Page images
PDF
EPUB

de fonder le droit, de dicter au juge la sentence qu'il devait rendre, n'appartint qu'à un comité consultatif désigné par le prince, et non à tout jurisconsulte qui émettait son opinion. sur une question de droit qu'on lui soumettait.

N. B. — A côté des sources du droit dont nous venons de parler, et qui formaient ce que les Romains appelaient le droit écrit, il en existait d'autres qui constituaient le droit non écrit. Ce dernier droit était celui qui résultait de l'usage que le consentement tacite du législateur avait laissé s'établir (Justinien, Inst., liv. 1, tit. 2, § 9). Il se forma: 1o par la coutume proprement dite; 2o par la jurisprudence; 3o par la doctrine des jurisconsultes.

En principe, la coutume avait force de loi, dans le silence de la loi écrite. « Quid interest suffragio populus voluntatem suam declaret, an rebus ipsis et factis? » porte la loi 32, § 1, ff. de legibus. Un usage ancien devait faire loi. «Jus moribus constitutum pro lege non immerito custoditur, » dit la même loi.

La jurisprudence forma une espèce de coutume qui eut une grande influence sur le droit. On lit, en effet, dans la loi 38, ff. de legibus : « Nam imperator noster Severus rescripsit, in ambiguitatibus, quæ ex legibus proficiscuntur, consuetudinem aut rerum perpetuo similiter judicaturum auctoritatem, vim legis obtinere debere. »

La doctrine des jurisconsultes eut toujours une grande autorité d'opinion. Les discussions, connues sous le nom de disputationes fori, auxquelles ils se livraient, eurent pour résultat de fixer entre eux plusieurs points importants. Leurs interprétations ont formé un droit non écrit adopté dans la pratique et suivi par le barreau. Il ne faut pas confondre, au surplus, cette source du droit avec celle dont nous avons parlé plus haut, et qui résultait de l'interprétation de certains jurisconsultes autorisés à résoudre des difficultés qui leur étaient soumises.-V. ff. de legit. patron. tutela; de exheredat. liber.; de pupill. subst.; de inoff. testam.; de adquis. per adrog.

De juris divisione.

§ 8. Omne autem jus quo utimur, vel ad personas per

Division du droit.

§ 8. Tout le droit se rapporte aux personnes,

aux

tinet, vel ad res, vel ad actiones. Sed prius videamus de personis.

De conditione hominum.

§ 9. Et quidem summa divisio de jure personarum hæc est, quod omnes homines aut liberi sunt aut servi.

choses ou aux actions; mais parlons d'abord des person

nes.

De la condition des personnes.

§ 9. La grande division du droit, quant aux personnes, est celle-ci : tous les hommes sont libres ou esclaves.

Les personnes sont des êtres capables de droits et de devoirs, soit dans la société, soit dans la famille.

Les personnes étaient libres ou esclaves. Toutefois le Code nous présente une troisième classe d'hommes qui n'étaient ni libres, ni esclaves proprement dits : c'étaient les coloni, les inquilini et les adscriptii, destinés à la culture de certains fonds de terre, de telle sorte que ni eux ni leur postérité ne pouvaient cesser d'y être attachés. Il y avait entre eux et les esclaves soumis à une personne cette différence qu'ils étaient moins dépendants d'une personne que d'un fonds de terre, tellement que le maître de ce fonds ne pouvait l'aliéner sans les aliéner eux-mêmes. Ils avaient le jus connubii, comme les personnes libres. Mais, quoiqu'ils parussent de condition libre, ils étaient cependant esclaves du fonds de terre auquel ils étaient attachés, car ils ne pouvaient l'abandonner, et le propriétaire exerçait sur eux les droits d'un patron sur ses affranchis et d'un maître sur sa chose (Code, de agric. et censit.; et L. unique, au C., de colon. Thrac.; - L. 2, au C., in quib. causis colon., et L. 1, C., de colon. Illyric.).

On conjecture que les inquilini étaient ceux qui, étant citoyens romains, se chargeaient de cultiver les terres des citoyens riches, tandis que les coloni étaient les barbares qui cultivaient les terres d'autrui (J. Godefroy, sur la dernière loi citée).

Certains de ces colons ne pouvaient acquérir qu'au profit de leurs maîtres et ne pouvaient rien aliéner (L. 2, Cod., in quib. causis coloni); d'autres pouvaient avoir des propriétés à leur disposition et ne dépendaient du propriétaire qu'en ce qu'ils devaient lui payer une redevance (Novelle 162, ch. 2).

On naissait esclave ou on le devenait (Justin., Instit., de jure person., § 4). — V. infrà, § 52.

§ 10. Rursus liberorum hominum alii ingenui sunt; alii libertini.

Les personnes libres étaient

§ 11. Ingenui sunt, qui liberi nati sunt; libertini sunt, qui ex justa servitute manumissi sunt.

§ 10. De plus, parmi les hommes libres, les uns sont ingénus, les autres sont affranchis.

ingénues ou affranchies.

§ 11. Sont ingénus, ceux qui sont nés libres; sont affranchis, ceux qui ont été libérés d'un esclavage légitime.

Etaient ingénus ceux qui étaient nés libres et n'avaient jamais cessé de l'être. Etaient affranchis ceux qui étaient libérés d'un esclavage légitime.

§ 12. Rursus libertinorum tria sunt genera; nam aut cives Romani, aut Latini, aut dedititiorum numero sunt: de quibus singulis dispiciamus, ac prius de dedititiis.

§ 12. Il y a trois espèces d'affranchis; car ils sont ou citoyens romains, ou Latins, ou déditices. Occupons-nous de chacun en particulier, et d'abord des déditices.

Sous la république, il n'y avait qu'une classe d'affranchis ils étaient tous citoyens, mais d'une condition inférieure. A partir du règne d'Auguste, on en compta deux classes, celle des affranchis citoyens romains et celle des déditices. Tibère en introduisit une troisième : celle des LatinsJuniens.

De dedititiis vel lege Ælia
Sentia.

§ 13. Lege itaque Ælia Sentia cavetur, ut qui servi a dominis pœnæ nomine vincti sint, quibusve stigmata inscripta sint, deve quibus ob noxam quæstio tormentis habita sit et in ea noxa fuisse convicti sint, quique ut ferro aut cum bestiis depugnarent traditi sint, inve ludum custodiamve conjecti fuerint, et postea vel ab eodem domino,

Des déditices, ou de la loi
Elia Sentia

( portée l'an de Rome 757).
§ 13. La loi Ælia Sentia
dispose que les esclaves en-
chaînés par leurs maîtres pour
punition de leurs délits, ou
ceux qui portent la marque de
quelque flétrissure, ou ceux
qui, à cause d'un délit, ont
subi la question et ont été
reconnus coupables de ce dé-
lit, et ceux qui ont été livrés
pour combattre contre les bê-
tes féroces, ou qui ont été

vel ab alio manumissi, ejusdem conditionis liberi fiant, cujus conditionis sunt peregrini dedititii.

De peregrinis dedititiis.

§ 14. Dedititii vocantur autem, qui quondam adversus populum Romanum armis susceptis pugnaverunt, et deinde victi se dediderunt.

§ 15. Hujus ergo turpitudinis servos quocunque modo et cujuscunque ætatis manumissos, etsi pleno jure dominorum fuerint, nunquam aut cives Romanos, aut Latinos fieri dicemus, sed omni modo dedititiorum numero constitui intelligemus.

[ocr errors]

jetés dans le cirque ou dans la prison, et qui, par la suite, ont été affranchis par le même maître ou par un autre, -deviennent libres de la condition de ceux qui sont étrangers déditices.

Des étrangers déditices.

§ 14. On appelle déditices ceux qui, autrefois, ont pris les armes et combattu contre le peuple romain, et se sont rendus après la défaite.

§ 15. Des esclaves si honteusement flétris, de quelque manière qu'ils aient été affranchis, et quel que fût leur àge, alors même que leur maître les avait dans son domaine quiritaire, ne deviennent jamais ni citoyens romains, ni Latins, mais sont, en tous points, assimilés aux déditices.

Les affranchis déditices étaient ceux qui, avant leur affranchissement, avaient subi quelque flétrissure. Ils étaient ainsi nommés parce qu'on les assimilait à ceux qui, étant étrangers, avaient combattu contre le peuple romain et s'étaient, après la défaite, rendus à discrétion (qui victi se dediderunt).

De tels affranchis ne pouvaient jamais devenir citoyens romains. Ils ne pouvaient recevoir par testament et acquérir que par les moyens permis aux étrangers. Il leur était défendu d'habiter dans Rome ou dans un rayon de cent milles autour de Rome. S'ils avaient enfreint cette défense, eux et leurs biens étaient vendus au profit du Trésor public, sous la condition qu'ils ne serviraient ni dans Rome, ni dans un rayon de cent milles autour de Rome, et qu'ils ne seraient jamais affranchis, à peine de devenir esclaves du peuple romain (infrà, §§ 25 et suiv.).

A leur mort, leur maître recevait leurs biens, soit à

titre de succession, soit à titre de pécule (Gaïus, 3, §§ 74 et suiv.).

Remarquons, au surplus, que la condition du déditice était personnelle et ne se transmettait pas à ses enfants, qui naissaient pérégrins (texte, § 68).

[blocks in formation]

§ 16. Mais l'esclave qui n'a subi aucune de ces flétrissures devient citoyen romain ou Latin par son affranchissement.

§ 17. Pour qu'un tel esclave devienne citoyen, trois choses concourent il faut qu'il soit majeur de 30 ans, que son maitre l'ait dans son domaine quiritaire, et qu'il soit affranchi par une manumission juste et légitime, c'est-à-dire par la vindicte, par le cens, ou par testament: celui-là devient citoyen romain. Mais, s'il manque une seule de ces conditions, l'affranchi sera Latin.

Les esclaves qui n'avaient subi aucune des flétrissures prévues par la loi Elia Sentia devenaient citoyens romains, si, à l'époque de leur affranchissement, ils étaient majeurs de 30 ans, si leur maître les avait dans son domaine quiritaire, et s'ils étaient libérés soit par la vindicte, soit par le cens, soit par testament. Les esclaves mineurs de 30 ans ne devenaient citoyens qu'au moyen de l'affranchissement par la vindicte, après que la cause de l'affranchissement avait été approuvée (§§ 18 et suiv.).

Les affranchis devenus citoyens formaient cependant une classe à part. Ils ne pouvaient parvenir à certaines dignités et ne pouvaient s'allier aux sénateurs. Ils n'avaient point de famille civile et étaient soumis aux droits de patronage, dont nous aurons à parler plus loin (com. 3, §§ 40 et suiv., et 83).

Les affranchissements s'opéraient de plusieurs manières.— On reconnaissait des modes publics et des modes privés de manumission.

« PreviousContinue »