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En conséquence, on devoit permettre au propriétaire de réclamer les terres détachées de son domaine par un événement qu'il n'avoit

pas été

pas de

en son pouvoir d'empêcher, et qui n'étoit sa faute. Aussi le droit romain le lui permettoitil, et l'article qui nous occupe l'y autorise également.

Toutefois, comme il est de l'intérêt public que les propriétés ne demeurent pas incertaines, il falloit bien fixer un terme après lequel le changement de propriétaire seroit consommé. Les lois romaines vouloient que ce fut après que les terres enlevées par le fleuve se seroient incorporées à celles auprès desquelles elles avoient été portées, de manière à ne plus former ensemble qu'un seul et même tout. Il en étoit ainsi quand les arbres avoient étendu leurs racines d'un terrein sur l'autre.

Cette règle étoit d'une application difficile, parce qu'elle laissoit trop dans le vague les indices de l'incorporation. Si on faisoit dépendre l'incorporation de la seule circonstance que les arbres auroient jeté des racines, on n'embrassoit pas tous les cas et l'on éloignoit trop le moment où la propriété seroit fixée. Si l'on admettoit toutes sortes d'indices, on ouvroit la porte à une foule de difficultés, et l'on tomboit dans l'arbitraire.

Les auteurs du Code ont adopté un système beaucoup plus simple et très-conforme aux principes:

Comme, d'un côté, il est impossible de déférer à une personne une propriété qu'elle repousse, on a d'abord établi que le propriétaire du domaine auquel les terres sont venu s'unir, ne le deviendroit point de ces terres, s'il ne s'en mettoit pas en possession;

Comme, de l'autre, du moment qu'il y a possession légale, il y a aussi lieu à prescription, on a décidé que le nouveau possesseur prescriroit contre l'ancien propriétaire.

Le temps de la prescription a été limité à un an. « Un plus long terme prolongeroit l'incertitude des nouveaux possesseurs, et retarderoit la culture de leurs nouvelles terres. Le silence que l'ancien propriétaire a gardé pendant une année, suffit pour faire présumer qu'il n'a pas voulu faire usage de son droit de réclamation » (1).

Au surplus, la prescription a, dans ce cas-ci, le même effet que dans les autres elle transfère la propriété au possesseur, sans que celui contre lequel elle est exercée puisse répéter d'indem

nité.

(1) M. Faure, Tribun, tome II, 2o. partie, page 82.

IV. SUBDIVISION.

Des iles et ilots. (Art. 560, 561 et 562.)

Les îles et ilots se forment de deux manières : Par atterrissement;

Par le nouveau cours que s'ouvre un fleuve ou une rivière.

Le Code distingue entre ces deux cas.

NUMÉRO Jer.

Des iles et ilots qui se forment par atlerrissement.

Les îles et îlots naissent,

Ou dans une rivière flottable ou navigable, Ou dans une rivière qui n'est ni l'une ni l'autre.

Des iles et ilots qui naissent dans une rivière ou un fleuve flottable ou navigable.

ARTICLE 560.

Les îles, îlots, atterrissemens, qui se forment dans le lit des fleuves ou des rivières navigables ou flottables, appartiennent à l'État, s'il n'y a titre ou prescription

contraire.

On distingue dans cet article deux disposi

tions:

Une qui déclare propriétés domaniales les îles et ilots dont il s'agit;

Une seconde qui excepte les îles et îlots pour lesquels il y a titre ou possession contraire. Celle-ci est sortie de la discussion que l'autre a fait naître.

Voici ce qui s'est passé :

Le projet des commissaires ne contenoit que la première des deux dispositions (1).

Les cours d'appel de Lyon et de Rouen l'attaquèrent,

Comme contraire aux vrais principes du droit et de l'équité;

Comme devant avoir des effets désastrueux. Traitant d'abord la question sous le rapport des principes, elles dirent : « la loi romaine, au Dig. de acquirendo rerum dominio, attribuoit aux propriétaires voisins les îles qui se formoient dans les fleuves, disposition qui paroît plus équitable que celle du Code, et plus digne d'une grande nation dont le véritable intérêt n'est pas d'acquérir des propriétés nouvelles par préférence aux particuliers.

» Les édits et déclarations des rois qui attribuoient au domaine les îles des fleuves naviga

(1) Projet de Code Napoléon, liv. II, tit. II, art. 19. Tome VII.

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bles, n'étoient que des lois bursales » (1) ¶ fondées sur le droit du plus fort (2), car les motifs qu'on leur donnoit n'avoient rien de solide.

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. On s'appuyoit en effet sur le faux prétexte que les îles étoient un accessoire du fleuve qu'on regardoit comme appartenant au Roi (3). Or,

1o. « Le fleuve lui-même n'est point du domaine de l'État, mais une chose publique; il appartient à la nation non à titre de propriété, mais à titre de souveraineté,

2o. » L'île n'est pas un accessoire des eaux du fleuve, mais bien du lit du fleuve sur lequel les droits des particuliers ne sont pas méconnus lorsle fleuve l'abandonne » (4).

que

La doctrine contraire blesseroit l'équité naturelle. « Il ne peut guère se former une île sans que le fleuve ne s'élargisse aux dépens des terreins voisins, et les ravages auxquels sont exposés les propriétaires de ces terreins, doivent leur faire obtenir les îles qui se forment dans le fleuve, comme une juste indemnité des risques qu'ils courent et des pertes qu'ils éprouvent » (5).

Passant ensuite aux effets de la disposition,

(1) Observations de la cour d'appel de Rouen, pages 14 et 15,

(2) Ibidem, de Lyon, page 62. (3) Ibidem, de Rouen, page 15. - (4) Ibidem. (5) Ibidem, de Lyon, page 62.

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