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donne pas à la chose tout le soin possible (L. 1, § 4, ff. de oblig. et act.). La loi 5, § 2, ff. commodati, déclare le commodataire tenu de son dol, de sa faute et du manque de soins ; et la loi précitée du titre des Obligations dit qu'il ne lui suffit pas d'apporter à la chose qui lui est confiée les soins qu'il donne à ses propres affaires, mais qu'il est responsable quand il l'a laissée périr, alors qu'un autre plus diligent aurait pu la conserver. Quant au dol ou à la faute lourde, il consiste à être moins vigilant à l'égard des affaires qui nous sont confiées, que nous ne le sommes relativement à notre propre chose (L. 32, ff. depositi).

On le voit donc, si notre théorie est exacte, la faute lourde, dont on est toujours responsable, s'apprécie in concreto, c'est-à-dire par rapport à celui qu'on prétend obligé ; la faute légère et la faute très-légère s'estiment relativement aux soins habituels du bon père de famille et à ceux du père de famille le plus diligent.

En faisant une application de la théorie qui précède, nous trouvons qu'en droit romain celui qui s'obligeait pour rendre un service purement gratuit, comme le dépositaire et le commodant, ne répondait que de son dol et de sa faute grave, lorsqu'elle pouvait être assimilée au dol; que celui qui s'obligeait dans un intérêt exclusif qui lui était propre répondait de son dol et de toutes ses fautes, même de la faute trèslégère: ainsi le commodataire et le déposant; que ceux qui, au contraire, s'obligeaient dans un intérêt respectif répondaient toujours de leur dol et de leur faute grave, et quelquefois de leur faute légère, jamais de leur faute très-légère. Ils n'avaient à répondre que de leur faute grave, lorsque, étant copropriétaires de la chose qu'ils administraient ou surveillaient, ils offraient une garantie qu'on ne trouve pas dans les obligés non copropriétaires. Ainsi les associés, les cohéritiers et les autres communistes s'en occupent généralement pour euxmêmes et en raison de leur intérêt. Le vendeur, le locateur, n'ayant pas cet intérêt à la conservation de la chose, devaient suppléer à cette garantie, qu'ils n'ont pas en eux-mêmes, par une responsabilité plus étendue, et répondre de leur faute légère. La loi 5, § 2, ff. commodati vel contrà, posait ainsi en principe que, dans les conventions faites pour l'utilité de l'une

des parties seulement, comme dans le dépôt fait sans stipulation de salaire, dans le commodat, celui qui ne retirait aucun avantage du contrat répondait seulement de son dol et de sa faute lourde; que l'autre partie répondait même de la faute très-légère, et que, lorsque le contrat avait été fait dans l'intérêt des deux parties, chacun des contractants devait répondre de son dol et de sa faute.

Si le gérant d'affaires était responsable de sa faute trèslégère, c'est parce qu'il était considéré comme ayant empêché un autre plus habile que lui de s'immiscer dans la gestion entreprise (L. 23, ff. de reg. juris), tellement qu'il répondait de la faute lourde seulement lorsqu'il avait géré dans un cas urgent (L. 3, § 9, ff. de negot. gestis).

Le tuteur répondait de toute faute, par suite de l'assimilation qui était faite de la tutelle au mandat ou à la gestion d'affaires (L. 23, ff. de reg. juris). —Au surplus, en fait, il n'était tenu que de son dol, quand il avait agi de bonne foi pour l'avantage du pupille (L. 7, § 2, ff. de adm. et periculo tutorum).

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D'après Justinien, on doit entendre par ACTION le droit de poursuivre devant le juge ce qui nous est dû (Instit., de act., pr., et L. 51, ff. de oblig. et act.). Cette définition, qui ne s'applique qu'aux actions personnelles, a besoin d'être complétée par l'addition de quelques mots relatifs aux actions réelles, ainsi qu'il suit : « L'action est le droit de poursuivre devant le juge ce qui nous est dû, OU NOTRE CHOSE. » - Même ainsi étendue, cette définition, exacte au temps de Justinien, ne l'est point pour l'époque où le juge n'était appelé à statuer qu'en vertu de la mission qu'il recevait du magistrat par une formule, et où, par conséquent, il ne pouvait y avoir poursuite in judicio qu'autant que ce renvoi devant le juge avait été

ordonné. L'action était donc alors le droit de s'adresser au magistrat pour qu'il délivrât une formule; et comme la mission du juge résultait de cet acte, la formule et le droit qu'elle faisait naître étaient fréquemment employés l'un pour l'autre (texte, §§ 53, 71 et 74).

Nous ferons observer également qu'une telle explication du mot action ne saurait convenir à l'époque antérieure à Cicéron, pendant laquelle le système des actions de la loi fut en vigueur, et où l'on entendait par action l'ensemble de la procédure, dans le même sens que nous disons la saisie immobilière, pour désigner la procédure sur saisie immobilière.

Sans nous arrêter davantage à ces définitions restreintes, et qui ont varié à chacune des époques où le système de la procédure romaine a été changé, nous donnerons de l'action cette acception large et générale qui convient également à tous les systèmes, soit du droit ancien, soit du droit moderne : « L'action est un moyen légal accordé aux personnes pour obtenir, conserver ou recouvrer la jouissance de leurs droits; c'est la sanction d'un droit préexistant, et que pour cette raison on peut appeler un droit sanctionnateur.»

Le droit romain présente trois systèmes d'actions privées ou de procédure civile bien distincts: celui des actions de la loi, celui des formules, et enfin celui des cognitiones extraordinariæ.

Observons que, dans les deux premiers systèmes de procédure romaine, qui diffèrent si essentiellement, on remarque un caractère commun qui ne se retrouve pas dans les institutions judiciaires modernes : nous voulons parler de la division de la procédure en deux parties distinctes. La première partie s'accomplissait devant le magistrat, qui fixait le point litigieux sur lequel le juge avait à prononcer; la seconde avait lieu devant le juge, qui examinait le point litigieux précisé par le magistrat.

Dans le troisième système, au contraire, la manière de procéder était plus simple. Le magistrat seul était chargé de dire et d'appliquer le droit, sans qu'il fût nécessaire de recourir à un juge et sans qu'on employât de formule. Du reste, il faut observer que, bien avant l'abolition des formules, cette

manière de procéder sans judex s'était établie exceptionnellement et pour certains cas. En l'année 294 de J.-C., Dioclétien fit de l'exception la règle générale (1).

(4) Nous croyons utile de donner ici un aperçu de l'organisation judiciaire.

CHAPITRE PREMIER.

ORGANISATION JUDICIAIRE SOUS LE SYSTÈME DES ACTIONS DE LA LOI.

SECTION 1. Des magistrats.

Si nous admettons, à défaut de preuves positives, que la séparation entre le magistrat, chargé de la jurisdictio, et le judex, chargé de l'application du droit, n'existait pas dès l'origine des actions de la loi, toujours est-il qu'à une certaine époque de ce premier système, elle est incontestable. En effet, deux des cinq actions de la loi consistaient dans la dation d'un juge c'étaient la judicis postulatio et la condictio. Une troisième, la plus ancienne de celles qui avaient pour but la reconnaissance des droits, l'actio sacramenti, tendait aussi à la dation d'un juge. Il est douteux si, avant la loi Pinaria, dont la date n'est pas connue, et qui s'occupait de cette dation d'un juge, il n'y avait pas lieu à en nommer un, ou si, au contraire, cette loi n'avait statué que sur le délai dans lequel on devait le nommer (texte, & 15;- Walter, Procéd. civ. chez les Romains, ch. 1, p. 3, trad. Laboulaye ; Etienne, t. II, p. 315).

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La loi des Douze Tables suppose comme préexistante cette distinction entre le jus et le judicium; d'où il résulte qu'elle était en usage dans les temps les plus reculés (Table 1, 8 1; — 1, 82; — 11, 8 2; — v11,85; — 1x, 13; XII, 3).

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A l'origine de Rome, les rois nous sont représentés comme les magistrats chargés de la jurisdictio. Après eux, les consuls, élus parmi les patriciens, l'obtinrent jusqu'en 387 de Rome, époque à laquelle la préture fut instituée. Cette magistrature nouvelle fut d'abord réservée (jusqu'au commencement du cinquième siècle) aux patriciens, qui eurent le soin de confier à ceux qui 'en étaient investis la jurisdictio enlevée aux consuls dès l'instant que les plébéiens eurent obtenu que l'un d'eux serait choisi dans leur sein. A côté des préteurs, et dès la même époque, les deux édiles curules furent investis d'une juridiction spéciale en matière de ventes d'esclaves et d'animaux, et généralement en matière de règlements de police. Dès les premières années du sixième siècle, un préteur pérégrin fut établi à côté du préteur qui existait déjà; il fut chargé de la juridiction relativement aux contestations entre étrangers, et entre citoyens et étrangers. Le préteur chargé de statuer entre citoyens romains prit dès ce moment le nom de préteur urbain (Denys d'Halycarnasse, II, 14; x, 1; — Cic., Traité de la rép., v, 2; - L. 2, 27, 28, 32, 26 et 34, ff. de origine juris). A côté de ces magistratures qui existaient à Rome, les colonies, les municipes, les villes, les préfectures en avaient qui leur étaient particulières. Ainsi les magistrats supérieurs des colonies et des municipes, duumvirs et quatuorvirs, avaient la juridiction. Les préfets envoyés de Rome exerçaient cette même juridiction dans les villes préfectures. La Sicile, la Sardaigne, l'Espagne et la Narbonnaise ayant été réduites en provinces, on établit, en 526 et 556, quatre nouveaux préteurs pour les gouverner. Sous Sylla, il y avait dix préteurs, sous Jules César douze, et au temps de Pomponius dixhuit (L. 2, 32, ff. de origine juris; — Tite-Live, xxIII, 30; - Cic., In Rull., II, 34; Bonjean, & 48; Walter, ibid.; Zimmern, Traité des actions en droit romain, trad. Etienne, & 2 et suiv.).

Tous ces divers magistrats avaient, chacun dans la mesure de ses attributions et dans les limites de son territoire, la jurisdictio, c'est-à-dire la diction ou déclaration du droit, soit comme pouvoir législatif, soit comme pouvoir judiciaire. Ils exerçaient leur juridiction législative au moyen des

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