff. ubi pup. educ. V. l'art. 4 de la sect. 2 des Rescisions. (3) L. 3, § 1, ff. de contr. tut. et ut. act. Dict. leg. 3, § 4. Dict. leg. § 5. V. l'art. 3 de la sect. 2 de ceux qui font les affaires, etc. (4) L. un. § 1. Cod. de rei ux. act. L. 1, ff. de contr. tut. et ut. act. § 2, inst. de oblig. quæ quasi ex contr. L. 5, § 1, ff. de obl. et act. V. l'art. 36 de la sect. 3. (5) V. l'art. 6 de la sect. 3 des Curateurs, et l'art. 25 de la sect. 5 des Gages et Hypothèques.

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