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Le livre de M. Desjardins se termine par l'examen des prescriptions et des fins de non recevoir qui peuvent être invoquées en matière de contrats de mer. Il annonce. à titre de complément à son ouvrage, la publication prochaine des Tables générales et en même temps une Introduction historique à l'étude du droit maritime pour laquelle il utilisera, d'une part, de récents travaux d'érudition, de l'autre, les modifications profondes que la plupart des codes étrangers ont apportées depuis dix ans aux législations commerciales des deux Mondes.

Prenons acte de cette promesse, mais remercions dès aujourd'hui l'éminen! magistrat du précieux répertoire d'informations, du puissant instrument de travail qu'il a mis à la disposition des commerçants, des avocats, des professeurs, des magistrats. Son livre, vrai foyer de lumières par sa richesse documentaire, par l'étendue de ses développements, par les rares mérites qu'il réunit, attestera non seulement à la France, mais à l'étranger, que l'étude du droit maritime, honorée et cultivée dès l'origine par l'élite de nos jurisconsultes, peut se glorifier, à notre époque, d'ouvrages dignes du passé.

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DES

INSTITUTIONS ET DU DROIT.

(18 Année )

XV CONGRÈS DES JURISCONSULTES CATHOLIQUES Tenu à Angers les mardi, mercredi et jeudi 7, 8 et 9 octobre 1890

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Le rôle social de la Propriété immobilière et mobilière. Les dangers que lui fait courir l'application actuelle des principes révolutionnaires.

(SUITE)

Rapport de M. Auguste ONCLAIR, prêtre, sur le Socialisme contemporain, les tendances socialistes de notre temps et leurs causes.

Monseigneur, Messieurs,

Ce n'est pas sans crainte que je me décide à vous soumettre ce travail. Je l'ai écrit, il est vrai, avec réflexion, après de longues et patientes études, après avoir demandé avec instance, à celui qui s'appelle le maître de la Science, lumière pour connaître, force pour oser. Mais, Messieurs, la question est d'une délicatesse extrême. Elle est agitée aujourd'hui avec passion, en sens divers (je compte vous dire pourquoi). Peutètre serai-je forcé de heurter les convictions d'illustres fils de l'Eglise, dévoués à toutes les grandes et nobles causes, à 18 ANN. 2 SEM. 12' LIV. DÉCEMBRE 1890.

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celle des travailleurs chrétiens notamment, cette classe de pauvres que le divin Sauveur lui-même a tant aimés, et au sein de laquelle il a voulu naître dans le temps, et passer sa vie mortelle. Tous, Messieurs, nous aimons le travailleur, mais nous n'avons garde de le flatter, de lui attribuer des droits qu'il n'a pas, qu'il ne saurait avoir, de lui montrer ici-bas un idéal de bonheur, de bien-être parfait qui ne se réalisera que dans le royaume de Dieu. Nous ne changeons pas les conditions de la vie terrestre, telle que Dieu l'a faite. Nous écoutons les enseignements de la Providence divine, qui a dit par l'Apôtre : Momentaneum et leve tribulationis nostræ æternum gloriæ pondus operatur in nobis (1).

Nous ne nous laissons pas émouvoir par les clameurs de la rue, par l'affolement de ceux qui voient le flot populaire monter, menacer de tout envahir, de tout briser. S'il brise quelque chose, Messieurs, ce sera la société issue de la Révolution, mais non pas l'Eglise, qui est indestructible comme Dieu lui-même. Peut-être est-ce la miséricorde divine qui nous fait voir dans le lointain le châtiment, afin de nous engager à nous tourner vers celui qui a les paroles de la vie éternelle. Ces paroles, Messieurs, il les a mises dans la bouche de l'Eglise, dans sa législation, dans l'enseignement de ses Docteurs, dans cette loi de nature, qui n'est, selon saint Thomas, que la communication du vouloir divin faite à la créature douée de raison.

Vous le voyez, Messieurs, le sujet est si haut, et ma faiblesse est si grande, que je suis porté à reprocher à votre comité de m'avoir imposé la tâche de le traiter. Je parle devant des maîtres de la parole humaine, et, ce qui plus est, devant un maître de la parole divine, devant un grand Evêque environné de l'admiration du monde entier, devant une intelligence qui aborde les problèmes les plus ardus avec une rare aisance, qui les scrute avec une merveilleuse lucidité, et les présente à ceux qui l'écoutent, avec une éloquence qui est une des gloires de la noble France.

Dès lors, Messieurs, ai-je raison d'être inquiet pour moimême, et quand je réclame votre indulgence, est-ce une

(1) 2. Cor. 4. 17.

précaution oratoire à l'usage des Grecs, comme disait Cormenin, que j'apporte devant vous, avec une certaine hypocrisie conventionnelle ?

Je ne suis pas un maître de la parole, Messieurs, et alors même que je le serais, je désire aujourd'hui laisser de côté. tout artifice oratoire, vous exposer avec simplicité les grandes lignes de mon sujet, les arguments dénués de toute enveloppe étrangère qui établissent la vérité de mes assertions.

Je vous donnerai d'abord une idée succincte du Socialisme contemporain.

Je passerai ensuite à une question plus délicate, à savoir: celle des tendances socialistes à notre temps.

Ces tendances sont selon moi, et sauf meilleur avis :

Dans l'ordre individuel : La confusion que l'on établit entre la justice et la charité.

Dans l'ordre social: L'exagération du rôle de l'Etat, et la méconnaissance de la mission de l'Eglise de Dieu.

Dans l'ordre économique : Les déclamations contre le capital, l'exagération de l'importance du travail et des droits. du travailleur.

Il est clair, Messieurs, que je serai forcé d'aborder ici les questions si débattues de nos jours du minimum de salaire et de l'assurance obligatoire. Mais, comme ces questions ont été traitées avec une grande supériorité par M. Claudio Jannet, dans son livre du Socialisme d'Etat, par l'éminent jurisconsulte M. Théry, et par le P. Forbes, au Congrès d'Arras, je me contenterai de vous présenter, sur cette matière, les décisions du Droit Canon, et des princes de la théologie catholique, résumés par le P. Ballerini, dont l'Opus morale est édité ces jours-ci à Rome, par son digne et savant collègue et élève le R. P. Palmieri.

Je terminerai, Messieurs, en vous disant quelles sont, d'après ma manière de voir, les causes de ces tendances.

Ce plan Messieurs, a-t-il votre agrément? Encore une fois, Monseigneur, Messieurs, soyez indulgents, armez-vous de patience, et je le remplirai jusqu'au bout.

II

LE SOCIALISME CONTEMPORAIN.

Je dis le socialisme contemporain, pour le distinguer, non pas du socialisme révolutionnaire (il n'y en a pas d'autre, Messieurs, pas plus qu'il n'y a un libéralisme catholique ou un socialisme chrétien: Quæ Societas luci ad tenebras ? (1), mais du socialisme violent, partageux, etc., dont nous avons vu les explosions en 1848 et en 1871. Le socialisme s'est fait savant. Il a ses chaires en Allemagne; il en a une à l'Université maçonnique dite libre de Bruxelles. La secte qui conduit aujourd'hui le socialisme (je le prouverai tantôt) a conservé cependant les violents, et s'en sert à l'occasion, afin d'épouvanter les timides, les hommes de la paix à tout prix, même de la paix dans le désordre, et de leur arracher de funestes concessions.

C'est donc du socialisme savant, scientifique (permettezmoi d'abuser de ce mot), que je parle.

Or, dans une réunion tenue cette année-ci à Paris, on a dit (si les comptes-rendus de la presse sont exacts) que le socialisme est une doctrine qui nie Dieu, la propriété, la famille. Mais, Messieurs, c'est là une définition absolument fantaisiste qui permet de ne rencontrer le socialisme à peu près nulle part, si ce n'est chez des énergumènes comme Bakounine et les nihilistes russes. Elle manque à la condition que doit remplir toute définition, de donner le genus proximum et la differentia ultima, comme dit la scolastique.

Le P. Steccanella, dans son traité sur le Communisme (2), excellent à tous égards, s'il ne renfermait pas la théorie du minimum de salaire à fixer par l'Etat, dit que le communisme et le socialisme se donnent cordialement la main; qu'en substance, ils sont une seule et même chose, et il ajoute cette remarque qui montre bien la vivacité de son coup d'œil: La doctrine du

(1) 2. Cor. 6. 14.

(2) Steccanella. Del communismo, 1 vol in-8°, Rome, 1882. Préface.

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