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il en est de même du cas où le nouveau cours du fleuve vient à changer. Ces deux solutions sont basées sur cette présomption, qu'avant le changement de lit éprouvé par le cours d'eau, ce lit était aux riverains et n'a cessé d'être à eux que par la force des choses; ce qui le prouve, c'est que, dans tous les cas où l'inondation ne se sera pas prolongée, où l'on pourra reconnaître les limites de chaque propriété, les riverains reprendront ce que le fleuve leur avait enlevé, à tel point que, si le cours du fleuve avait couvert en entier la propriété d'un individu, ce dernier la reprendra, ce qui démontre victorieusement que l'accession ne fait pas acquérir, mais seulement qu'elle fait supposer, quelquefois à tort, une propriété préexistante.

M. Ortolan cite, à l'appui de sa thèse, la loi 7, § 5, ff. de adq. rer. domin., où Gaïus enseigne que, dans le cas d'un second changement de lit prolongé, le propriétaire primitif ne peut rien obtenir du lit occupé par le fleuve, « parce que ce champ qui avait existé a cessé d'être, sa forme première étant perdue, et parce que l'ancien propriétaire ne peut invoquer aucune raison de voisinage. » Mais n'est-ce pas dire implicitement: 1° que si le champ n'avait pas perdu sa forme, le propriétaire primitif pourrait le réclamer; 2o qu'en supposant même la chose transformée, il pourrait en obtenir une portion ratione vicinitatis? La chose est res extincta, il ne peut donc la revendiquer; il n'est pas riverain, la loi ne peut supposer sa propriété antérieure. Toutefois, comme Gaïus pose en fait qu'il est constant que la chose a primitivement appartenu à ce propriétaire non riverain, il ne peut, malgré la rigueur des principes généraux, approuver cette décision, car il ajoute : « C'est à peine s'il obtiendra, » en parlant du riverain actuel. Au surplus, Pomponius (L. 30, § 3, eod.) décide positivement, dans la même espèce, que l'ancien propriétaire, quoique non riverain du lit abandonné, reprendra sa chose.

On invoque encore, contre notre manière de voir, la loi 19, §13, ff. de auro, argento..., qui porte : « Lorsque nous cherchons quelle chose le cède à l'autre, nous considérons laquelle des deux choses est ajoutée à l'autre comme ornement, parce que l'accessoire le cède au principal. » Mais cette loi est

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étrangère à la question, puisqu'il s'agit, dans le texte, d'apprécier la volonté d'un testateur qui a légué une pièce d'argenterie, et qu'on y décide que les pierreries sont comprises dans la disposition comme ornement accessoire de la pièce. Si ces pierreries n'étaient pas un ornement, elles seraient la propriété de l'héritier, ce qui prouve que l'accession ne fait pas acquérir.

Les lois 24 et 26, ff. de adq. rer. dom., portent qu'un navire ou une étoffe, confectionnés avec l'arbre ou la laine d'autrui, appartiennent au spécificateur, parce que l'arbre et la laine n'existent plus, et que, lorsque la matière subsiste, l'ancien propriétaire reste tel. C'est une opinion intermédiaire rappelée par Justinien en ses Institutes, et par notre auteur au § 79. -Paul avait déjà fait cette distinction; mais aucun jurisconsulte n'invoque l'accession comme un principe d'acquisition. Tous nous parlent, au contraire, de la règle extinctæ res vindicari non possunt, qu'ils appliquent diversement, il est vrai, mais qu'ils reconnaissent également.

Ce qui prouve, en droit, que les mots : accessorium cedit principali, superficies solo cedit, ne peuvent s'entendre en ce sens que la chose principale nous fait acquérir la chose accessoire par accession, c'est qu'après avoir dit que la pourpre le cède aux vêtements vice accessionis, la loi romaine en autorise la revendication dès qu'elle sera détachée de l'habit. Ce qui l'établit d'une manière plus péremptoire encore, c'est que le texte, après avoir dit : « Celui qui, sur son terrain, bâtit avec les matériaux d'autrui, est propriétaire de l'édifice, parce que toute construction suit le sol comme accessoire, » ajoute : « Cependant celui à qui appartenaient les matériaux ne cesse point pour cela d'en être propriétaire; et, s'il ne peut ni revendiquer ni exercer l'action ad exhibendum, c'est parce que la loi des Douze Tables ordonne que nul ne soit contraint à extraire de ses constructions les matériaux d'autrui... Ces dispositions ont eu pour objet d'empêcher qu'on ne se trouvât dans la nécessité de démolir les bâtiments; mais si, par une cause quelconque, l'édifice était abattu, alors le maître des matériaux, s'il n'avait pas reçu le double de leur valeur, pourrait les revendiquer ou intenter l'action ad exhibendum. » On remarquera d'abord que, d'après le texte, le

constructeur est propriétaire de l'édifice et non des matériaux, qu'il déclare, par deux fois, rester la propriété de leur ancien maître. Il est donc incontestable que les mots: solo cedit, ne peuvent pas vouloir dire est acquis par accession, puisque Justinien, immédiatement après les avoir employés, ajoute que, quoique les constructions le cèdent au sol, le maître des matériaux ne cesse pas pour cela d'en être propriétaire. Si l'ancien maître reste tel et peut revendiquer, c'est que le constructeur n'a pas acquis par accession; et si l'ancien maître ne peut pas reprendre ses matériaux avant la démolition, c'est uniquement parce que, dans l'intérêt public, on n'autorise pas la démolition. On conçoit parfaitement que l'accession le cède au principal, en ce sens que si deux objets ont servi à la fabrication d'un objet nouveau, le plus considérable, absorbant l'autre, met le maître de l'accessoire dans l'impossibilité de le revendiquer jusqu'au moment où il pourra reprendre sa forme; mais il y a loin de là à dire que l'accession est un moyen d'acquérir.

Justinien, en examinant le cas inverse à celui cité au § 29, celui où le propriétaire des matériaux élève sur le sol d'autrui, décide que l'édifice est au propriétaire du sol, parce que le maître des matériaux est censé les avoir volontairement aliénés; l'accession ne joue donc aucun rôle dans cette acquisition. Cela est si vrai que, d'après le même texte, les matériaux ne pourront pas être revendiqués, même en cas de démolition.

Gaïus, § 64, et après lui Justinien, décident que l'arbre planté sur le fonds d'autrui appartient au maître du sol, s'il a pris racine dans ce sol. Si l'accession faisait acquérir, l'arbre appartiendrait au maître du fonds dès l'instant de la plantation, puisqu'il n'est pas moins accessoire avant d'avoir pris racine qu'après. N'est-il pas plus vrai de dire qu'avant d'avoir pris racine l'arbre est dictinct, est le même, tandis qu'après avoir pris racine il est un arbre nouveau ?

En résumé, l'accession est quelquefois un effet de la propriété acquise et presque toujours un obstacle à ce que le maître de l'accessoire puisse le revendiquer. Il est donc utile de distinguer l'objet accessoire de l'objet principal pour savoir quel est celui des deux propriétaires dont l'action

réelle sera paralysée, et aussi pour savoir quand la chose accessoire, pouvant revenirà sa forme primitive, est susceptible de revendication. Jamais, dans aucun texte, on ne trouve érigé en principe que l'accession fait acquérir la propriété.

Terminons par une observation importante. Comment se fait-il qu'un trésor enfoui dans un fonds incorporé à la terre, qu'un essaim d'abeilles incorporé à un arbre, étant l'accessoire de ce fonds, de cet arbre, n'appartiennent pas, vice accessionis, au maître du fonds ou de l'arbre? Ne seraitce pas parce que l'accession, résultat de la propriété acquise, est impuissante pour faire acquérir?

De pupillis; an aliquid a se

alienare possunt?

§ 80. Nunc admonendi sumus, neque feminam neque pupillum sine tutore auctore rem mancipi alienare posse; nec mancipi vero feminam quidem posse, pupillum non posse.

Des pupilles. - Peuvent-ils

aliéner?

§ 80. Nous devons dire maintenant que maintenant que les femmes et les pupilles ne peuvent pas aliéner leurs choses mancipi sans l'autorisation de leur tuteur; mais la femme peut, sans cette autorisation, aliéner une chose nec mancipi; le pupille ne le peut pas.

Quoique propriétaire, le pupille ne pouvait pas aliéner sa chose, qu'elle fût mancipi ou nec mancipi. La femme en tutelle n'était pas reconnue capable d'aliéner ses choses mancipi, mais elle pouvait disposer des autres. L'interdit et le dément étaient déclarés incapables d'aliéner, comme le pupille impubère (L. 6, ff. de verb. oblig.;-L. 1, pr., ff. de cur. furios.; - Cicér., Tuscul., III, 5). — Toutefois, les actes du furiosus étaient maintenus, s'ils avaient été accomplis dans un intervalle lucide (L. 6, au Code de cur. furios.).

§ 81. Ideoque, si quando mulier mutuam pecuniam alicui sine tutore auctore dederit, quia facit eam accipientis, quum scilicet ea pecunia res nec mancipi sit, contrahit obligationem.

§ 81. Si donc une femme donne de l'argent en mutuum sans y être autorisée par son tuteur, elle fait contracter une obligation; car elle transfère la propriété de cet argent à celui qui le reçoit, puisque l'argent est chose nec mancipi.

§ 82. At si pupillus idem fecerit, quia pecuniam non facit accipientis, nullam contrahit obligationem, unde pupillus vindicare quidem nummos suos potest, sicuti exstent, id est, intendere suos ex qui ritium esse; mala fide consumptos vero ab eodem repetere potest quasi possideret; unde de pupillo quidem quæritur, an nummos, quos mutuos dedit, ab eo, qui accepit potest condicere: a se non primum possit , quoniam ejus accipientis non fecit.

§ 82. Mais si un pupille a agi pareillement, il ne fait contracter aucune obligation, parce qu'il ne transfère pas à celui qui le reçoit la propriété de l'argent qu'il livre; aussi peut-il revendiquer son argent, comme s'il n'avait pas été consommé, c'est-à-dire prétendre qu'il est sien, et le répéter de celui qui l'a consommé de mauvaise foi, tout comme s'il le possédait encore. De là vient qu'à l'occasion du pupille on demande si les pièces de monnaie qu'il donne en mutuum peuvent être réclamées par la condiction à celui qui les a reçues. Il ne peut pas les réclamer en principe par cette action, parce qu'il n'en a pas transféré la propriété à celui qui les a reçues. (La fin de ce paragraphe est suppléée d'après Holweg.)

Pour cette répétition contre celui qui avait consommé de mauvaise foi, le pupille avait l'action ad exhibendum (Inst. de Justin., quib. alienam licet, § 2).

Quand celui qui avait consommé était de bonne foi, le pupille avait contre lui la condictio certi (ib.).

§ 83. At ex contrario res tam mancipi, quam nec mancipi mulieribus et pupillis sine tutore auctore solvi possunt, quoniam meliorem conditionem suam facere iis

etiam sine tutore auctore concessum est.

§ 84. Itaque, si debitor pecuniam pupillo solvat, facit quidem pecuniam pupilli, sed

§ 83. Les femmes et les pupilles peuvent, au contraire, recevoir en payement, sans y être autorisés par leur tuteur, des choses mancipi ou nec mancipi, parce qu'il leur est permis de rendre leur con'dition meilleure, même sans cette autorisation.

§ 84. Si donc un débiteur paye une somme à un pupille, il lui transfère, il est vrai, la

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