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devoir fournir des explications pour motiver sa résolution de ne pas plaider, et qu'il persistait dans sa première détermination.

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Le tribunal réuni en conseil de discipline a rendu, le 22 mai dernier, une décision conçue en ces termes : « Attendu qu'en principe général, la profession d'avocat est libre, et qu'il est permis à celui qui l'exerce de refuser ou d'accepter, en matière civile, les causes qui lui sont présentées. Attendu que dans l'espèce, M° T...S... a pu refuser de se charger de la cause des héritiers Cothon, Pêtres et autres, même après avoir conseillé l'affaire qui fait aujourd'hui l'objet du procès contre M° L..., et après avoir été commis par le bâtonnier de son ordre; qu'on ne peut lui demander compte des motifs de son refus, ni même exiger de lui qu'il fournisse des explications sur les motifs de ce refus, parceque ce serait gêner la liberté et l'indépendance inhérentes à la profession d'avocat; Est d'avis que M T...S... s'est renfermé, dans ces circonstances, dans l'exercice des droits qui sont attachés à sa profession, et qu'il n'y a lieu à lui appliquer aucune des peines portées par l'ordonnance du 20 novembre 1822.

Me T... S...espérait que cette décision serait souveraine ; il se trompait: le ministère public, au nom de M. le procureurgénéral absent, lui fit notifier un appel et une citation devant la cour royale de Riom, pour répondre, est-il dit, aux interpellations qui lui seront faites sur sa conduite, et se voir appliquer des peines de discipline pour s'être écarté des sentimens d'honneur, de franchise et de loyauté, etc. Les termes de cette citation avaient affligé justement M T...S...; mais plein de confiance dans les lumières et la sagesse de la cour, il s'est présenté devant elle à l'audience de relevée, après avoir fait distribuer à MM. les conseillers une consultation signée par les avocats les plus marquans de Paris.

La cour, après avoir ouï M. Voysin de Gartempe, avocatgénéral, dont les conclusions tendaient à l'application de l'art. 41 de l'ordonnance de 1822 (art. relatif seulement aux

matières criminelles ), ouï M. T...S... et consultis classibus, s'est déterminée par les motifs énoncés au jugement dont il est appel (Arrêt du 11 juillet 1828).

OBSERVATIONS.

Nous avons textuellement extrait cet article du Courrier des Tribunaux, N° 454, et nous regrettons que le correspondant de cet estimable journal ne lui ait pas fait connaître le nom de l'avocat dont la conduite honorable méritait à si juste titre l'approbation plutôt que la censure du ministère public. Que l'exemple de l'avocat T...S... soit suivi par tous les membres du barreau, et le palais sera bientôt dégagé de cette foule de procès produits par l'entêtement, et qu'il ne doit pas être permis de soutenir devant les tribunaux. Si le législateur a cru devoir, dans l'intérêt de l'ordre public, imposer à la liberté de l'avocat une entrave en matière criminelle, c'est qu'il a considéré l'honneur et la vie d'un citoyen, comme les choses les plus précieuses, et qu'il a voulu qu'on les défendît contre les apparences souvent trompeuses et contre la prévention; en matière criminelle, la société outragée a pour organe le ministère public; la loi lui a nommé un contradicteur, qui doit être écouté avec une aussi religieuse attention. L'avocat nommé d'office est l'homme de la loi, comme le ministère public; il y a plus, son langage peut souvent paraître étonnant; il ne le tiendrait pas, s'il était libre d'agir autrement, mais la loi l'a mis à la place de l'accusé, et c'est l'accusé qu'on entend et non l'avocat.

En matière civile, au contraire, l'avocat n'a d'autre juge que sa conscience, il arrête les procès ou leur donne le jour; si après les avoir conseillés, de nouvelles lumières viennent l'éclairer, il refuse son ministère et il ne doit compte de sa conduite à personne; ce serait ayilir une aussi noble profession, et tacher la robe des Cochin, des Malesherbes, ct des Tripier, que de forcer l'avocat à prêter sa voix aux misérables chicanes d'un plaideur de mauvaise foi; nous devons le dire, ce système nous paraîtrait subversif de la morale publique.

QUESTION PROPOSÉE.

DÉFAUT JOINT. SAISIE-ARRÊT.

-

- TIERS SAISI.

L'art. 153 C. P. C. reçoit-il application au cas d'une saisie-arrêt, lorsque le tiers-saisi comparaît, et que le saisi fait défaut, ou vice versâ ?

Un de nos abonnés nous avait proposé cette question, et nous avions adopté l'affirmative en nous fondant sur ce que l'art. 153 contient une règle générale, et que ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus; nous nous étions en outre appuyés de plusieurs arrêts qui ont décidé que le défaut joint était nécessaire en matières de saisie-brandon,de saisie immobilière et d'ordre (J. A., tom. 28, pag. 31, et tom. 29, pag. 10'1 et 205), et d'un arrêt de la cour suprême qui dans ses motifs donne le plus d'extension possible à l'art. 153 en disant que le législateur à introduit cette règle pour éviter les abus, le danger des fréquentes contrariétés de jugemens, les lenteurs, les frais multipliés, etc. (J. A., tom. 23 pag. 6 et 8.)

La question ne nous avait pas paru assez importante pour mériter l'insertion dans le journal, mais notre abonné a insisté, et ses raisonnemens, s'ils ne nous ont pas convaincus, nous ont du moins prouvé que nous devions signaler la difficulté ; c'est notre devoir.

Voici le raisonnement de notre abonné: « Le Code s'est at› taché dans l'art. 153 à éviter la contrariété de jugemens, et n'a pas voulu qu'une question résolue d'une manière, › quant à l'un, put être résolue différemment, quant à › l'autre, dans la même instance; aussi trouvé-je beaucoup › de rapport entre l'article précité et l'art. 151 qui le pré⚫ cède. Il ne s'agit que du cas où plusieurs parties sont appelées pour le même objet.

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Selon moi, la demande en validité de saisie est étrangère Dau tiers-saisi; il ne s'agit, quant à ce dernier, que d'une sim.

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ple question de fait que devez-vous ? lui dit le saisissant. » La question de droit ne peut être débattue qu'avec le saisi. » Je vais même plus loin..., le tiers-saisi n'a pas le droit » d'élever la voix pour soutenir la validité de la saisie, il doit » rester complètement étranger à la discussion, il n'est pas • partie dans l'instance en validité de saisie; on n'attend › de lui qu'une réponse, je dois ou je ne dois pas, et je ⚫ paierai à qui par justice sera ordonné; tout le reste ne le ⚫ regarde pas, parce qu'il n'est qu'appelé en déclaration.

La partie saisie et le tiers-saisi n'étant pas appelés pour » le même objet, il s'ensuit tout naturellement qu'il n'y a plus nécessité d'appliquer l'art. 153 C. P. C. »

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Nous croyons pouvoir répondre que le saisi et le tiers-saisi sont bien appelés dans la même instance et pour le même objet. En effet, l'instance en saisie-arrêt une et indivisible se compose de la saisie elle-même, de la dénonciation avec assignation, de la déclaration du tiers-saisi et des contestations qui peuvent naître sur ces diverses procédures, mais on ne peut pas dire qu'il y ait instance particulière pour chacune d'elles. Il y a bien même objet, non pas que les deux parties aient un intérêt entièrement semblable, mais l'objet du demandeur, qui est le paiement de sa créance, est le même contre les deux; à l'un il dit : que devez-vous? donnez-le-moi; à l'autre vous me devez, consentez à ce que votre débiteur verse entre mes mains. Scinder ces deux instances, c'est, selon nous, contrarier les règles d'une bonne procédure: le saisi peut être intéressé à être présent aux débats entre le tiers-saisi et son créancier, par exemple, à ce que le tribunal ne juge pas qu'il ne lui est rien dû; ce serait un préjugé qui pourait lui être nuisible; il peut arguer de nullité la procédure contre le tiers-saisi, il y a le plus grand intérêt. D'un autre côté, le tiers-saisi doit surveiller la conduite du créancier parce qu'il ne peut se libérer valablement entre ses mains que sur une poursuite régulière; et s'il a payé malgré la saisie-arrêt, n'aura-t-il pas, lui aussi, intérêt à la faire annuler?

Son rôle ne sera donc plus si passif. Les trois personnes désignées par la loi nous paraissent devoir comparaître ensemble, pour un même but qui est le versement d'une somme due par un tiers au saisi entre les mains du saisissant.

Des art. 563, 564 et 565 il résulte bien, selon nous, que l'instance doit être liée entre le saisissant, le saisi et le tiers-saisi. Notre abonné nous a fait un dernier argument, que voici :

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Lorsque le saisissant a un titre authentique, les deux >> instances marchent de front, et un seul jugement statue » sur les deux objets; à défaut de ce titre authentique, l'ins»tance contre le tiers-saisi ne peut être intentée qu'après le ⚫ jugement de celle contre le saisi. Donc elles ne sont pas né» cessairement jointes l'une à l'autre. »>

Cet argument est spécieux, mais il ne suffit pas pour détruire l'opinion qui nous paraît la plus conforme au texte et à l'esprit de la loi; et ne peut-on pas dire avec avantage, que dans ce cas, il y a deux instances, au lieu d'une, auxquelles sont appelés le saisi et le tiers-saisi la première, pour faire déclarer la créance légitime et voir le créancier obtenir jugement; la seconde, pour obtenir la déclaration du tiers-saisi, et faire ordonner le versement de ce qu'il doit entre les mains du saisissant?

L'un des rédacteurs du Code, le savant M. Pigeau a professé dans son traité de la Procédure civile, livre 2, part. 5, tit. 4, chap. 1",sect. 2, S 1", n° 10, tom. 2, pag. 64, les principes que nous venons de développer. En finissant, nous croyons devoir rendre cette justice à notre abonné, qu'un sentiment très honorable l'a induit en erreur; il ne peut pas concevoir que le législateur ait prescrit des frais énormes pour un objet souvent très minime; mais notre Code offre bien d'autres imperfections dont le temps seul et l'expérience peuvent le dégager comme d'un alliage indigne d'une loi à laquelle nous nous plaisons de rendre hommage sous beaucoup de rapports.

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