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Les modes publics d'affranchissement étaient le cens, la vindicte, le testament, et, sous les empereurs chrétiens, la manumission dans les églises.

L'affranchissement par le cens avait lieu par l'inscription que faisait le censeur, sur les tables du cens, des esclaves que leurs maîtres voulaient libérer. Ce mode resta en usage jusqu'à l'empire (Frag. d'Ulpien, t. I, § 8).

L'affranchissement par la vindicte se faisait soit devant le consul, soit devant le préteur, soit devant les présidents des provinces. Il consistait en une représentation fictive de la rei vindicatio; c'est-à-dire qu'une personne revendiquait l'esclave comme libre, que le maître ne contestait pas, et que le magistrat prononçait l'affranchissement. Comme dans les revendications ordinaires, le demandeur tenait une baguette, vindicta, avec laquelle il touchait l'esclave, en signe de mainmise (ff. de liberali causa, passim; texte, c. 2, § 24).

On affranchissait par testament, soit directement, soit par fidéicommis. La manumission directe ne pouvait avoir lieu qu'au profit de l'esclave du testateur, tandis que celle qui se faisait par fidéicommis pouvait avoir pour objet l'esclave d'autrui. L'esclave affranchi par fidéicommis ne devenait libre qu'après que l'héritier l'avait acheté et affranchi, à la différence de l'esclave du testateur, qui était libre dès qu'il y avait un héritier (Règl. d'Ulpien, t. II, §§ 7, 10 et 22; L. 35, ff. de manum. testam.; - Inst. de Justin., de singulis rebus, § 2). Les droits de patronage appartenaient à la famille du maître de l'affranchi direct; ils appartenaient à l'auteur chargé de l'affranchissement indirect (L. 1, § 7, C., de latina libertate; Ulpien, Règl., t. II, § 8). Dans le principe, les testaments ne pouvaient être faits que devant les comices appelés à ratifier les volontés du testateur. C'est pourquoi l'affranchissement par ce moyen était rangé parmi les modes publics de manumission. Constantin voulut que les évêques, en présence du peuple, pussent constater l'affranchissement des esclaves que leurs maîtres voulaient libérer (L.1, C., de his qui in ecclesiis manumittuntur).

Le cens n'ayant lieu que tous les cinq ans, et, plus tard, qu'à de très-longs intervalles, la vindicte et le testament étaient les modes les plus usités d'affranchissement. La manumission

dans les églises fut aussi fréquemment employée sous les empereurs chrétiens.

Les modes privés de manumission étaient très-nombreux. On affranchissait notamment per epistolam, lorsque le maître écrivait à son esclave qu'il le libérait. Justinien voulut que cinq témoins signassent la lettre d'affranchissement (L. 1, C., de latina libertate). - Les affranchissements se faisaient aussi inter amicos, qui, au nombre de cinq, durent attester, d'après Justinien, que le maître avait affranchi son esclave (ibid., § 2). Ils avaient encore lieu per codicillum. Justinien exigea que le codicille fût signé de cinq témoins (L. 8, C., § 3, de codicillis).

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L'affranchissement pouvait résulter de certains faits, tels que le mariage d'une esclave à un homme libre, le maître y consentant et constituant une dot à cette esclave (C., de latina libertate, §9); l'appellation, dans un acte public, de fils, donnée par le maître à son esclave (ibid., § 10); la remise, en présence de cinq témoins, faite par le maître à l'esclave, des titres qui établissaient la servitude de ce dernier (ibid., §11); l'autorisation', donnée par testament ou par l'héritier du testateur, de suivre le convoi du maître en portant le bonnet de la liberté, si la permission a été suivie d'effet (ibid., $5); la prostitution d'une esclave par son maître, alors qu'il l'avait acquise sous condition contraire (ibid., § 4).

De manumissione vel cause

probatione.

§ 18. Quod autem de ætate servi requiritur, lege Elia Sentia introductum est; nam ea lex minores XXX annorum servos non aliter voluit manumissos cives Romanos fieri, quam si vindicta, apud consilium, justa causa manumissionis approbata, liberati fuerint.

§ 19. Justa autem causa manumissionis est, veluti si quis filium filiamve, aut fra

Des affranchissements et de l'approbation des motifs.

§ 18. Ce qui est exigé relativement à l'âge des esclaves a été introduit par la loi Ælia Sentia; car cette loi a voulu que les affranchis mineurs de 30 ans ne devinssent citoyens romains que s'ils étaient affranchis par la vindicte, la cause de l'affranchissement étant approuvée par un conseil.

§ 19. Les justes motifs de manumission sont ceux-ci : si quelqu'un affranchit son

trem sororemve naturalem, aut alumnum, aut pædagogum, aut servum procuratoris habendi gratia, aut ancillam matrimonii causa, apud consilium manumittat.

De recuperatoribus.

20. Consilium autem adhibetur in urbe Roma quidem quinque senatorum et quinque equitum Romanorum puberum; in provinciis autem viginti recuperatorum civium Romanorum; idque fit ultimo die conventus sed Romæ certis diebus apud consilium manumittuntur. Majores vero triginta annorum servi semper manumitti solent, adeo ut vel in transitu manumittantur, veluti quum prætor aut proconsul in balneum vel in theatrum eat.

fils ou sa fille, son frère ou sa sœur naturels, ou son élève, ou son précepteur, ou son esclave pour en faire son procureur, ou son esclave pour l'épouser.

Des récupérateurs.

$20. Le conseil se compose, à Rome, de cinq sénateurs et de cinq chevaliers, pubères et citoyens romains. Dans les provinces, il se compose de vingt récupérateurs, citoyens romains, qui procèdent aux affranchissements le dernier jour de l'assemblée. A Rome, on affranchit auprès du conseil, à certains jours désignés. Mais les esclaves majeurs de 30 ans peuvent toujours être affranchis, même au passage: comme, par exemple, lorsque le préteur ou le proconsul se rendent au bain où au théâtre.

Par qui était nommé le conseil? On ne le sait pas positivement, mais il est à croire que ses membres étaient désignés par le proconsul ou par le préteur (Laboulaye, Table de Malaga, p. 24, note 36.-V., toutefois, M. Demangeat, t. 1, p. 209).

§ 21. Præterea minor triginta annorum servus manumissione potest civis Romanus fieri, si ab eo domino qui solvendo non erat, testamento liber et hæres relictus sit, si... (Hic decem lineæ legi non potuerunt. Conf. Theoph., I. 5, 3 in fine.)

§ 21. En outre, l'esclave mineur de 30 ans peut devenir citoyen romain par l'affranchissement, s'il est déclaré libre et héritier par testament de son maître insolvable, pourvu que personne autre ne soit héritier en vertu du même testament... (La fin du paragraphe est illisible dans le manuscrit de Gaïus.)

Ce point est développé sous les §§ 186 et suiv. du 2e commentaire.

§ 22..... manumissi sunt, Latini Juniani dicuntur; Latini ideo, nam adsimilati sunt Latinis coloniariis; Juniani ideo vero, quia per legem Juniam libertatem acceperunt, quum olim servi viderentur esse.

§ 22. Ceux qui sont ainsi affranchis sont appelés LatinsJuniens: Latins, parce qu'ils sont assimilés aux Latins des colonies; Juniens, parce qu'ils reçoivent la liberté en vertu de la loi Junia (an de Rome 772), au lieu qu'avant cette loi ils paraissaient rester esclaves.

Quand un esclave n'avait subi aucune des flétrissures prévues par la loi Elia Sentia, s'il était affranchi avant l'âge de 30 ans et que la cause de son affranchissement n'eût pas été approuvée par le conseil des récupérateurs, il devenait affranchi Latin-Junien. Il en était de même, quoique ces deux conditions fussent remplies, s'il était affranchi par un maître qui n'avait pas sur lui le domaine quiritaire, et autrement que par la vindicte, le cens ou le testament. On le disait Latin, parce qu'il était assimilé aux Latins des colonies, et Junien, parce qu'il recevait la liberté en vertu de la loi Junia. Quelle était la situation des Latins des colonies? Rappelons d'abord que ces colons latins étaient ceux qui, envoyés de Rome dans les pays conquis, avaient perdu leur qualité de citoyens (texte, § 131, et Cicéron, pro Cocina, 33).-Ces Latins n'avaient pas le jus connubii (texte, § 57;-Ulpien, Frag. v, § 4). Ils n'avaient pas non plus le droit de suffrage, et ne pouvaient exercer les fonctions publiques, car ils avaient perdu la qualité de citoyens (texte, § 131, in fine; - Cicéron, pro Cocina, 33). Ils avaient, au surplus, le jus commercii (Ulpien, Frag. XIX, § 4), partant capacité de recevoir et de donner par testament, soit entre eux, soit entre eux et citoyens romains (Giraud, Hist. du dr. romain, t. 1, p. 98).

Les affranchis Latins-Juniens n'avaient pas des avantages aussi étendus que les Latins colons (texte, § 23).

Il faut se garder de confondre les Latins des colonies avec les peuples du Latium proprement dits, qu'on appelle Latini veteres, et dont les droits étaient plus étendus. Ainsi, outre le jus commercii, ils avaient le droit de suffrage (TiteLive, xxv, 3) et le connubium (eod. 1, 49). Nous pensons avec M. Demangeat, p. 160, que le paragraphe 57, où Gaïus

dit que l'empereur accordait quelquefois le jus connubii aux vétérans avec des Latines ou des pérégrines, ce qui implique qu'en principe ce droit n'existait pas, doit s'entendre des Latins colons ou des Latins-Juniens, et non des Latini veteres.

§ 23. Non tamen illis permittit lex Junia, nec ipsis a testamentum facere, nec ex testamento alieno capere, nec tutores testamento dari.

§ 24. Quod autem diximus, ex testamento eos capere non posse, ita intelligendum est, ut nihil directo hæreditatis legatorumve nomine eos posse capere dicamus; alioquin per fideicommissum capere pos

sunt.

§ 23. La loi Junia ne leur cependant permis ni de faire un testament, ni de recevoir des biens ni des tuteurs par testament.

§ 24. Mais, quand nous disons qu'ils ne peuvent recevoir par testament, cela veut dire qu'ils ne peuvent rien recevoir directement, et en leur nom, comme hérédité ou comme legs; autrement ils peuvent recevoir au moyen des fidéicommis.

Toutefois ils pouvaient être institués héritiers et acquérir l'hérédité qui leur était déférée, si, dans un délai de cent jours, ils remplissaient les conditions exigées d'eux pour qu'ils devinssent citoyens romains (Ulp., Reg., tit. XXII, §3); et ils étaient aptes à recueillir des fidéicommis (texte, § 24, et c. 2, § 275), et aussi une hérédité ou un legs dans un testament militaire (eod., § 110). Au surplus, toute acquisition faite par eux revenait, à leur mort, à leur ancien maître (texte, 3, § 56). Les Latins des colonies avaient, au contraire, le jus commercii, et, par conséquent, capacité de tester et de recevoir par testament entre eux et les citoyens romains (Giraud, Hist. du droit romain, t. 1, p. 98).

§ 25. Hi vero, qui dedititiorum numero sunt, nullo modo ex testamento capere possunt, non magis quam qui liber peregrinusque est ; nec ipsi testamentum facere possunt secundum quod plerisque placuit.

§ 25. Quant aux affranchis déditices, ils ne peuvent d'aucune manière recevoir par testament, pas plus que celui qui est libre et étranger; et d'après l'avis du plus grand nombre des auteurs, euxmêmes ne peuvent tester.

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