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Rambouillet 24 frimaire, 2o de la République une et indivisible.

CITOYENS ET CHERS COLLÈGUES',

N'étant parti de Versailles qu'à trois heures après midi, j'ai cru devoir aller directement à Rambouillet, afin de me trouver à l'arrivée des prisonniers de Chartres; jugez de mon étonnement et de notre embarras quand, à minuit, au lieu de 300, il en arrive 682, savoir 400 à pied et le surplus en 47 voitures escortées par cent hommes de la garde nationale de Chartres, commandés par un capitaine, 2 lieutenants et 6 sergents, lesquels étaient seulement munis d'un ordre de route, signé Berthelemy, commissaire des guerres, qui portait la désignation du transport à Poissy. Nous avons établi une garde nombreuse autour des voitures et les avons fait descendre et compter deux à deux pour en savoir le nombre au juste et les avons déposés dans la ci-devant église de Rambouillet où ils ont passé la nuit sous la suveillance de la municipalité et de 75 gardes nationales; pour leur donner l'exemple j'ai passé avec eux toute la nuit, enfin je ne puis que louer le zèle des officiers municipaux et des citoyens de Rambouillet, ils m'ont parfaitement secondé.

J'ai fait venir ce matin à la municipalité les officiers du détachement de Chartres, après leur avoir fait lecture de l'arrité du Conseil général qui fait mention de l'arrêté du Comité de salut public et de la lettre du ministre de l'Intérieur; ces officiers m'ont fait l'offre, au nom de leurs frères, d'escorter la portion de prisonniers que je voudrais leur confier.

En conséquence, je les ai chargés d'en conduire 150 à Pontoise, 100 à Gonesse, et 100 à Corbeil.

1 Archives nat. A. F., II, 112.

J'ai donné un nouvel ordre de route à chacun des commandans de ces trois détachemens.

Ils iront tous coucher ce soir à Versailles; ainsi, je vous prie d'en prévenir sur le champ la municipalité, afin qu'elle dispose une église, de la paille et du pain. Il sera bon de viser l'ordre de route.

J'ai cru devoir renvoyer les 47 voitures pour éviter des frais considérables et de choisir les plus jeunes et les plus vigoureux pour composer les 330 piétons.

A l'égard des autres, il y a beaucoup de femmes et de vieillards, même de malades; je les répartirai à Montfort, Dourdan et Étampes et je requerrai des voitures pour leur transport.

J'ai bien examiné les figures et la tournure de ces 682 détenus; ce ne sont rien moins que des paysans mal vêtus et semblables aux Limousins. En arrivant ils ont tous joint les mains et fait leur prière; ce ne sont absolument que des fanatiques embêtés par les calotins; il n'y a pas un prêtre parmi eux, à l'exception d'un ancien évêque que l'on me doit faire remarquer ce matin.

Je vous préviens qu'il arrive ici ce soir 197 prisonniers Autrichiens et qui passeront à Versailles demain pour y coucher et aller à Poissy suivant l'ordre de route qu'un garde national m'a fait voir et qui doit arriver au département au moment de la séance, l'en ayant prié.

J'ai examiné l'endroit où étaient déposés les 300 premiers arrivés, ils y sont en sûreté; mais cependant il y aura quelques menues réparations à faire, comme scellements de barreaux, fermetures de portes inutiles et qui présentent des issues dangereuses. On va s'en occuper aujourd'hui, les ferrements ne coûteront rien; il n'y aura que la façon ; j'ai pris sur moi d'autoriser la municipalité à faire faire ces changemens.

Je reste la journée d'aujourd'hui à Rambouillet, si vous avez quelque chose à me faire dire, j'attendrai vos ordres. Je

suis bien fraternellement, mes chers collègues, votre commissaire auprès de la Municipalité de Rambouillet.

Signé CHARPEntier.

Charpentier ajoutait en post-scriptum :

On vient de me faire passer une lettre signée par plusieurs détenus et au nom de tous accompagnée d'une copie de lettre du ministre de l'Intérieur, je vous la fais passer ; vous jugerez dans votre sagesse s'il est nécessaire de la faire passer au Comité de salut public.

Je viens de voir quelqu'un qui arrive de Chartres qui m'a dit que beaucoup de citoyens peureux viennent des départements voisins avec leurs bagages pour se sauver des rebelles; les représentans du peuple ont envoyé au tribunal révolutionnaire les autorités constituées du Mans, qui ont lâchement quitté leur poste à l'arrivée des brigands; tout ce que je puis vous assurer, c'est que les officiers conducteurs des prisonniers m'ont assuré que la ville de Chartres s'était empressée d'envoyer les 700 à la fois, crainte de surprise, et que les rebelles étaient à Nogent-le-Rotrou; le district de Nogent-le-Rotrou à qui on a séquestré des lettres écrites aux rebelles et tendantes à se coaliser avec eux vient d'être aussi traduit au tribunal révolutionnaire.

Le bataillon de la première réquisition du district de Sablé, sans uniformes, sans armes, en station depuis trois semaines à Chartres, a été chassé de Chartres pour aller à Dreux, Évreux et Rouen, pour avoir tenu des propos tendant au royalisme, et d'être dans la disposition de se joindre à la Vendée et se promettait même de faire évader les détenus des prisons de Chartres; le fait m'a été attesté par les officiers de la garde nationale de Chartres qui escortent nos détenus. Vous pourriez bien aussi en donner avis au Comité de salut public pour lui servir de renseignement; dans un temps où nous sommes environnés de traîtres, on ne peut prendre trop de précautions.

Adieu, je m'endors, voilà deux nuits que je passe, bonsoir, soyez tranquille je m'éveillerai avec la bonne disposition d'exécuter la mission dont vous m'avez chargé pour les autres districts.

Ci-incluse une réclamation des gardes nationales de Rambouillet pour être payées de leur garde de nuit ; je vous la fais passer et vous me répondrez.

Pour copie conforme,

PEYRONET,

p. s. g11.

Les membres du district de Dourdan étaient peu disposés à recevoir, dans leur ville, les 100 prisonniers à eux destinés; le 26 frimaire (14 décembre), Charpentier leur écrivait une lettre qui devait vaincre leurs objections:

Rambouillet le 26 frimaire, l'an II de la République indivisible1.

Charpentier administrateur du département de Seine-et-Oise, en mission à Rambouillet.

AUX CITOYENS ADMINISTRATEURS DU DISTRICT DE DOURDAN.

A mon retour de Montfort le Brutus, j'ai trouvé à Rambouillet le gendarme porteur de la lettre que vous m'avez fait passer hier.

Les observations que vous m'avez faites, relativement à la difficulté de pouvoir placer les 100 détenus qui sont destinés à être transférés à Dourdan, a lieu de m'étonner.

La proposition que vous me faites de les faire passer à Marcoussis n'est point admissible d'après des raisons connues à l'administration du département.

1 Archives de Seine-et-Oise. Détenus suspects, L'y. Dourdan renferme tous les documents que nous avons versés sur les prisons de Rambouillet.

Le parti que j'ai adopté et dont je vous fais part, pour ce que vous avez à faire pour recevoir ces détenus, est de faire préparer l'église qui ne peut servir qu'à cela et d'y garder ces détenus provisoirement, jusqu'à ce qu'arrivés à Dourdan demain dans la journée, nous nous concertions ensemble sur le parti définitif.

Vous ferez donc préparer la paille, le pain nécessaire pour ces 100 détenus qui nous arriveront ce soir et l'étape de fourrage pour 6 chevaux, celle de vivres pour 6 gendarmes et 30 gardes nationaux qui escorteront lesdits détenus.

Je vous prie de donner sur le champ une réquisition à un gendarme pour porter le plus promptement possible une lettre au district d'Étampes pour le prévenir que le 28 il recevra 100 et tant de ces mêmes détenus qui passeront demain soir par Dourdan où ils auront le gite et le pain, ainsi que l'étape pour l'escorte.

Vous voudrez bien aussi, d'ici à mon arrrivée, faire faire un état nominatif de ceux qui resteront dans votre commune. Ci-joint la lettre du Procureur général, pour le district d'Étampes, que je vous prie de joindre à celle que vous écrirez pour le même sujet, et remettre le tout au gendarme. Vive la République et la Montagne.

Votre collègue,
CHARPENTIER.

Dès le 27 frimaire (15 décembre), les gardiens des détenus du Corridor s'inquiètent, de la manière dont ils seront payés, auprès du Conseil municipal qui en réfère au district de Dourdan.

Le 1er nivôse (21 décembre), Cant Martin signale au corps municipal un prisonnier qui a tenu des propos séditieux; quelques jours après, le traitement du concierge du Corridor était fixé à 100 francs par mois et celui de son adjoint à

60 francs.

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