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haut-justicier serait mal étendu à ce qui est de la moyenne ou basse justice. Ainsi, les lois qui notent d'infamie, seraient mal appliquées à la privation des biens, encore que l'honneur soit plus que le bien.

25. Si quelque loi faisait cesser la recherche de quelque abus, le pardonnant pour le passé, ce serait le défendre pour l'avenir (1).

26. Lorsqu'un droit vient à quelque personne par la disposition d'une loi, ce droit lui est acquis par l'effet de la loi, soit que cette personne sache ou ignore cette loi, et soit aussi qu'elle sache ou ignore le fait d'où dépend le droit que la loi lui donne. Ainsi, le créancier de qui le débiteur vient à mourir, a son droit acquis contre l'héritier, quoiqu'il ignore la mort de son débiteur; et quand il ne saurait pas même que la loi engage l'héritier aux dettes de celui à qui il succède. Ainsi, le fils est héritier de son père, quoiqu'il ignore son droit de succéder, et qu'il ne sache pas la mort de son père. Et c'est une suite de cette règle, que les droits de cette nature, qui sont acquis aux personnes par l'effet de la loi, passent à leurs héritiers, s'il arrive qu'ils meurent avant que d'avoir exercé ni connu leurs droits (2).

Il faut entendre cette règle, ainsi qu'elle est exprimée, des droits acquis par la disposition d'une loi, et non pas en général de ce qui est acquis par d'autres voies que les lois autorisent, comme serait un legs acquis par la volonté d'un testateur. C'est de cette règle que dépend celle de nos coutumes, le mort saisit le vif, qui signifie que les héritiers du sang ont leur droit acquis à là succession, quoiqu'ils ignorent la mort de celui à qui ils succèdent, parce que c'est la loi qui les appelle à la succession. Mais les légataires et les héritiers testamentaires n'étant appelés que par la volonté du testateur, et non par la loi, leur droit n'est pas le même, et on expliquera cette différence en son lieu dans les successions. Vid. 1. 1. de his qui ante ap. tab.

27. Il est libre aux personnes capables d'user de leurs droits, de renoncer à ce que les lois établissent en leur faveur. Ainsi, un majeur qui n'a aucune incapacité, comme serait la démence ou une interdiction, peut renoncer à une succession où la loi l'appelle. Ainsi, ceux qui ont des priviléges accordés, ou par des lois, ou par des graces particulières, peuvent ne s'en pas servir (3).

(1) L. 22, ff. de legib. La loi serait bien imparfaite, si dissimulant le passé, , elle n'ajoutait les défenses pour l'avenir. Ainsi, l'édit de 1606, qui remit la recherche de ceux qui avaient pris les intérêts d'obligations à cause de prêt, et les convertit en rentes, ne manqua pas de défendre ces intérêts pour l'avenir. v. Nov. 154. (2) L. ult. Cod. de hered. act. § 3. Inst. per quas pers. cuique acq. SI. L. 18. Cod. de jur. deliber. vid. L. 5, ff. si pars hered. pet. L. 30, §6, ff. de adq. vel am. hered. Leg. dict. § 1, et tit. de ventr. in poss. mit. L. 6. Cod. de impub. et al. subst. L. 5, ff. si pars hered. pet. d. §. L. 30, § 6, ff. de adq. vel am. her. L. 3, § 10, ff. de suis et leg. Vid. 1. un. C. de his qui ante ap. tab. (3) L. 51. Cod. de Episc. et Cler. L. 29. Cod de pact. L. 46, ff. de pact. Vid. 1. 4, § 4, ff. si quis caut. 1. 3, ff. de transact. L. 13, ff. comm. præd. V. l'art. suiv. et l'art. 2 de la sect. 4 des vices des conventions.

Mais cette liberté de renoncer à son droit ne s'étend point au cas où des personnes tierces seraient intéressées, ni à ceux où la renonciation à son droit serait contraire à l'équité, ou aux bonnes mœurs, ou à la défense de quelque loi.

28. Les lois ont leur effet indépendamment de la volonté des particuliers, et personne ne peut empêcher, ni par des conventions, ni par des dispositions à cause de mort, ni autrement, que les lois ne règlent ce qui le regarde. Ainsi, un testateur ne peut empêcher, par aucune précaution, que les lois n'aient leur effet contre les dispositions qu'il pourrait faire, contraires à celles des lois. Ainsi, les conventions qui blessent les règles n'ont aucun effet (1). (C. civ. 1390, 6.)

La novelle 1, col. 2, in fin., permet aux testateurs de priver leurs héritiers de la falcidie; mais cette permission même marque qu'autrement leur disposition aurait été inutile, comme contraire à la loi, qui veut que l'héritier ait au moins la falcidie, qui est le quart des biens.

Il ne faut pas donner à la règle expliquée dans cet article une étendue qui aurait quelque chose de contraire à l'article précédent.

29. De toutes les règles qui ont été expliquées dans ce titre, on peut conclure, et c'en est une dernière, qu'il est dangereux qu'on n'applique mal les règles du droit, si on manque d'unc connaissance assez étendue de leur détail, et des diverses vues nécessaires pour les interpréter et les appliquer (2).

Ainsi on doit prendre garde de ne pas appliquer une règle hors de son étendue, et à des matières où elle n'a point de rapport. Ainsi on doit reconnaître les exceptions qui bornent les règles. Ainsi on doit se tenir à la lettre de la loi, ou l'interpréter selon les règles expliquées dans ce titre, et en observer les autres remarques.

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Quoique les lois civiles reconnaissent une espèce d'égalité qui met le droit naturel entre tous les hommes (3), elles distinguent les personnes par de certaines qualités, qui ont un rapport particulier aux matières du droit civil, et qui font ce qu'on appelle l'état des personnes. Ce sont ces qualités dont il est parlé dans le droit romain, sous le titre de statu hom. Mais on ne trouve ni dans ce titre ni dans aucun autre, ce que c'est proprement que l'état des personnes; on voit seulement qu'il y en a de différentes qualités, comme celles de libre et d'esclave, de père de famille et de fils de famille, et autres, dont il est dit qu'elles font l'état des personnes. Mais on ne voit rien qui marque ce qu'il y a de

(1) L. 38, ff. de pact. 1. 20, ff. de religiosis. L. 45, § 1, ff. de reg. jur. L. 15, 61, ad leg. falc. L. 5. Cod. de legib. (2) L. 202, ff. de reg. jur. (3) L. 32, ff. de reg. jur.

commun dans ces qualités, par où l'on puisse concevoir une idée juste et précise du caractère nécessaire dans une qualité, pour pouvoir dire qu'elle regarde ou ne regarde pas l'état d'une per

sonne.

C'est ce qui a obligé de considérer dans toutes ces qualités ce qu'elles ont de commun entre elles, et ce qui les distingue des autres qualités qui ne font pas le même effet; et il paraît que la distinction de ces qualités, qui font l'état des personnes, et de celles qui n'y ont point de rapport, est une suite toute naturelle de l'ordre de la société, et de celui des matières des lois civiles. Car, comme on a vu dans le plan de ces matières que les lois civiles ont pour leur objet les engagemens et les successions, on verra que les qualités que ces lois considèrent pour distinguer l'état des personnes, ont aussi un rapport particulier aux engagemens et aux successions, et qu'elles ont tout cela de commun, qu'elles rendent les personnes capables, ou incapables, ou de tous engagemens, ou de quelques-uns, ou des successions. Ainsi, pour les engagemens, les majeurs sont capables de tous engagemens volontaires et autres, des conventions, des tutelles, des charges publiques, et les mineurs sont incapables de plusieurs sortes d'engagemens, et surtout de ceux qui ne tournent pas à leur avantage. Ainsi, pour les successions, les enfans légitimes sont capables de succéder, et les bâtards en sont incapables; et on verra dans toutes les autres qualités, qui font l'état des personnes, qu'elles font en même temps quelque capacité ou incapacité; de sorte qu'on peut dire que l'état des personnes consiste dans cette capacité ou incapacité qu'il est facile de reconnaître par ces qualités; car elles sont de telle nature, que chacune est comme en parallèle à une autre qui lui est opposée, et que l'une des deux opposées se rencontre toujours en chaque personne. Ainsi, il n'y a personne qui ne soit ou majeur ou mineur, ou légitime ou batard; et il en est de même de toutes les autres, comme la suite le fera voir.

Les distinctions que font entre les personnes les qualités qui règlent leur état, sont de deux sortes. La première est de celles qui sont naturelles et réglées par des qualités que la nature même marque et distingue en chaque personne. Ainsi, c'est la nature qui distingue les deux sexes, et ceux qu'on appelle hermaphrodites, et la seconde est des distributions qui sont établies par lois humaines. Ainsi, l'esclavage est un état qui n'est pas naturel (1), et que les hommes ont établi; et, selon les différentes distinctions de ces deux espèces, chaque personne a son état réglé par l'ordre de la nature, et par celui des lois.

des

Il faut remarquer qu'on a mis dans ce titre quelques distinctions des personnes, qui ne sont pas mises dans le droit romain, (1) L. 4, § 1, de stat. hom.

parmi celles qui font l'état des personnes. Car, par exemple, il est dit dans le droit romain que la démence ne change pas l'état (1); et on y voit aussi que, dans le titre de l'état des personnages, il n'est point parlé de la majorité et de la minorité. Mais cependant la démence et la minorité regardent l'état des personnes, selon les principes mêmes du droit romain; car, dans le premier livre des Institutes, où sont les distinctions des personnes libres et des esclaves, des pères de famille et des fils de famille, on y a mis aussi les mineurs (2) et ceux qui sont en démence (3); et en effet ces personnes sont dans une incapacité qui leur rend nécessaire la conduite d'un tuteur ou d'un curateur. Ainsi, cette règle, que la démence ne change pas l'état, signifie qu'elle ne change pas l'état que font les autres qualités, et qu'elle n'empêche pas, par exemple, qu'un insensé ne soit libre, et qu'il ne soit père de famille; et enfin, dans notre usage, s'il s'agissait de savoir si une personne est insensée, on appellerait cette question une cause d'état, comme on appelle de ce nom toutes les causes où il s'agit de l'état des personnes.

SECTION PREMIÈRE.

De l'état des personnes par la nature.

Les distinctions qui font l'état des personnes par la nature sont fondées sur le sexe, sur la naissance, et sur l'âge de chaque personne, en comprenant sous les distinctions que fait la naissance, celles qui dépendent de certains défauts ou vices de conformation qu'on a de naissance : comme sont, le double sexe dans les hermaphrodites, l'incapacité d'engendrer et quelques autres; et, quoique quelques-uns de ces défauts puissent aussi survenir par des accidens après la naissance, de quelque manière qu'on les considère, les distinctions qu'ils font des personnes, sont toujours de l'ordre de celles que fait la nature, et elles ont leur place dans cette section.

1. Le sexe qui distingue l'homme et la femme, fait entre eux cette différence, pour ce qui regarde leur état, que les hommes sont capables de toute sorte d'engagemens et de fonctions, si ce n'est que quelqu'un en soit exclu par des obstacles particuliers, et que les femmes sont incapables par la seule raison du sexe, de plusieurs sortes d'engagemens et de fonctions. Ainsi, les femmes ne peuvent exercer une magistrature, ni être témoins dans un testament, ni postuler en justice, ni être tutrices que de leurs enfans; ce qui rend leur condition en plusieurs choses moins avantageuse, et en d'autres aussi moins onéreuse que celle des hommes (4).

(1) L. 20, ff. de stat. hom. (2) Inst. de tut. (3) § 3 Inst. de Curat. (4) L. 2, ff. de reg. jur. L. 20, § 6 ff. qui test. facere poss. L. ult. ff. de tutelis. L.9, ff. de stat. hom.

Par l'ancien droit romain, en la loi des douze tables, la femme était en perpétuelle tutelle, ce qui fut ensuite aboli. V. in fragm. 12 tab. tit. 11. §. 6. Ulp. tit. 11. §. 18. Et par ce même droit les femmes ne succédaient point, non pas même à leurs enfans, ni leurs enfans à elles: ce qui fut encore aboli. (Inst. de Senat. Tertuil.) Et, par le sénatusconsulte Velléien, les femmes ne pouvaient s'obliger pour d'autres. (ff. et C. ad senat. vell.) Ce qui a été aboli, dans la plupart des provinces de ce royaume, par l'édit du mois d'août 1606, qui a défendu l'usage d'énoncer dans les obligations des femmes la renonciation au Velléïen, qui a validé leurs obligations sans cette renonciation.

Par notre usage, les femmes mariées sont sous la puissance de leurs maris; ce qui est du droit naturel et du droit divin. (Gen. 3. 16. Mulieres viris suis subditæ sint sicut Domino, quoniam vir caput est mulieris. Ephes. 5. 22. 23. 1. Cor. 11. 3. 1. Pet. 3. 1.) C'est à cause de cette puissance du mari sur la femme, que, par notre usage, elle ne peut s'obliger sans l'autorité du mari, sinon en de certains cas. Ainsi, la femme qui est marchande publique, et qui fait un commerce séparé de celui de son mari, peut s'obliger, sans être expressément autorisée; car c'est par le consentement du mari qu'elle fait ce commerce. Ainsi, dans quelques provinces les femmes peuvent s'obliger, sans l'autorité de leurs maris, pour ce qui regarde leurs biens qui ne sont pas dotaux (1).

C'est encore à cause de cette même puissance du mari, qu'en quelques provinces les femmes mariées ne peuvent s'obliger, et non pas même avec le consentement et l'autorité du mari, de crainte que l'usage de cette puissance ne tournât à la perte ou à la diminution de leur bien dotal.

Cette autorité du mari sur la femme n'était pas la même dans le droit romain, où la femme mariée demeurait sous la puissance de son père, s'il ne l'émancipait en la mariant (2). Et, au lieu de cette puissance du mari sur la femme et des effets que nous y donnons, on ne reconnaissait dans le droit romain qu'un devoir de respect, et des offices qui en sont les suites. (Hæc, cujus matrimonio consensit, in officio mariti esse debet. L. 48. ff. de op. lib. Recepta reverentia quæ maritis exhibenda est. L. 14. in fin. ff. solut. matr.) Car il ne faut pas considérer comme un usage du droit romain, qu'on doive rapporter au nôtre cette ancienne manière de célébrer le mariage, qui dans l'ancien droit romain mettait la femme sous la puissance du mari, comme sont les enfans sous la puissance du père, et qui la rendait même héritière du mari. (V. tit. 21. Ulp. §. 14. et tit. g.) Mais pour ce qui regarde notre usage qui rend nécessaire l'autorité du mari, pour rendre valide l'obligation de la femme dans les lieux et dans les cas où elle peut s'obliger, il n'en était pas de même dans le droit romain; et on y voit au contraire en la loi 6, C. de revoc. donat., que dans le cas d'une donation faite par une femme à son fils en l'absence de son mari, et qui voulant la révoquer tirait de cette circonstance un de ses moyens, il est dit que cette absence n'empêchait pas l'effet de la donation, et qu'ainsi la femme avait pu disposer de son bien, sans l'autorité de son mari. Dict. leg.

On ne s'étend pas davantage ici sur ce qui regarde la puissance et l'autorité du mari, ou dans le droit romain, ou dans notre usage. Mais (1) Voy. la sect. 4 du tit. des dots. (2) L. 5. cod. de cond. insert. tàm leg. quàm fid. L. 7. cod. de nup. L. 1. cod. de bon. quæ lib. L. 1. § 1. ff. de agu. lib. L. 1 S ult. ff. de lib. exhib.

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