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et la liste de souscripteurs ont été placées au commencement du volume, avant l'introduction.

Tel est ce grand travail. Le plan du P. Ayroles est de rendre au public français LA VRAIE JEANNE D'ARC, défigurée ou cachée jusqu'à nos temps par la libre-pensée, cette fille des faux docteurs de l'Université de Paris de 1431. Il nous montre aujourd'hui la Pucelle devant l'Eglise de son temps; ce volume, bien que formant un ouvrage complet, n'est que le premier d'une série. Le prochain volume, que nous aurons peut-être à la fin de 1891, sera l'histoire vraie de la PAYSANNE ET L'INSPIRÉE. Les 17 premières années de Jeanne, toute son existence à Domremy et à Vaucouleurs, les apparitions, les origines de sa mission, tout cela nous sera rendu d'après les témoignages entendus au xve siècle.

L'éminent religieux a posé la première pierre de l'édifice qu'il a consacré à la libératrice. Cette pierre, assise sur la vérité, sur des documents sans pareils, est indestructible. Nous avons lu ce volume si considérable avec un intérêt et un charme qui ne font que croître à mesure que la vérité est déployée, et que la céleste figure de l'envoyée de Dieu apparaît plus vivante et plus radieuse. On assiste aujourd'hui comme à une renaissance, à une résurrection ou plutôt à une nouvelle apparition de Jeanne. Nul, autant que le P. Ayroles, n'a contribué à écarter d'elle les voiles qui la cachaient à la France. Les uns l'appellent une étoile découverte; d'autres penseront que Dieu nous laisse voir une sainte dont une mission nouvelle correspond aux maTheurs actuels de notre nation.

Mer l'Evêque du Puy a exprimé avec une grande justesse, dans une lettre, la pensée et les impressions qu'inspirent les écrits du R. P. Ayroles sur Jeanne d'Arc. « On a beaucoup parlé, dit Sa Grandeur, de la philosophie de l'histoire, et plusieurs se sont appliqués à en déterminer les lois, à en chercher la démonstration dans les faits concrets qui sont de son domaine. Le P. Ayroles a mieux fait, et en cela il a le mérite de la nouveauté, il a écrit la théologie de l'histoire. La grande idée que Bossuet avait appliquée à l'histoire universelle, le savant religieux l'a apportée dans ce grand épi

sode de notre vie historique où l'intervention de la Pucelle sauva notre patrie. » Cette appréciation, qui s'appliquait au livre prédédent du R. P. Ayroles, est également exacte pour l'ouvrage actuel, qui, par la production de si nombreux et si importants documents inconnus du public, démontre la parfaite concordance de « la théologie de l'histoire » exposée par l'auteur avec les faits d'une existence ausssi merveilleuse que juridiquement établie.

Un des grands caractères de ce livre est d'être substantiel, d'apprendre beaucoup, de révéler un nombre considérable de pièces, de faits, d'évènements, de situations. Quelque étendu qu'il soit, il n'a pas une ligne inutile I fait au contraire désirer des renseignements nouveaux; il fait penser, il ouvre des horizons.

Nous devons ajouter que l'éditeur a voulu que la forme de l'ouvrage répondit au fond. M. Gaume a fait un magnifique volume dont l'exécution typographique est des plus réussies. Ce livre est donc remarquable à tous les points de

vue.

Nous voudrions, autrement que par une simple analyse et par l'expression de notre pensée, faire connaître ce grand ouvrage. Nous voudrions reproduire quelques pages, quelques phrases au moins de l'auteur. Mais nous n'avons pu choisir dans tant de pages que nous voudrions donner, et nous avons du renoncer à ces citations où nous n'aurions pu nous limiter.

Nous ne doutons pas que toute la France catholique veuille lire cette œuvre qui explique et suit si bien le grand mouvement produit autour du nom de notre chère libératrice. Pourquoi ce nom, presque indifférent il y a encore quelques années, soulève-t-il à cette heure tant d'enthousiasme? Demandez à la libre-pensée, qui, elle aussi, est si émue à ce nom, demandez-iui la raison de ce fait étrange! Elle ne saurait vous répondre.

Mais cette réponse, le P. Ayroles vous la donnera, et si vous êtes déjà ému et enthousiasmé du nom de la Pucelle, vous le serez bien plus encore lorsque vous aurez vu et compris les raisons de cette impression. Vous vous rendrez compte alors de cette aurore qui apparaît à l'horizon, à une

heure des plus obscures de notre histoire, dans une crise qui laisse les plus fermes esprits dans une douloureuse incertitude sur l'avenir de la France.

MÉLANGES

J-M.-A

L'HISTOIRE DE LA CHARITE

LA CHARITÉ AVANT ET DEPUIS 1789 DANS LES CAMPAGNES DE FRANCE avec quelques exemples tirés de l'Etranger par M. P. HUBERT- VALLEROUX, ouvrage couronné par l'Académie des sciences morales et politiques, in-8°, Paris, Guillaumin, éditeur, 1890.

Cet ouvrage nous fait pénétrer plus avant dans l'histoire des institutions charitables que la plupart de ceux qui l'ont précédé et dont nous nous sommes occupés dans cette Tievue (1) parce qu'il a pour objet spécial la partie la moins connue du sujet : l'indigence et l'assistance dans les campagnes. Les documents relatifs à l'état des campagnes sont beaucoup plus rares que ceux relatifs aux villes dont l'histoire a toujours attiré davantage l'attention.

M. Hubert-Valleroux était mieux à même que qui que ce soit de traiter ce sujet difficile parce qu'il est un maître de la science économique. Cette science fait souvent defaut aux historiens, et, quand ils racontent le passé d'une institution, ils sont souvent portés à exagérer la portée des actes législatifs qu'ils rencontrent sur leur chemin, faute d'être en état de juger de leur application réelle eu égard à l'ensemble des rapports sociaux et des autres institutions. Aussi ne nous étonnons-nous pas que dans un des concours les plus brillants de l'Institut auquel avaient pris part des écrivains spécialistes fort distingués, notre éminent col

(1) V. la Revue, nos d'avril 1886 et de juillet 1889.

laborateur ait remporté sans discussion la plus haute récompense.

Nous voudrions en le prenant pour guide fixer les traits saillants des principales époques de l'histoire de la charité dans les campagnes, à savoir, le Moyen âge depuis le XI siècle jusqu'au xvIe siècle, le xvre siècle, les temps immédiatement antérieurs à 1789, les destructions révolutionnaires, l'œuvre de reconstruction qu'esquissa le Directoire, mais que réalisa seulement le gouvernement impérial.

I

Pendant la période qui s'étend depuis le grand essor de progrès développé sous les règnes de Philippe-Auguste et de saint Louis, de Philippe-le-Hardi jusqu'à la guerre de Cent ans, les campagnes de France étaient dans l'ensemble au moins aussi peuplées qu'aujourd'hui quelquesunes l'étaient moins: mais beaucoup l'étaient davantage. C'est le cas pour des causes diverses des riches cantons de la Normandie ainsi que des pauvres régions des Alpes, des Cévennes et du masssif central:

«Il ne s'agit point de comparer la population de la France du xve siècle avec celle d'aujourd'hui, dit judicieusement M. Hubert-Valleroux, mais seulement la population des campagnes. Or, les villes d'alors étaient rares et peu peuplées. Une ville de 6,000 habitants était alors importante; elle est à peine considérée aujourd'hui. On trouve même au XIe siècle des villes de 12 à 1,500 âmes qui font figure dans l'histoire. La population urbaine forme aujourd'hui un tiers de la population de la France; elle n'en faisait pas alors le quinzième (1). C'est du côté des villes depuis un siècle que s'est porté tout l'accroissement de la population française. »

« De plus beaucoup de villes d'alors avaient une population semi-rurale; elles servaient d'habitation aux paysans cultivant la banlieue. Ainsi à Provins, qui fut quelque temps le séjour des comtes de Champagne et la rivale de Troyes,

(1) Cependant Paris sous Philippe-le-Bel était une grande ville qui comptait probablement 210,000 habitants.

la ville haute était en partie habitée par des paysans et l'est encore aujourd'hui. C'est le canon des vignerons de Provins qui inquiéta Henri IV lorsqu'il assiégea la ville (1). »

Cette période fut traversée par une crise effroyable résultant de la peste de 1348, qui fit périr au moins le tiers de la population, et de la guerre de Cent Ans dont les ravages furent encore plus désastreux à cause de leur répétition et de leur durée. Les campagnes souffrirent davantage que les villes, et, quand après Jeanne d'Arc une ère nouvelle de prospérité commença, les villes eurent plus d'importance qu'auparavant. Cependant, dans la période de paix intérieure que marquent les règnes de Louis XI, de Charles VIII, de Louis XII, l'état économique des campagnes françaises fut dans son aspect général assez semblable à celui dn commencement du XIVe siècle.

La population rurale pouvait être plus considérable qu'aujourd'hui pour les causes économiques suivantes :

1° L'agriculture était poussée fort loin: nous ne l'empor tons sur le XIIe siècle que parce que nous connaissons la loi de l'alternance des cultures, que nous commençons à utiliser les engrais industriels et surtout parce que nous avons la pomme de terre quant aux plantes industrielles (pastel, guède, lin, safran), elles tenaient au moyen âge une place aussi importante dans l'ensemble du pays que la betterave sucrière seulement celle-ci est concentrée dans quelques départements du Nord-Est qui sont plus riches évidemment aujourd'hui qu'autrefois.

2o L'état forestier du pays et avec lui le régime des eaux était bien meilleur qu'actuellement les travailleurs ruraux jouissaient de subventions en produits naturels que le déboisement leur a fait perdre depuis.

(1) M. E. Levasseur dans son savant ouvrage, la Population française t. I pp. 152 à 176 évalue la population du territoire français actuel dans la première moitie du XIV siecle de 20 à 22 millions d'habitants, d'après le rôle des feux soumis à l'impôt royal en 1328 et qui porta sur environ la moitié de la France actuelle. Il a grand soin de donner ce chiffre seulement comme une hypothese et une approximation. Personne n'admet plus aujourd'hui le chiffre de 34,625,000 habitants avancé par Dureau de la Malle.

XVIII-I

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