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donc une folie de croire que tu pouvois autrement conferver la grace de ton Dieu, qu'en combattant & en crucifiant par la 1. Cor. 1. mortification chrétienne ce vieil homme, cette concupifcence, cette pente au peché qui refte en nous, qui s'éleve & combat fans ceffe la grace de ton Sauveur.

Ah! qu'il s'en faut bien, ô mon Jefus, que j'aye aimé d'avoir part à cet opprobre, à cette folie apparente de votre Croix, qui eft néanmoins le principe de la vraye fagesfe, & la fource de la folide grandeur; com1. Cor. c. me je n'ai pas voulu mourir au monde, je me fuis bien donné de garde de paroître fol à fes yeux; comme je n'ai aimé que fa fauffe gloire, je n'ai étudié que sa sagesse, qui n'eft que folie devant vous.

39

Pardon, ô mon Jefus ! d'avoir toujours fuivi l'illufion de mes fens & de mes paf5. Amb. fions; d'avoir jusqu'ici cherché à me séduire & à me tromper moi-même : que je vous ai d'obligation de ne m'avoir pas abandonné jufqu'à la mort, comme tant d'autres, à cet aveuglement volontaire & criminel. Qu'aurois-je recueilli alors, finon ma réprobation & ma perte, puisque je n'aurois femé pendant ma vie, que felon la chair & fes délirs déreglez?

Gal. 6.

III.

J'adore, ô mon Jefus! les deffeins de falut que votre mifericorde a encore' fur moi, en me frappant d'infirmité & de ma

ladie; je la regarde comme un dernier s. Hier. moyen que votre fageffe mifericordieufe employe pour m'ouvrir les yeux fur les égaremens de ma conduite paffée, pour détruire en moi ces funeftes paffions que S. Greg. je n'ai que trop long-tems confervées, & M. pour m'infpirer l'amour des vertus chrétiennes dont j'ai toujours négligé la pratique.

Je la reçois, cette maladie, comme le châtiment & la peine dûe à mes pechez; Pfal. 38. je vous demande, ô mon Jefus ! qu'elle en foit encore le remede, pour m'empêcher de les commettre à l'avenir. Jettez, je vous prie, les yeux fur l'état pénible & humiliant où je fuis, & accordez - moi par grace, qu'une portion de votre fageffe Sap.1 & qui m'y a réduit, m'accompagne, & qu'el- Eccli. 4. le demeure avec moi, pour me découvrir les grands biens que procurent à l'ame chrétienne les maux que fouffre le corps, pour m'affurer qu'en livrant ma chair, cette chair de peché, aux tribulations & 1. Cor. 5. aux fouffrances, ce n'eft que dans la vûë de fauver mon ame au jour de vos ven. geances; qu'en vous mettant en colere contre moi dans le tems, c'eft pour me pf. 59. faire fentir votre clémence pendant l'éternité; qu'en me perçant de l'aiguillon de la douleur, qu'en brûlant mes entrailles par l'ardeur de la fievre, ce n'eft que pour

I, 13.

Thren. c. me faire éviter les feux terribles de l'enfer; pour m'avertir qu'en humiliant en moi l'homme exterieur par les coups dont vous le frappez, & qu'en me faifant reffouvenir par ces coups falutaires du néant de mon origine & de ma fin prochaine, je 5. Aug. dois humilier mon efprit & mon coeur en votre prefence; pour m'avertir qu'en refufant la vûë & la présence du monde, que la maladie me rend à charge, je dois pleurer l'amour exceffif que j'ai eu pour S. Ber. Ïui, & l'averfion que j'ai euë pour la retraite; pour m'avertir que n'étant fur la

terre qu'un voyageur qui devoit marcher & courir continuellement vers le Ciel, Jerem. 17 j'avois grand tort d'y chercher mes aises, Heber. mon repos & mon plaifir; pour m'avertir

13.

enfin, qu'une mort prochaine devant m'enlever à tous mes biens, je dois gémir für le mauvais ufage que j'en ai fait, & le réparer par d'abondantes aumônes.

C'est ainsi, mon ame, que la Croix te découvre les fecrets de la fageffe divine fi néceffaire à un Chrétien fouffrant & malade; il n'y a que le mondain, qui la traitant de folie, comme il traite la Religion Pf. 15. de fable & de chimere, eft incapable de connoître & de gouter les grands avantages que produifent les tribulations & les fouffrances de cette vie. Ne ceffe donc de la remercier de fon affiftance & de fes lu

mieres; ne ceffe de l'embraffer de bon coeur, puifqu'elle te montre la voye certaine du falut, & qu'elle t'anime à y marcher.

O divine Croix ! ô myftere d'amour! 3 chef-d'œuvre de la fageffe de mon Dieu ! achevez aux dépens de ma fanté & de ma S. Hier. vie, l'important ouvrage de mon falut, que mon Jefus y a operé; infpirez-moi fur ce lit de douleurs, le même détachement de ce monde que mon Jefus eut fur vous; formez fur moi les traits de conformité & de reffemblance que je dois avoir avec Jefus; devenez auprès de Dieu, en ma fa- s. Leo veur, le gage de mon falut, puifque vous ferm. 8. êtes le plus grand des dons qu'il m'a fait, & la fource de toutes les graces que j'attends de fa bonté; reconciliez-moi avec lui; décidez auprès de fon trône de l'éternité bienheureuse de mon fort, & fur-tout ne me rendez pas, je vous en conjure par les merites que mon Jefus m'a acquis fur vous, ne me rendez pas plus criminel à fes Heb.121. yeux, & ne devenez pas à ma mort le fceau de ma réprobation.

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O Croix de Jefus ! miracle & prodige de la force du Tout puiffant, c'est par vous que j'ai été enlevé au démon, & ren du à Dieu mon Créateur & mon Pere; demeurez avec moi jufqu'à ce que vous S. An m'ayez remis entre fes mains paternelles :

Vous fçavez que ce n'eft qu'en vous, & par vous que je puis être en fûreté contre la violence de mes ennemis, qui veulent ma perte; fouffrez que j'oppofe votre S. Bern, protection à leurs efforts; foyez continuellement gravée fur mon front & dans mon cœur, afin que fous l'étendart & les aufpices de votre figne formidable aux puiffances de l'enfer, je puiffe avoir la fermeté & le courage néceffaires pour fouFauft. 1. tenir les combats qu'ils vont me livrer, & 12.6.30. pour en fortir victorieux: banniffez de mon efprit toute tentation de défespoir,

S. Aug.

contra

& même de défiance à la vûë de la multitude de mes pechez que le démon lui reS. Bern, prefentera fouvent, par le fouvenir con fem. 1. tinuel de votre furabondante rédemption, in Cant. & de vos mifericordes infinies.

ARTICLE IV.

Le Chrétien malade s'appuye fur Jefus
crucifié comme fur la pierre angulaire
de l'édifice de fon falut.

Mon Jefus, auteur & confomma

I. Oteur ma vous

teur de ma foi, je vous reconnois & vous adore fur cette Croix pour le fondement, le foutien, & la perfection de l'édifice fpirituel de mon falut. Nul autre que vous n'a été donné de Dieu aux hommes pour construire le temple augufte où

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