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L'ordonnance de Louis XII avait perinis de faire entendre dix témoins, sur chaque fait dont on était admis à faire la preuve. Ce nombre a été restreint à cinq par le nouveau Code.

Aux termes des lois 3, § 5, et 19, § 1, au titre déjà cité, les impubères ne pouvaient rendre témoignage en matière civile, ni en matière criminelle, excepté pour crime de lèse-majesté.

Le Code de procédure (art. 285) permet d'appeler dans une enquête, des témoins qui n'ont pas quinze ans révolus, sauf aux juges, à avoir tel égard que de raison à leurs dépositions. D'après l'article 79 C. I. C., les enfants de l'un et de l'autre sexe, au-dessous de l'âge de quinze ans, peuvent être entendus par forme de déclaration, et sans prestation de serment.

D'après les lois 4 et 5, l'alliance au premier degré, et. la parenté jusqu'au septième degré, étaient un moyen de reproche contre les témoins en matière civile, et un molif de dispense pour les témoins appelés en matière criminelle. L'art. 268, C.P.C., restreint la prohibition aux époux et aux parents ou alliés en ligne directe; l'article 321, C. I., C., ,défend de recevoir les dépositions des ascendants et descendants de l'accusé, de ses frères et sœurs, de ses alliés au même degré, et de son époux, même après le divorce prononcé. Une telle disposition est un hommage aux sentiments les plus sacrés de la nature : elle honore le législateur qui l'a consignée dans nos Codes.

Quelques autres lois du même titre, indiquaient comme incapables de rendre témoignage en justice, celui qui était accusé d'un crime, l'homme et la femme condamnés pour adultère, les filles publiques, celui qui avait été déclaré coupable de calomnie, les gladiateurs, etc. Ces dispositions ne sont pas admises dans notre droit : toutes personnes majeures et jouissant de leurs droits, peuvent être entendues comme témoins, sauf aux parties à les récuser, si

des circonstances graves peuvent faire suspecter leur té– moignage.

Je terminerai mes observations sur les dispositions du droit romain à cet égard, en recueillant quelques principes sages, qui, sans avoir autorité législative parmi nous, peuvent être invoqués presque toujours avec confiance, comme des maximes de droit et d'équité: In testimoniis dignitas, fides, mores, gravitas examinanda est; et ideò testes qui adversus fidem suam testationis vacillant, audiendi non sunt, (L. 2, ff. de testib.): In persona testium, exploranda erunt, in primis conditio cujusque ; an honestœ et inculpatæ vitæ ; an vero notatus quis et reprehensibilis ; an locuples vel egens sit, ut lucri causâ, quid facile admittat; vel an inimicus ei sit, adversus quem testimonium fert; vel amicus ei sit pro quo testimonium dat... aliàs numerus testium, aliàs dignitas et auctoritas, aliàs veluti consentiens fama, confirmat rei, de quá quæritur, fidem... (L. 3, ibid, in princ., et § 2.) Jurisjurandi religione testes, priusquàm perhibeant testimonium, jamdudùm arctari præcipimus (L. 9, Cod. eod. tit.). L'article 262, § 2, C. P. C., renferme la même disposition.

Dans l'ancienne législation française, on connaissait deux sortes d'enquêtes, dont l'usage a été aboli par l'ordonnance de 1667; l'enquête par turbes, et l'enquête d'examen à futur.

La première avait lieu lorsqu'on voulait éclaircir un point de coutume, ou s'assurer d'un usage qui n'était établi par aucune loi. L'ordonnance de 1498,qui l'avait établie, réglait la manière dont il devait y être procédé. Au lieu d'entendre les témoins individuellement, on recevait leur déposition par turbes, ou troupes de dix personnes chacune: il fallait au moins deux turbes pour chaque point de fait ou de droit à constater; de sorte que ce moyen d'interpréter la loi, ou de suppléer à son silence, était ruineux pour les parties, en même temps qu'il était peu propre à fournir une interprétation sage.

L'enquête d'examen à futur avait lieu dans le cours d'une instance, ou avant son introduction, pour constater des faits articulés, dont la preuve ne pouvait être encore admise contradictoirement, et à l'égard desquels la partie avait à craindre de ne pouvoir faire entendre ses témoins en temps utile, soit à cause de leur grand âge ou de leurs infirmités, soit à cause de leur absence prochaine. Le motif qui avait fait admettre ces sortes d'enquêtes était sage; mais dans la pratique, elles donnaient lieu à un grand nombre d'abus, par la prévention qu'elles portaient dans l'esprit des juges, lorsqu'on trouvait le moyen de les faire admettre sous un prétexte frivole (1).

L'ordonnance de 1667, n'a conservé que l'enquête par écrit et l'enquête verbale : l'une et l'autre sont aussi autorisées par le nouveau Code. Avant de rapprocher ses dispositions, de celles de l'ordonnance, il ne sera pas sans intérêt de présenter un historique rapide de la législation intermédiaire sur cet objet important.

La loi du 3 brumaire an 2 (art. 4), disposait que, lorsqu'il s'agirait de faire entendre des témoins, ils seraient assignés, ainsi que la partie, en vertu d'une cédule accordée par le président, ou, à défaut, par un autre juge du tribunal.

Cette loi supprimait d'ailleurs toute espèce d'instruction, et voulait que les parties se présentassent à l'audience, sur un simple exploit, énonçant l'objet ainsi que les moyens de la demande, le jour et l'heure de la comparution.

Un jugement du tribunal du district de Gournay, ayant ordonné que les témoins produits dans une enquête, seraient entendus publiquement à l'audience en présence des parties, les mariés Thomas consultèrent la convention nationale, sur la validité de ce jugement mais elle passa à l'ordre du jour, en se fondant sur ce que le tribunal de

(1) Voy. Infrà, no 14, l'arrêt du 6 janvier 1808.

Gournay avait sainement entendu et bien appliqué la loi du 3 brumaire an 2 ; et pour prévenir toutes les difficultés que ses dispositions pouvaient faire naître, elle rendit le fructidor an 3, un décret ainsi conçu:

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« Art. 1er. A l'avenir, en toutes matières civiles dont la connaissance appartient aux tribunaux de district, et sans aucune distinction, les témoins seront entendus à l'audience publique, en présence des parties, ou elles dûment appelées. - Article 2. Le greffier tiendra note de leurs noms, âges, qualités et demeures, ainsi que de leurs dépositions, et des reproches qui auront été fournis contre eux il fera pareillement mention du serment que le tribunal aura fait prêter, avant que de recevoir leurs dépositions. Art. 3. L'affaire sera jugée immédiatement après qu'ils auront été entendus, si faire se peut, sinon à l'audience suivante, sans qu'il soit besoin d'aucun autre acte ni procédure. »

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Sous le règne de ces lois, le ministère des avoués était interdit dans les tribunaux. A l'époque de leur rétablissement, et jusqu'à la publication du Code judiciaire, on a dû s'occuper à régler la marche des diverses procédures. Ce qui est relatif aux enquêtes a été l'objet d'un arrêté des consuls, rendu le 4 pluviose an XI, sur le rapport du grand-juge.

Cet arrêté porte en substance, 1° que les enquêtes qui ont eu lieu depuis la publication de la loi du 3 brumaire an 2, ne pourront être déclarées nulles, soit qu'on ait suivila forme tracée par cette loi et par le décret du 7 fructidor an III, soit qu'on y ait procédé d'après les dispositions de l'ordonnance de 1667; 2o qu'à l'avenir, et jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, les avoués devront suivre exactement, en ce qui concerne les enquêtes, les dispositions de l'ordonnance de 1667. (COFF.)

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L'ordonnance de 1667, tit. 22, traçait les règles de l'enquête; les dispositions de la loi nouvelle sont presque

toutes calquées sur celles que contenait l'ordonnance.

La procédure de l'enquête, par les incidents qui s'y rencontrent nécessairement, devait être assez compliquée; cependant la marche tracée par le Code est simple et facile à concevoir :

Celui qui veut être admis à la preuve testimoniale, doit articuler succinctement les faits qu'il veut prouver; si ces faits sont déniés par la partie adverse (art. 252 ), alors s'élève la question de savoir, si la preuve ser a ordonnée, question complexe, parce qu'elle présente à juger: 1o si les faits sont admissibles; 2o si, en droit, la loi ne défend pas la preuve demandée. Cette dernière question appartient entièrement au droit civil; les règles à suivre sont tracées par le Code civil, art. 1341 et suivants; c'est pourquoi nous ne nous sommes occupés de cette matière qu'autant qu'une corrélation trop intime avec les formes de procéder l'ont exigé (1).

Si le tribunal croit devoir l'ordonner, il nomme pour procéder à l'enquête, un juge qui n'est pas nécessairement choisi parmi les membres du tribunal qui ont concouru au jugement qui permet l'enquête (2).

Si le juge nommé était empêché, il faudrait en faire nommer un autre, soit sur requête adressée au président, soit en venant à l'audience sur un simple acte (3). Si les témoins sont éloignés, il est commis un juge d'un autre tribunal; s'ils sont en pays étrangers, on y suit les formes du lieu (4).

(1) Voy. sur la question de savoir si les parties peuvent acquiescer à un jugement qui ordonne une preuve testimoniale dans le cas où la loi la défend, MM. CARR., t. 1er, no 976; F. L., t. 2, p. 344, et DELAP., t. 1, p. 251.

(2) Voy. MM. CARR., t. 1, p. 632, no 983; et F. L., t. 2, p. 345, vo Enquête.

(3) Marche tracée par MM. CARR., t. 1, p. 632, no 984; PIG. COMM., t. 1, p. 496; et F. L., t. 2, p. 345, vo Enquête.

(4) Voy. M. PIG. COMм., t. 1, p. 502.

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