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que, s'ils en aiment peu certains articles, ils aiment encore moins les horreurs d'une guerre civile. Au lieu que voyez avec quelle impudeur des membres du comité de constitution, et ceux-là qui ont établi le gouvernement purement représentatif, ceux-là qui ont sans cesse à la bouche le mot sacré de constitution, proposent tout à coup le renversement du gouvernement, depuis que la nation a des représentans qui ne conspirent plus contre elle. Et ils ne proposent de consulter le vœu de la nation, que parce que la nation a des représentans qui la consultent. Le ministre de l'intérieur n'a pu les consulter comme directoires, la loi des pétitions s'y opposait ; il n'a pu consulter que les individus; s'il a consulté les individus, tous les autres individus ont été également consultés; la nation entière a été appelée à la consultation aussi bien qu'eux.

C'était donc compter les voix; c'était ramener le système proscrit des mandats impératifs; c'était renverser le gouvernement représentatif, à moins qu'on ne dise que le ministre et le directoire ne cherchaient qu'à s'assurer d'une minorité, et voulaient seulement ouvrir une souscription de guerre civile.

Mais on vous dit que la pension des prêtres était une dette nationale; comme si, lorsque vous demandez seulement aux prétres de déclarer qu'ils ne seront pas séditieux, ceux qui refusent un pareil serment n'étaient pas déjà des séditieux; comme si c'était un crime de punir la sédition par une amende; comme si des prêtres factieux qui n'ont rien prêté à l'État, créanciers de l'État, non à titre onéreux, mais à titre de bienfaisance, n'étaient pas déchus de la donation pour cause d'ingratitude. (On rit.)

Dédaignez donc ces misérables sophismes, pères de la patrie! La forfaiture des membres du directoire est établie; connaissezvous vous-mêmes, et ne doutez plus de la toute-puissance d'un peuple libre. Mais si la tête sommeille, comment le bras agira-til? Ne levez plus ce bras, ne levez plus la massue nationale pour écraser des insectes, un Varnier, un Delâtre. Caton et Cicéron faisaient-ils le procès de Cétegus et de Catilina? Ce sont les chefs qu'il faut poursuivre. Frappez à la tête; servez-vous de la foudre

contre les princes conspirateurs, de la verge contre un directoire insolent, et exorcisez le démon du fanatisme par le jeûne.» (On applaudit à plusieurs reprises.)]

L'assemblée décréta que le procès-verbal de cette séance serait envoyé aux quatre-vingt-trois départemens. Le lendemain, les Feuillans firent, à l'égard de ce décret, ce qu'ils avaient fait à l'égard de celui du 5 octobre, relatif au cérémonial. Voici comment Brissot rend compte de cette affaire : Faut-il donc que le patriotisme et la bonne foi soient toujours dupes ou victimes de la même tactique et des mêmes manœuvres? Faut-il que toujours la minorité, qui veille pour l'intrigue, profite du sommeil ou de la négligence de la majorité, qui s'endort sur la foi de ses succès, pour renverser, par de misérables subtilités et par une indigne surprise, le résultat d'une discussion franche et loyale ?

>De toutes les ruses de guerre des intrigans de l'ancienne assemblée, celle qui leur a le mieux et le plus souvent réussi, c'est de se trouver en force à la lecture du procès-verbal, pour faire rapporter ou modifier les décrets auxquels ils s'étaient opposés en vain pendant la discussion. Héritiers des stratagèmes de ces savans tacticiens, et dirigés par leurs leçons dans des conciliabules bien connus, les ministériels de l'assemblée législative ont aussi adopté cette marche, et elle leur a valu un honteux succès dès leurs premiers pas dans la carrière.

› Ils l'ont encore employée aujourd'hui, désespérés des triomphes éclatans remportés par le patriotisme dans les deux dernières séances; jaloux des félicitations et des éloges qu'obtenaient les deux décrets auxquels ils n'avaient opposé que de stériles efforts; convaincus que le reste de la France s'empresserait de dénoncer, à l'exemple des citoyens de Paris, l'incivique pétition du directoire, si on laissait subsister les témoignages de l'accueil favorable qu'avaient reçu les adresses des sections; ils ont résolu de faire rayer des procès-verbaux toutes les mentions honorables décrétées hier et avant-hier, et de faire rapporter le décret qui

ordonnait l'envoi au département du procès-verbal de la séance d'hier, et ils ont réussi.

› M. Faucher a lu le procès-verbal de la séance d'avant-hier soir; il a rendu compte d'une adresse où il était dit que le veto lancé contre un décret du moment était absolu, et par conséquent inconstitutionnel.

› Ces mots ont été le signal de l'insurrection du parti ministériel. On s'est écrié qu'on avilissait le pouvoir exécutif; comme si c'était avilir un pouvoir que de censurer un de ses actes. On s'est écrié qu'on aimerait mieux être enseveli dans les cachots de l'Abbaye, que de permettre que l'on attente à aucun pouvoir constitué; comme si ces exclamations n'étaient pas de véritables attentats contre la constitution, qui consacre et le droit de pétition, et le droit de censure des actes de législation et de gouver

nement.

› M. Quatremère n'a gardé aucun ménagement, et, insultant à la fois, et aux pétitionnaires et à l'assemblée qui les avait applaudis, il a osé traiter leurs adresses d'adresses mendiées, et dictées par l'aveugle esprit de parti, et les sentimens patriotiques qu'elles renferment d'encens et de tournures perfides; il a demandé la radiation de toutes les mentions honorables faites hier et avant-hier.

› M. Lacroix n'a pu contenir sa juste indignation; il s'est élevé avec force contre l'audace avec laquelle on voulait renverser ce qui avait été fait par une majorité si grande, que ceux qui réclamaient la question préalable n'osèrent se lever pour l'appuyer. Une petite coalition, s'est-il écrié, espérerait-elle avoir aujourd'hui un succès qu'elle n'a pu obtenir hier? ›

La conscience de M. Chéron, l'un des chefs de cette petite coalition, lui a fait sur-le-champ à lui-même l'application de ces paroles, et il a demandé, mais en vain, que M. Lacroix fût rappelé à l'ordre.

Enfin, après de nouvelles déclamations contre les adresses et leurs auteurs, la cabale a forcé l'assemblée de décréter que le

secrétaire effacerait du procès-verbal tout ce qui était relatif au

veto.

› Mais ce succès ne remplissait pas les vues de la coalition, et elle s'en promettait un plus complet sur le procès-verbal d'hier.

› M. Grangeneuve en a fait lecture. Il était rédigé avec tant de réserve, que la chicane attentive, et la mauvaise foi déterminée à critiquer à quelque prix que ce fût, ont été obligées de se rabattre sur une observation dont nous avons même vu rougir plus d'un front ministériel. Le secrétaire disait qu'un grand nombre de citoyens des sections de Paris avaient réclamé contre la pétition du directoire. Le puriste M. Chéron a observé, avec une sagacité infinie, que l'expression n'était pas exacte ; que le terme grand nombre était relatif ; que cent personnes étaient un grand nombre dans un village, et que deux mille personnes étaient un petit nombre à Paris. Il a judicieusement demandé que le secrétaire notât le nombre précis des pétitionnaires.

› En applaudissant à ces importantes réflexions, M. Ramond a encore enchéri sur la proposition de son collègue, et il voulait que les noms des pétitionnaires fussent inscrits au procès-verbal.

› Ces deux motions, et surtout la dernière, ont excité un violent tumulte; on a sagement réclamé l'ordre du jour. Mais ce n'était pas là le compte des ministériels ; ils ont lutté avec une telle obstination, que trois épreuves n'ont pas donné de résultat, et n'ont servi qu'à augmenter l'agitation.

> Elle était à son comble. Convaincu qu'il était impossible de discuter et de délibérer au milieu du tumulte, M. Lasource demandait qu'on ajournât la motion de M. Chéron.

› Le désordre qui régnait dans l'assemblée avait gagné les galeries. Plusieurs des spectateurs étaient indignés de voir l'assemblée livrée à la mauvaise foi, à l'astuce et aux vaines clameurs; ils en rougissaient pour elle. Allons nous-en, s'écrièrent plusieurs d'entre eux, n'écoutons pas ces stériles débats. >

(

› Cependant M. Lacroix profite d'un instant de calme pour appuyer la motion de M. Lasource; il demande que le 'procès

verbal soit discuté le soir. Mais ce n'était pas au procès-verbal qu'en voulait réellement la coalition, et elle crut qu'il était temps de lever le masque.

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› Un membre avoue bonnement qu'il s'agit de révoquer les mentions honorables accordées hier, et de rapporter le décret qui ordonnait l'envoi du procès-verbal aux départemens. Il demande un comité général pour discuter la question.

› Cette proposition a indigné les patriotes qui ont senti qu'on ne cherchait qu'un prétexte pour introduire l'usage des comités généraux. Pour parer le coup, M. Vergniaud demandait le renvoi de la question à un comité ; mais les patriotes qui n'ont pas assez senti son but, et qui ne voulaient pas transiger sur les décrets d'hier, ont réclamé.

› Le tumulte a recommencé..... Enfin M. Cambon, persuadé qu'il fallait céder quelque chose pour ne pas tout perdre, a proposé qu'on se contentât de rapporter le décret d'envoi, et que d'ailleurs on adoptât le procès-verbal. Cette motion conciliatrice a été adoptée, et a terminé des débats aussi indécens qu'infructueux pour la chose publique. (Le Patriote français du 13 décembre.)

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Parmi les nombreux articles de la presse révolutionnaire, que suscita le refus de sanction au décret contre les prêtres, nous choisissons celui du journal de Prudhomme, n° 128, p. 532.

Encore un veto. C'est le second depuis deux mois ; ce serait probablement le troisième, si le décret contre le titre de majesté royale n'avait pas été retiré le lendemain de son adoption.

» On a été long-temps sans vouloir user de cette prérogative empruntée d'une île voisine qui se vante d'être libre; on avait d'autres projets mais à présent qu'il faut en finir, on se jette à corps perdu dans la constitution; on prévoit que le veto est un pis-aller capable de dédommager de toutes les pertes qu'on a faites, et il paraît que ce pis-aller servira de pierre angulaire, sur laquelle la cour va réédifier son système de despotisme, d'autant plus imposant, qu'il aura l'air d'être légal; en sorte que la révolution, qui d'abord avait paru un monstre altéré du sang royal,

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