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soutenue dans le sein de cette commission. Mais, en même temps que c'est l'élection générale, c'est la spécialisation de toutes les candidatures, et par conséquent le moyen d'établir une clarté et une lumière au sein de la Représentation Nationale, qui, pour moi, compose l'État. Voilà le principe général.

Maintenant, quant à l'application, si vous le désiriez, j'entrerais dans plus de détails. (Rumeurs diverses. Parlez! parlez!)

Au surplus, je dirai qu'en principe le mode que je présente n'est pas autre chose que l'organisation des pouvoirs que vous croyez avec raison être contenus tous ensemble et confusément dans cette assemblée.

En effet, quand vous êtes venus dans cette assemblée, nommés par le suffrage universel, vous avez cru renfermer en vous tous les pouvoirs, pouvoir exécutif, pouvoir judiciaire, pouvoir législatif : voilà la vérité; vous vous êtes tenus pour la représentation de toute la nation. Seulement, faute de savoir comment organiser les trois pouvoirs républicainement et en seul corps, la Constitu tion que l'on vous propose organise ces trois pouvoirs d'une façon que j'appelle monarchique, aristocratique, et anarchique. Mais toujours est-il que le système proposé par moi n'est pas autre chose que l'organisation de cette souveraineté nationale que l'Assemblée croit renfermer en elle-même.

Ainsi, dans ce système, les trois pouvoirs se trouvent distincts et en même temps unis. L'unité de ces pouvoirs est établie par ce que j'appelle la Gérance. Or, relativement à ce point, j'aurais toute l'histoire pour soutenir que cette combinaison d'une présidence trinaire est la meilleure des combinaisons, si l'on veut échapper à la monarchie; je vous montrerais que toutes les nations, lors. qu'elles ont voulu sortir du despotisme, ont été amenées

à cette organisation qu'on appelle dans l'histoire le triumvirat. Je vous montrerais aussi pourquoi cette organisation n'a pas réussi dans le passé.

Maintenant que nous avons la loi de cette organisation, maintenant que nous savons comment et à quelles conditions trois hommes nommés par les trois pouvoirs, et représentant la prédominance de facultés différentes, peuvent être en harmonie et non en discorde, nous pou vons concevoir l'établissement d'une république véri· table, c'est-à-dire une Représentation dont la tête, ce qu'on appelle la présidence, ne soit pas autre chose qu'un milieu entre les trois Corps qui constituent la Représentation. (Rumeurs diverses. Interruption. Tumulte.) Je crois, citoyens, que cet ordre d'idées mériterait votre attention. Il paraît que vous ne le pensez pas, je le vois à vos murmures. Eh bien, c'était un devoir pour moi de vous apporter la vérité. Le temps n'est plus où Képler disait : « Je demande à Dieu un lecteur dans cent ans. » Puisque vous ne voulez pas m'entendre, il y aura des lecteurs pour mes idées. (Bruits divers.)

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LE CITOYEN PRÉSIDENT. Le paragraphe additionnel de M. Pierre Leroux est-il appuyé? (Non! non!) S'il n'est pas appuyé, l'Assemblée n'a pas à s'en occuper.

Ainsi, il ne s'est pas trouvé dans toute l'Assemblée, ni à droite, ni à gauche, ni au centre, ni dans la Plaine, ni dans le Marais, ni sur la Montagne, une voix, une seule voix, pour demander que notre système eût au moins les honneurs d'un vote; il a été rejeté, sans vote, à l'unanimité. Si donc nous avons la vérité de notre côté (et nous l'avons!), c'est le cas de dire: Vox clamans in deserto.

EXTRAITS DES JOURNAUX.

Le lecteur vient de voir comment l'Assemblée Nationale a accueilli nos idées; il sera peut être curieux de connaître aussi le jugement de la presse, de la presse telle que l'état de siége nous l'a faite. Chose incroyable! la Constitution se discute en pleine restauration des lois de septembre, et sous le régime de la suppression des journaux ! Quel effroyable chaos! Si jamais œuvre demanda l'enthousiasme de la pensée, qui ne peut exister qu'avec la plénitude de la liberté, c'est assurément le vote d'une Constitution. C'est alors, ou jamais, que la Souveraineté de chacun doit être éclatante et respectée de tous. Eh bien, c'est précisément le moment choisi pour interrompre toutes les lois. Les lois sont suspendues, et l'idée même de l'équité est suspendue avec elles! Il n'y a plus de droit, et la notion de l'humanité est ébranlée dans tous les cœurs; il n'y a de légitime et d'autorisé que le despotisme militaire. Un homme armé règne, c'est-à-dire que c'est son arme qui règne! Un sabre vibre dans les airs sur la tête de tous les citoyens! Voilà le Veni Spiritus de la Constitution qui se fabrique!

Nous aurions aimé à connaître l'appréciation de notre illustre collègue, M. de Lamennais; mais son Peuple Constituant s'est tu volontairement, pour ne pas autoriser les lois préventives contre la liberté de penser et d'écrire. Il nous eût été utile de voir notre utopie, puisqu'on la nomme ainsi, examinée dans la feuille qu'avait fondée Raspail, cet esprit novateur qui plane sur tous les préjugés et qu'aucune vérité, pour être nouvelle, n'effraya jamais; mais l'Ami du Peuple a cessé de paraître, et soixante mille suffrages, en investissant du mandat de Représentant le fondateur de cette feuille, n'ont pas en assez de crédit auprès de l'Assemblée dont il est membre pour faire ouvrir les portes de sa prison. Un jugement motivé du remarquable journal où Proudhon faisait vivre sa pensée aurait eu tout droit à notre attention, à notre réflexion; mais le Représentant du Peuple a été frappé comme les autres. Quant à la Vraie République, dont le titre porta notre nom uni à ceux de nos amis Barbès et Thoré, et à celui de la femme illustre qu'aujourd'hui l'envie voudrait, à force d'outrages, faire repentir de son génie et de tous les dons qu'elle a reçus de Dieu, il nous eût été doux de savoir ce que pensaient ces amis si chers au sujet de notre projet d'organisation politique; mais cette feuille véridique a été frappée des premières, elle a succombé au premier rang. Parmi les autres feuilles que Février fit éclore, combien encore avaient droit de nous juger! On en conviendra, quant à la presse

du moins, notre Projet de Constitution n'a pas eu tous les juges qu'il devait avoir.

On verra comment il a été, non pas examiné non pas jugé, mais dénigré, par les vieux suppôts de toutes les erreurs et par leurs émules de fraîche date. On verra aussi des témoignages qui nous consolent dans celles des feuilles dévouées au progrès et à la cause du peuple qui ont survécu.

LE CONSTITUTIONNEL.

(Lundi 23 septembre 1848.)

« On n'a pas oublié que, lorsque M. Pierre Leroux, dans une des dernières séances, descendait de la tribune, après avoir accusé le projet de Constitution de n'être fondé sur aucun principe, M. de Larochejaquelein lui cria au milieu de l'hilarité générale: « Et votre principe! et votre machine!» M. Pierre Leroux vient de répondre à cette interpellation; il consent à nous révéler son principe, et il nous apporte sa machine : c'est un projet de Constitution complet, projet fondé, ainsi qu'il le dit, sur la loi même de la vie, c'est-à-dire sur la distinction dans l'homme de l'intelligence, de l'amour, et de l'activité. Nous donnons quelques extraits de cette curieuse rêverie philosophique, divisée en articles de loi. Le nombre trois joue, comme on verra, le principal rôle dans le monde un peu fantastique que se propose de créer M. Pierre

Leroux.

» Voici le début :

EN PRÉSENCE ET SOUS L'INVOCATION DE DIEU, triple et un à la fois, qui a créé l'homme Intelligence-Amour-Activité, parce qu'il l'a créé à son image,

Et au nom de la solidarité qui réunit tous les hommes dans la même

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