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famille qui avait nommé un tuteur, à l'effet de former la demande intentée contre la dame Sirot.

Les reproches proposés contre ces deux témoins, étaient fondés sur les dispositions de l'art. 283, C. P. C., qui défend d'admettre comme témoin, celui qui a bu et mangé avec la partie, ainsi que celui qui a donné des certificats sur les faits relatifs au procès. D'après le système des sieur et dame Sirot, le sieur Vallois se trouvait dans cette dernière hypothèse; car dans l'assemblée de famille, il avait manifesté son opinion par écrit, ce qui équivalait à un véritable certificat.

Le 13 mars 1808, jugement du tribunal civil de Reims, qui, « en ce qui touche le reproche formé contre la dame Lobréau, vu l'article 283 du Code de procédure; el considérant qu'il est constant que Jeanne-Sophie Dubois, depuis plusieurs années, loge chez les sieur et dame Lobréau; que le sieur Lobréau a été son curateur, jusqu'à sa majorité, qu'elle vit à leur table, boit et mange avec eux, qu'elle est commensale de leur maison; qu'il est, à la vérité, déclaré qu'elle paie pension; mais que, dans ce cas même, celui qui prend un pensionnaire, vit, au moins pour partie, aux dépens du pensionnaire... Rejette le témoignage de la dame Lobréau; et, en ce qui concerne le reproche contre le sieur Vallois, comme membre du conseil de tutelle de Jeanne-Sophie, considérant qu'il n'est pas prévu par ledit article 283, le tribunal l'a joint au fond, pour y avoir, en jugeant, tel égard que de raison.»

Appel de ce jugement de la part de chacune des parties, et le 10 mars 1809, arrêt de la Cour d'appel de Paris, qui prononce, en ces termes :

« LA COUR, faisant droit tant sur l'appel principal, interjeté par Jeanne-Sophie Dubois, que sur l'appel incident, interjeté par la dame Sirot; - En ce qui touche l'appel incident, adoptant les motifs des premiers juges, a mis et met l'appelation au néant, ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet; - En ce qui touche l'appel principal, au chef relatif au reproche contre la femme Lobréau, - At

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tendu que ladite femme Lobréau n'est pas dans le cas prévu par l'article 283 du Code de procédure; A mis et met l'appellation au néant; émendant, ordonne que la déposition de la dame Lobréau restera au procès, pour y avoir tel égard que de raison.

33. L'enfant naturel adultérin de la femme, est allié du mari de cette femme; en conséquence, l'art. 358 du Code du 3 brumaire an IV, qui défend d'appeler en témoignage le fils et la fille de l'accusé et leur allié au même degré, s'applique aux enfants naturels du conjoint de l'accusé. (Art. 322, C. I. C. ) (1) Les lois romaines reconnaissaient trois espèces de parenté, qu'elles désignaient sous le nom de cognatio civilis, cognatio naturalis et cognatio mixta; chacune de ces trois cognations établissait des liens de parenté, que les lois ordonnaient de respecter. Ainsi, le mariage était prohibé entre le père et sa fille adoptive, et entre le père et sa fille naturelle, comme entre le père et sa fille légitime. Notre Code civil a établi les mêmes prohibitions.

Quant à l'alliance que les Romains nommaient affinitas, elle était produite par le mariage; de sorte que tous les parents de la femme devenaient alliés au même degré du mari; ce qui étendait entre ces personnes les prohibitions établies par le mariage. Ainsi, l'époux ne pouvait contracter mariage avec la fille adultérine de sa femme. En raisonnant par analogie, on doit décider que le fils adultérin de la femme, qui certainement ne pourrait servir de témoin contre sa mère, ne peut, de même, être admis à déposer contre le mari de celle-ci. Telle est l'opinion manifestée par la Cour de cassation, dans l'espèce suivante. (COFF.)

Une accusation d'assassinat pesait sur la tête du sieur Ferrand. La Cour de justice criminelle du département de la Loire, en ayant été saisie, fit procéder à l'audition des

témoins.

(1) Voy. MM. F, L., t. 2, p. 362 et CARR., l. 1, p. 702, no 1106, et infrà, no 158, l'arrêt du 3 juillet 1820,

Le sieur Ferrand s'opposa à ce que Thomas Alamartine, enfant adultérin de son épouse, qu'elle avait eu avant son mariage, fût ouï comme témoin à charge; il se fondait, à cet égard, sur les dispositions de l'art. 358 du Code du 3 brumaire an IV, qui défend de recevoir le témoignage du fils, de la fille, du petit-fils, de la petite fille, etc., ou autres alliés aux mêmes degrés.

Cependant la Cour criminelle ordonna l'audition du témoin reproché, pensant que la prohibition ne s'appliquait qu'aux alliés légitimes, et qu'un enfant adultérin, n'appartenant à aucune famille, et n'ayant pas, par conséquent, de parents dans le sens de la loi, ne pouvait non plus avoir d'alliés.

Le sieur Ferrand, sur la déclaration du jury, fut condamné à la peine de mort.

Pourvoi en cassation, pour violation de l'art. 358 du Code du 3 brumaire an IV ; et le 6 avril 1809, arrêt de la section criminelle, au rapport de M. Guieu, et sur les conclusions de M. Daniels, qui prononce en ces termès la cassation demandée :

« LA COUR, après un délibéré en la chambre du conseil; vu les art, 368, 456 et 552 du Code du 3 brumaire an 1v ; Et attendu que la prohibition d'appeler en témoignage le fils et la fille de l'accusé, et leurs alliés au même degré, comprend nécessairement les enfants de la femme ou du mari, à l'égard de l'autre conjoint, à cause de l'alliance que le mariage établit entre les conjoints et leurs enfants respectifs; que rien ne peut empêcher cette alliance d'exister, dès qu'elle a éte produite par un mariage valablement contracté ; qu'en conséquence, le vice de la naissance d'un enfant n'est d'aucune considération à l'égard du mari qui a contracté une union légale avec la mère reconnue de cet enfant illegitime; qu'on doit le décider ainsi, par la raison qu'il existe toujours un lien naturel entre la mère et son enfant, lors mème que cet enfant serait un bâtard adultérin; que l'existence de ce lien naturel est indépendante du droit positif; il existe par cela seul qu'il est physiquement impossible qu'il n'existe pas; et dès lors on ne peut rien conclure contre sa réalité et contre ses effets, des dispositions de la loi civile concernant l'état et les droits du bâtard adultérin, soit dans la société,

soit à l'égard des auteurs de sa naissance, ces dispositions étant uniquement relatives à l'ordre civil, et ne pouvant rien changer aux règles immuables de la nature; que par une déduction nécessaire de ces principes, il faut dire que, comme tout bâtard, même adultérin, ne pourrait, dans l'objet et l'esprit de la loi prohibitive, être admis à déposer sur le crime imputé à sa mère, il ne peut également être reçu à rendre témoignage sur l'accusation dirigée contre celui qui, en devenant l'époux de la mère, a acquis, à l'égard des enfants de celle-ci, les rapports inal-térables d'une alliance naturelle; - Attendu, d'ailleurs, que les motifs de prudence, et les considerations morales qui ont dicté la prohibition de l'art. 358, à l'égard du fils légitime de l'un des conjoints, s'appliquent aussi à l'enfant illégitime de la femme, vis-à-vis du mari de celle-ci ; Attendu enfin que, dans l'espèce, Etienne Ferrand et Madeleine Choignard, ayant légitimement contracté mariage, et Thomas Alamartine étant reconnu pour l'enfant de Madeleine Choignard, né avant son mariage, de son commerce avec un homme marié, Etienne Ferrand a eu le droit de s'opposer à ce que cet enfant ne fût entendu aux débats; et que, dès lors, en refusant de faire droit à sa réquisition, et en admettant Thomas Alamartine à déposer devant le jury du jugement, la cour de justice criminelle du département de la Loire a violé l'article 358, prescrit à peine de nullité; Casse.

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NOTA. La question décidée par cet arrêt peut se reproduire aujourd'hui, et elle recevrait sans doute la même solution; car, aux termes de l'art. 322 du nouveau Code d'instruction criminelle, les descendants et alliés en ligne directe ne peuvent être ouïs en témoignage, à peine de nullité, si le ministère public ou l'accusé se sont opposés à leur audition.

34. Une enquête est nulle, si la partie qui a un avoué a été assignée à son domicile et non au domicile de cet avoué, pour être présente à l'enquête, quoique l'enquête ait lieu devant un juge de paix délégué. (Art. 261, C. P. C.)

35. La nullité résultant de ce que l'assignation a été notifiée au domicile de la partie doit être prononcéc, quo que l'enquéle soit faite au lieu où réside la

partie, et que ce lieu soit éloigné du siége du tribunal auprès duquel l'avoué exerce son ministère.

36. La nullité résultant de ce que l'assignation à la partie n'a pas été signifiée au domicile de l'avoué, a lieu même en matière sommaire. (1)

37. L'enquête, déclarée nulle parce que l'assignation à la partie n'a pas été donnée au domicile de l'avoué, ne peut pas être recommencée.

38. La déclaration des juges du fond relativement à l'auteur de la nullité de l'enquête, est une déclaration de fait qui ne peut fournir ouverture à cassation. (1)

39. L'appel est recevable, quoiqu'il s'agisse d'une somme moindre de 1,000 francs, si l'exception de la partie défenderesse repose sur des faits qui peuvent caractériser un délit, et donner lieu à des poursuites de la part du ministère public; cette circonstance n'enlèvc pas à l'appel d'un jugement de tribunal de commerce le caractère de matières sommaires, relativement à la confection de l'enquête. (1)

Relativement à la première question, on pourrait dire, pour la négative, que c'est presque toujours dans l'intérêt de la partie chargée d'une signification, que la loi lui permet de la faire au domicile de l'avoué de l'autre partie, et que celle-ci ne peut se plaindre de ce qu'on lui donne directement connaissance d'un acte auquel elle doit se con

former.

On pourrait ajouter que, dans tous les cas où la loi autorise la signification à un domicile élu, elle ne prohibe pas, par cela même, la signification au domicile réel, et

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(2) Cette question a été jugée dans la ire et la 2e espèce.

(3) Les 20,

3 et 4e questions n'ont été jugées que par la 2o espèce.

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