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qui proposez de la réformer, au lieu d'aggraver les sévérités de l'ordre politique, au lieu de museler une opposition qui a le droit de se faire entendre, au lieu d'armer la République, vous auriez meilleure grâce auprès des hommes d'ordre, vous rempliriez mieux vos devoirs de législateur, vous rendriez plus grand service à la liberté, en sauvegardant la société, la morale et la religion!

La loi de 1881 avait dans son ensemble assez de bon et beaucoup de mauvais. La proposition qui est soumise à la Chambre des députés supprime le bon et aggrave le mauvais. C'est le progrès... républicain.

MAURICE VANLAER.

LA VRAIE JEANNE D'ARC1)

I

Voici un maître-livre. Le récent ouvrage du Père Ayroles, paru depuis les premiers jours de mai, est grand pour l'Eglise, la France et l'histoire, sur laquelle il jette un jour éclatant pendant des temps restés assez obscurs; il est grand pour notre libératrice, qu'il fait connaitre merveilleusement, surtout par ce qu'en ont pensé, dit et écrit les hommes les plus remarquables, les savants les plus recommandables de son époque.

Le Père Ayroles nous avait, il y a quatre ans, exposé sa pensée dans son premier ouvrage intitulé Jeanne d'Arc sur les autels et la régénération de la France. Dieu nous montre dans la plus illustre des filles de France un signe national et vivant, et la conscience des peuples demande à l'Eglise

(1) La vraie Jeanne d'Arc. La Pucelle devant l'Eglise de sou temps, documents nouveaux, par le R. P. J. B. J. Ayroles, de Ja Compagnie de Jésus, un beau vol. in-4o, 800 pages, chez Gaume, editeur, 3, rue de l'Abbaye, Paris.

de la proclamer sainte. Le savant religieux, qui n'a cessé d'étudier la céleste Envoyée de 1429, a vu que, malgré sa popularité et l'affection dont notre siècle l'entoure de plus en plus, elle reste mal connue et qu'elle le sera tant que les sources de son histoire miraculeuse ne seront pas vulgarisées. Il y a trop de gens voulant tromper la France et le monde sur la Pucelle; il y a trop de savants librespenseurs, gallicans, faux-Français, qui cherchent à dénzturer, à cacher, à obscurcir cette merveilleuse épopée du xve siècle, dont nul autre peuple que nous n'a vu la pareille. Le surnaturel offusque et blesse tant d'hommes ! Il ne faut pas s'étonner qu'on veuille le supprimer là où il est le plus éclatant. Depuis des siècles les hérésiarques ont épuisé leurs forces pour chercher à démontrer que Jésus-Christ était un simple philosophe. Ne soyons pas surpris que des escouades d'historiens aient entassé des volumes pour essayer de prouver que Jeanne d'Arc n'a jamais eu de mission divine.

Le Père Ayroles a donc commencé une œuvre considérable publier les sources de l'histoire de Jeanne, de façon que le public, aussi bien que quelques savants privilégiés, puisse voir et juger la vraie Jeanne d'Arc.

Le magnifique volume, édité aujourd'hui par M. Gaume, ne sera, dans le plan de l'auteur et dans notre plus ferme espoir, que le premier d'une série de trois ou quatre: Il forme toutefois à lui seul, un ouvrage complet et indépendant. Son titre, comme son vrai sujet, est: la Pucelle devant l'Eglise de de son temps.

On a exploité, contre Jeanne et contre l'Eglise, la poursuite et la condamnation de la Pucelle par un Evêque et un tribunal de prêtres. « C'était l'Eglise », s'écrient la librepensée et la fausse histoire. C'est ce qu'il faut savoir avant de le dire.

Nous disons, nous, qu'avant le livre du Père Ayroles, si les personnes instruites savaient fort bien à quoi s'en tenir sur ce point, le public pouvait l'ignorer absolument. Quels sont les hommes qui ont vendu, acheté, condamné et brûlé la Libératrice de la France? Qu'étaient-ils? Etaient-ils l'Eglise? Qu'ont-ils fait et que faut-il penser d'eux ? Qu'estce que l'Eglise du xve siècle, qu'est-ce que ses représentants

les plus illustres et les seuls autorisés ont pensé et écrit de Jeanne?

Le Père Ayroles, le premier, nous expose ces divers points, et ce, non pas par des hypothèses, des probabilités. Il nous donne la traduction complète ou résumée de tout ce qui a été écrit au xve siècle par ces hommes illustres et revêtus d'autorité.

Le jeune prêtre, qui devait être le grand Cardinal de Poitiers, écrivait de Jeanne en 1844 : « Chose admirable et providentielle l'évènement le plus extraordinaire, le plus surnaturel qui figure dans les annales humaines, est en même temps le plus authentique et le plus incontestable. Ce n'est pas seulement la certitude historique, c'est la certitude juridique qui garantit jusqu'aux moindres détails de cette vie merveilleuse. » Ce sont plus de 120 témoins qui déposent en justice de ce qu'ils ont vu et entendu! Ce sont des greffiers qui écrivent tous les détails de deux longs procès! Ce sont des théologiens, des savants qui, consultés officiellement par le Pape et le Roi, exposent les faits dans des mémoires scientifiques et donnent les conclusions qu'il en faut tirer.

Il n'y a nul fait, au monde, aussi clair, aussi certain, aussi indubitablement établi que la vie entière de Jeanne, parce que nul fait n'a pour preuves des documents de cette espèce, aussi nombreux, aussi complets, aussi concordants, aussi autorisés.

Ce sont ces documents que le Père Ayroles vulgarise et fait connaître au public, qui, depuis cinq siècles, n'a pu encore les juger.

On ne peut comprendre un fait pareil. L'histoire de Jeanne est, à coup sûr, ce qu'il y a de plus extraordinaire, de plus merveilleux dans nos annales françaises. C'est en même temps le fait qui nous intéresse le plus et celui qui est le mieux établi par des documents certains. Or, l'histoire qui a publié des monceaux d'études sur des points accessoires, n'a pas encore, depuis 1456, publié en langue vulgaire ces sources uniques. Quicherat, le premier, en 1840, a publié une partie des textes latins. Mais quelle utilité ces volumes ont-ils pour le public? Ils ne contiennent qu'une partie des

documents et en une langue inaccessible à la masse des lecteurs.

Le Père Ayroles a la pensée de publier tout cela, en français, pour le grand public, pour tous les lecteurs. Il ne veut pas s'attacher à la lettre, à la traduction stricte, qui a peu d'intérêt. Il veut donner le sens rigoureux, la substance, l'essence de tout. Les documents sont fort longs et se répètent souvent. Il n'en donne que le principal, ce qui a réellement de l'intérêt; il est facile, avec les renvois, de recourir au texte si l'on veut approfondir quelque détail particulier.

Un exemple fera juger de l'utilité des documents que l'histoire vulgaire a laissés jusqu'à ce jour dans l'oubli. La question des révélations faites à la jeune fille est capitale et renferme toutes les autres. Quel historien l'a traitée? Or, cette question est étudiée à fond dans les mémoires de théologiens que Quicherat a cru devoir négliger comme inutiles à l'histoire! Elle ne l'est que dans ces documents.

II

L'œuvre du Père Ayroles est vaste. Il faut d'abord donner une idée de l'ensemble. Nous ne parlons que du volume publié.

Dès l'apparition de la Pucelle, en 1429, la chrétienté tout entière a observé avec admiration cette radieuse Envoyée qui, au nom du Roi des cieux, accomplissait en quelques mois de pareils miracles. Durant toute la période glorieuse, on écrivit sur la Pucelle en France, en Italie, en Allemagne. La traduction ou le résumé de ces divers écrits et l'histoire de leurs auteurs forment le Livre I.

Le livre II est consacré aux pseudo-théologiens bourreaux de Jeanne. L'Université de Paris, qui se donne toute aux ennemis de la France et du Pape, qui fut l'instrument le plus puissant des Anglais et du schisme, a joué là le rôle principal. Ce livre II est, à lui seul, un traité historique des plus remarquables, des plus saisissants et des plus nouveaux. Nous connaissons peu de livre d'histoire aussi plein de faits et d'enseignements. Les plus instruits y apprendront bien

des choses qu'ils ne soupçonnent pas sur l'histoire de la célèbre Université.

Le livre III expose les premiers travaux de la réhabilitation et en fait connaître les premiers ouvriers.

Le livre IV contient les mémoires d'évêques et de théologiens que M. Quicherat avait négligés comme inutiles.

Le livre V est consacré à la récapitulation ou mémoire que fit Jean Bréhal, lequel, en qualité d'inquisiteur, eut la part principale à la procédure de réhabilitation.

Le livre VI et dernier expose l'histoire du procès de réhabilitation, les travaux des délégués de Calixte III, le juge. ment, et enfin il contient un résumé de la situation de Jeanne d'Arc devant l'Eglise, depuis la sentence de réhabilitation, notamment à notre époque.

IIi

Telles sont les grandes divisions de l'ouvrage. Disons un mot de chaque partie.

LIVRE Ier. Le premier chapitre traite des docteurs et de la sentence de Poitiers. Il montre la situation désespérée de Charles VII en 1429, les informations faites par les théologiens de Poitiers; il fait connaître ces docteurs.

Les chapitres I et III sont consacrés aux traités de Gerson et de l'archevêque Jacques Gelu sur la Pucelle, au rôle de ces deux hommes, à leur caractère. Ce sont des pages historiques d'une haute valeur.

Vient ensuite, dans le chapitre Iv, l'écrit découvert en 1885, le « Breviarium historiale, » œuvre d'un clerc français vivant à Rome sous Martin V. Cet écrit est de 1429 et des plus précieux.

Henri de Gorkum théologien allemand, et son écrit de de 1429 sur la Pucelle, remplissent le chapitre v.

Le chapitre vi donne deux écrits de 1429, d'un clerc de Spire, dont le nom est resté ignoré.

Le chapitre VII expose l'opinion du clergé français resté fidèle au roi, en ce qui concerne la Pucelle. Cette opinion est énergiquement exprimée dans des prières qu'on récitait

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