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Les actions quod jussu, exercitoire, institoire, tributoire, de peculio, étaient données, contre le père ou le maître d'un fils de famille ou d'un esclave, pour les affaires qu'un tiers avait faites avec ce fils ou cet esclave. On remarque avec raison qu'elles étaient plutôt des attributions des diverses actions qu'on aurait données contre le père ou le maître, si l'affaire avait eu lieu directement entre lui et le tiers, qu'elles n'étaient des actions spéciales. Ainsi, dans le cas où le fils ou l'esclave avait fait un achat, une vente, un louage,c'étaient les actions empti, venditi, conducti, locati, qui étaient données contre le père ou le maître, avec une modification de formule que nous ne connaissons pas. On appelle ces actions indirectes, par opposition à celles qu'on aurait données si l'affaire eût été conclue avec le maître, et qu'on appelait directes.

§ 70. Imprimis itaque si jussu patris dominive negotium gestum erit, in solidum prætor actionem in patrem dominumve comparavit et recte, quia qui ita negotium gerit, magis patris dominive, quam filii servive fidem sequitur.

§ 70. Premièrement, si l'affaire s'est faite par l'ordre du père ou du maître, le préteur donne action pour le tout contre ce maître ou cet ascendant; et cela est juste, parce que celui qui a contracté, dans ce cas, avec le fils ou l'esclave, a plutôt suivi la foi du maître ou de l'ascendant que celle du fils ou de l'esclave.

Si l'affaire avait été faite par l'ordre du père ou du maître, le préteur donnait action pour le tout contre le père ou le maître. C'était le cas de l'action quod jussu.

§ 71. Eadem ratione comparavit duas alias actiones, exercitoriam et institoriam. Tunc autem exercitoria locum habet, quum pater dominusve filium servumve magistrum navi præposuerit, et quid cum eo ejus rei gratia cui præpositus fuit, negotium gestum erit; quum enim ea quoque res ex voluntate patris

$71. Par la même raison, le préteur a établi les deux actions exercitoire et institoire. La première se donne contre le père ou le maître qui a préposé son fils ou son esclave à la direction de son navire, et lorsqu'on a contracté avec le préposé dans le cercle de ses attributions; et comme l'engagement paraît

dominive contrahi videatur, æquissimum prætori visum est in solidum actionem dari. Quinetiam, licet extraneum quisquam magistrum navi præposuerit,sive servum, sive liberum, tamen ea prætoria actio in eum redditur. Ideo autem exercitoria actio appellatur, quia exercitor vocatur is ad quem quotidianus navis quæstus pervenit. Institoria vero formula tum locum habet, quum quis tabernæ aut cuilibet negotiationi filium servumve, vel etiam quemlibet extraneum sive servum, sive liberum, præposuerit, et quid cum eo ejus rei gratia cui præpositus est, contractum fuit. Ideo autem institoria appellatur, quia qui tabernæ præponitur, institor appellatur: quæ et ipsa formula in solidum est.

avoir eu lieu d'après la volonté du père ou du maître, le préteur a jugé très-équitable de donner l'action pour le tout. Bien plus, quoiqu'on ait préposé quelqu'un qui est étranger au préposant, que ce soit l'esclave d'autrui ou un homme libre, cette action prétorienne se donne néanmoins contre le préposant. On la nomme exercitoire parce qu'on appelle exercitor celui qui est chargé de la direction quotidienne d'un navire. On donne l'action institoire contre celui qui a préposé à la tête de son cabaret ou de tout autre établissement, son fils ou son esclave, et même quelqu'un qui lui est étranger, qu'il soit esclave ou homme libre, et lorsqu'on a contracté avec ce préposé dans les limites de ses fonctions. Cette action est appelée institoire, parce qu'on nomme institor le préposé d'une taverne elle est également donnée pour le tout.

Les actions exercitoire et institoire se donnaient, la première contre le père ou le maître qui avait préposé son fils ou son esclave à la direction de son navire, et lorsqu'on avait contracté avec ce préposé dans le cercle de ses attributions; la seconde, contre celui qui avait préposé son fils ou son esclave à la tête de son cabaret ou de tout autre établissement, et lorsqu'on avait contracté avec le fils ou l'esclave dans les limites de ses attributions. Leur dénomination se tirait de ce qu'on appelait exercitor le préposé à la tête d'un navire, et institor le préposé d'une taverne. Elles se donnaient pour le tout contre le maître ou le père, parce que l'engagement paraissait avoir été contracté d'après leur volonté.

Elles se donnaient même dans le cas où le préposé était étranger au préposant, qu'il fût esclave ou homme libre. - II est bon de remarquer que, dans le cas de ces deux actions et de l'action quod jussu, on ne considérait pas le fils ou l'esclave, ou le tiers étranger préposé, comme un mandataire, mais plutôt comme l'expression même de la volonté de son père; car si on l'avait considéré comme mandataire, nous savons que le préposant n'aurait pas été tenu vis-à-vis des tiers contractants, puisque, dans les principes du droit romain, le mandataire n'obligeait pas son mandant vis-à-vis des tiers. Mais, comme si, dans ces cas, on avait appliqué vis-à-vis du fils ou de l'esclave les principes du mandat, il serait arrivé que, le mandant ne pouvant être poursuivi que de in rem verso ou de peculio, les tiers auraient été facilement lésés, le droit prétorien corrigea cette iniquité au moyen des trois actions que nous venons d'examiner. Quant à l'extension de cette règle d'équité à tout préposé autre que le fils ou l'esclave, elle s'explique par cette considération que le tiers qui traitait avec ce préposé avait en vue le préposant, et devait même croire le plus souvent contracter directement avec lui, qu'il ne connaissait pas.

§ 72. Præterea tributoria quoque actio in patrem dominumve pro filiis filiabusve, aut servis ancillabusve constituta est, quum filius servusve in peculiari merce sciente patre dominove negotiatur. Nam si quid cum eo ejus rei causa contractum erit, ita prætor jus dicit, ut quidquid in his mercibus erit, quodque inde receptum erit, id inter patrem dominumve, si quid ei debebitur, et cæteros creditores pro rata portione distribuatur: et quia ipsi patri dominove distributionem permittit, si quis ex creditoribus queratur, quasi minus ei tributum sit quam

§ 72. En outre, on a établi l'action tributoire contre le père, pour le fait de ses fils ou filles, et contre le maître, pour le fait de ses esclaves mâles ou femelles, lorsque le fils ou l'esclave fait le commerce sur son pécule, à la connaissance de son père ou de son maître. Car si l'on a contracté, à l'occasion de ce commerce, avec le fils ou l'esclave, le préteur veut que tout ce qu'il y a de marchandises, et le bénéfice qui en sera provenu, soient partagés, proportionnellement aux créances, entre le maître ou le père, s'il leur est dû quelque chose, et les autres

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oportuerit, hanc ei actionem accommodat, quæ tributoria appellatur.

créanciers. Comme le préteur permet au père ou au maître de faire la distribution du pécule, si l'un des créanciers se plaint qu'on lui a donné moins qu'il ne devait lui revenir, on lui accorde l'action tributoire.

L'action tributoire se donnait à celui qui, au sujet de la distribution que le père ou le maître avait à faire du pécule aux créanciers de son fils ou de son esclave ayant commercé sur son pécule avec son autorisation, se plaignait de la répartition, qu'il ne trouvait pas équitable. Le partage devait être fait au marc le franc, sans préférence pour les créances du père ou du maître, qui n'avait que le droit de concourir (Inst., quod cum eo contract., §3).

$73. Præterea introducta est actio de peculio, deque eo quod in rem patris dominive versum erit, ut, quamvis sine voluntate patris dominive negotium gestum erit, tamen sive quid in rem ejus versum fuerit, id totum præstare debeat; sive quid non sit in rem ejus versum, id eatenus præstare debeat, quatenus peculium patitur. In rem autem patris dominive versum intelligitur, quidquid necessario in rem ejus impenderit filius servusve: veluti si mutuatus pecuniam creditoribus ejus solverit, aut ædificia ruentia fulserit, aut familiæ frumentum emerit, vel etiam fundum aut quamlibet aliam rem necessariam mercatus erit. Itaque si ex decem ut pula sestertiis,quæ servus tuus a Titio mutua accepit,creditori tuo quinque sestertia solverit, reliqua vero quinque quolibet

§ 73. On a de plus introduit l'action de pécule et de ce qui a tourné au profit du maître ou du père, pour que, dans le cas où l'affaire aurait eu lieu sans la volonté du père ou du maître, ce père ou ce maître soit tenu jusqu'à concurrence de ce qui lui a profité, et pour que, s'il n'a profité de rien, il soit responsable jusqu'à concurrence du pécule. On regarde comme avant tourné à l'avantage du père ou du maître tout ce que le fils ou l'esclave a dépensé utilement pour la chose de son père ou de son maître : comme si, ayant reçu de l'argent en mutuxm, il l'a donné aux créanciers de son père ou de son maître; s'il a réparé réparé ses édifices qui croulaient, s'il a acheté du blé pour la famille de son père ou de son maître, ou s'il a acquis un fonds ou toute autre

modo consumpserit, pro quinque quidem in solidum damnari debes; pro cæteris vero quinque eatenus, quatenus in peculio sit. Ex quo scilicet apparet, si tota decem sestertia in rem tuam versa fuerint, tota decem sestertia Titium consequi posse; licet enim una est actio qua de peculio, deque eo quod in rem patris dominive versum sit, agitur,tamen duas habet condemnationes. Itaque judex, apud quem de ea actione agitur, ante dispicere solet an in rem patris dominive versum sit: nec aliter ad peculii æstimationem transit, quam si aut nihil in rem patris dominive versum esse intelligatur, aut non tolum. Quum autem quæritur, quantum in peculio sit, ante deducitur quod patri dominove, quique in potestate ejus est, a filio servove debetur: et quod superest, hoc solum peculium esse intelligitur. Aliquando tamen id quod ei debet filius servusve, qui in potestate patris dominive est, non deducitur ex peculio velut si is cui debet, in hujus ipsius peculio sit.

chose qui était nécessaire à son père ou à son maître. Si done ton esclave, sur dix sesterces qu'il a reçus de Titius en mutuum, en a donné en payement cinq à ton créancier et a dépensé le reste, n'importe de quelle manière, tu seras condamné à payer cinq sesterces; pour les cinq autres sesterces qui ne t'ont pas profité, tu ne seras tenu que jusqu'à concurrence du pécule. Tu vois par là que si tu avais profité des dix sesterces, Titius pourrait te poursuivre pour les dix sesterces; car, bien qu'il n'y ait qu'une action pour poursuivre le pécule et ce qui a tourné au profit du maître ou du père, cette action a deux condamnations. Aussi le juge devant lequel elle est portée a coutume d'examiner préalablement s'il y a eu profit pour la chose du maitre ou du père, et il ne passe à l'estimation du pécule que si rien n'a tourné au profit du maître ou du père, ou s'il n'a pas profité de tout. Lorsqu'on examine quelle est la valeur du pécule, on déduit préalablement ce qui est dû au père ou au maitre par le fils ou l'esclave, et aussi ce qui est dû à ceux que le père ou le maître a sous sa puissance. Le pécule se compose uniquement du surplus. Quelquefois cependant on ne déduit pas du pécule ce que le fils ou l'esclave doit à celui qui est soumis à la puissance du père ou du maître,

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