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NOTES.

I.

De la spécialisation des candidatures.

J'entends plusieurs de mes collègues, un peu surpris de la nouvelle loi électorale que je propose, me demander à quel titre ils se présenteraient à la candidature avec une pareille loi. Leur étonnement vient de ce que jusqu'ici il n'y a eu aucune lumière dans l'élection, et qu'avec ma loi électorale, il y a un fiat lux qui permet au peuple de distribuer raisonnablement ses suffrages, et permet en même temps aux candidats de sonder leur propre capacité, et de l'appliquer avec précision aux fonctions publiques.

« Il fallait un financier, dit Beaumarchais, on a pris un danseur. » Voilà le défaut du système électoral confus qu'on a connu jusqu'ici. Ce n'est pas que les danseurs, les chorégraphes, et en général les gymnastes, n'aient leur utilité grande dans la bonne constitution d'un État; mais la question est que chacun soit à sa place.

Quant à savoir si cette loi est praticable, j'avertis ceux qui feraient cette objection, qu'ayant parié avec des hommes politiques très sérieux qu'après demi-heure d'attention ils reconnaîtraient qu'elle est beaucoup plus facile à exécuter que la loi actuelle, j'ai toujours gagné mon pari.

II.

Comment les Avocats se retrouveront dans ma classification électorale.

Les assemblées législatives ont jusqu'ici foisonné d'avocats. La raison en est bien simple. La distinction des parties intégrantes d'une bonne assemblée législative n'ayant pas été faite, les hommes exercés à l'art de la parole devant les tribunaux ont dû primer

toute autre nature.

Je ne serais donc pas étonné qu'on me dît: Mais où sont donc les avocats dans votre classification?

La réponse est facile.

Le droit, dans son abstraction, est une partie de la métaphysique. Par conséquent, outre les métaphysiciens proprement dits, tous les hommes occupés d'une manière générale de la science du droit ou de la politique, tous les jurisconsultes, tous les publicistes, se trouvent compris dans la catégorie des métaphysiciens.

S'il s'agit des avocats véritablement orateurs, ils se présenteront dans les catégories de l'art, à moins qu'ils ne veuillent se présenter comme jurisconsultes.

S'agit-il de simples bavards, ils se présenteront au titre qui leur conviendra.

III.

A quelle condition une loi peut être bien faite.

Toute loi, pour être bien faite, a besoin d'être examinée au triple point de vue de la Science, de l'Art, et de l'Industrie. Or, chacune des Chambres du Corps Législatif, dans le système que

j'expose, représente, en même temps que l'unité de la fonction, un aspect particulier de cette fonction. La première Chambre est la manifestation en prédominance de la connaissance ou du génie métaphysique dans la Science, dans l'Art, et dans l'Industrie. La seconde Chambre est la manifestation en prédominance du sentiment dans la Science, dans l'Art, et dans l'Industrie; et la troisième offre la prédominance de la pratique ou des facultés actives dans la Science, dans l'Art, et dans l'Industrie.

Il résulte de là qu'une assemblée confuse, composée de neuf cents membres, nommés sans distinction des qualités qui les caractérisent, et jetés pêle-mêle par l'élection sans spécialisation et sans titres, est la machine la moins propre à faire de bonnes lois.

Si nous en faisons de bonnes dans la présente Assemblée Nationale, ce sera une grâce d'état.

IV.

De la Cour de Cassation.

L'Assemblée Constituante, en créant l'idée d'un Tribunal de Cassation ne s'était pas expliquée sur la nomination de ce tribunal. La Constitution de 1791 dit seulement : « Il y aura pour >> tout le royaume un seul Tribunal de Cassation établi auprès » du Corps Législatif (Art. 19).

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La Constitution de 1793 remit la nomination des membres de ce tribunal à l'élection du peuple : « Les membres du Tribunal de >> Cassation sont nommés tous les ans par les assemblées électo» rales (Art. 100).

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La Constitution de l'an III conserva cette disposition, en la modifiant : « Le Tribunal de Cassation est renouvelé par cinquième » tous les ans. Les assemblées électorales des départements nom

>> ment successivement et alternativement les juges qui doivent >> remplacer ceux qui sortent du Tribunal de Cassation (Art. 259). »

La Constitution de l'an VIII décida que les juges du Tribunal de Cassation seraient choisis par le Sénat dans ce que cette constitution appelait la liste nationale, c'est-à-dire la liste des électeurs réduite au millième par trois épurations successives. Néanmoins, dans cette Constitution toute despotique, le principe de l'élection de la Cour de Cassation par le peuple subsiste encore au premier chef, puisque la liste nationale était censée sortie de l'élection populaire.

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On ne sera donc point surpris de voir, dans notre projet, la Cour de Cassation, malgré sa spécialité, nommée au sein du Corps Scientifique ou Judiciaire, qui renferme un grand nombre de légistes.

Dans le projet officiel présenté par la Commission, les juges du Tribunal de Cassation sont nommés par l'Assemblée Nationale au scrutin secret et à la majorité des suffrages (Art. 83). Le pouvoir législatif nommant directement le pouvoir judiciaire est une étrange confusion de tous les principes.

V.

Du Conseil d'État dans le projet officiel.

Dans le Projet de Constitution présenté par la Commission, l'ancien Conseil d'État se trouve transfiguré en deux corps tout à fait distincts. Le pouvoir judiciaire qui lui était dévolu en matière administrative et de contentieux passe à un Tribunal Administratif; et, ainsi débarrassé de ce fardeau qui l'offusquait, le Conseil d'État devient un véritable Sénat composé de quarante membres, sous l'auguste présidence du Vice-Président de la République.

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