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CHAPITRE IV.

Toye d'un Chrétien malade, fruit de fon amour pour les fouffrances.

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I, mon ame, telle eft la vertu de

Ola Religion Chrétienne a eft

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caractere de la loi nouvelle, telle est la for ce de la grace du Sauveur, telle eft l'effiS. Bern. cace de l'amour divin, d'infpirer de la joie au milieu des peines, des douleurs & des fouffrances. C'est peu à l'ame chrétienne' d'être patiente dans les maux de cette vie S. Aug. elle doit encore y établir fa joïe & fa gloide verbore. Depuis que le Fils de Dieu nous a ré conciliez à fon Pere par l'effufion de fon

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fang; depuis qu'il nous a préparé par fes. fouffrances un remede falutaire aux nôS.. Hier. tres; depuis que par fa mort il nous a procuré la vie & ouvert le Ciel, tous les maux n'ont rien de trifte & de fâcheux pour le vrai Chrétien, pour le fidéle difciple d'un Dieu humilié, couronné d'épines, & mort fur une croix. Nous nous réjoüiffons dans les peines & dans les fouffrances qui nous arrivent, difoient les premiers Disciples de ce divin Maître; les opprobres & les outrages qu'on nous fait fouffrir, le dépouillement dans lequel nous fommes de nos biens, de notre liberté & de notre vie

Rom. 5..

pour la gloire de fon nom, loin de nous attrifter, nous réjouiffent; notre bonheur & notre confolation eft de prouver au milieu des tourmens & par les douleurs les. plus violentes, la fincerité de notre amour pour Dieu, & la fainteté de fa Religion.. Epist. 3.

S. Paul.

Ah! mon ame, as-tu un autre maître à imiter & à fuivre, que ces Fondateurs & que ces premiers Fideles du Chriftianifme? Üne infinité de Martyrs de tout âge & de tout fexe ont à leur exemple déclaré à leurs perfécuteurs n'avoir jamais eu de momens plus agréables dans leur vie, que ceux qu'ils paffoient au milieu des tourmens, plufieurs ont regardé l'inftrument de leur fupplice avec des tranfports d'allegrefle, ils y ont couru avec une fainte ardeur, les ont embraffez avec des fentimens de joye que l'on ne peut exprimer : ils ont deman- SS. Mar. dé au Seigneur avec inftance de ne faire cell. ceffer leurs maux qu'avec la vie..

Cette joye admirable que tous ont fait paroître au milieu des tourmens dont la feule lecture fait frémir les plus intrépides, ne devroit-elle pas, mon ame, exciter la tienne dans les petites douleurs que tu Jac. 1 fouffres? Qu'il s'en faut bien que tes épreuves foient femblables aux leurs ! O quelle douleur ! ô quelle douceur! difoient ces ames toutes pénetrées de l'amour de Jefus, S. Bern. qui les avoit fauvées par les fouffrances :

que vous répandez de joye, de plaifir & de confolations fur des maux qui ont eu pour vous tant de fiel & d'amertume! Vos rigueurs ont pour nous des charmes qu'il nous eft impoffible d'exprimer; excitez donc en nous le défir de fouffrir encore plus pour vous, afin que nous en goûtions: plus long teins le plaifir. Tel eft le langage 1.Cor.13. que tient le véritable amour; on fouffre avec joye pour l'objet qu'on aime.

II.

Que ton amour pour Dieu, ô mon ame, eft donc bien foible, bien languiffant & bien lâche, puifque tu te troubles & t'attriftes à la vâë de tes maux, qui n'ont pas Greg. M. feulement l'ombre de ceux dont les Saints faifoient leurs plus cheres délices! En oppofant ta conduite à la leur, rougis de ta molefle & de ta fenfualité, & furtout prend garde que ton amour pour Dieu n'ait auffi que l'ombre du leur.

Helr 10.

& 12.

Ils s'excitoient à la joye dans leurs peines, par le fouvenir de celle que leur divin Maître s'étoit propofée dans les douleurs de fa Paffion; ils s'applaudiffoient d'être le facrifice d'un Dieu qui avoit été victime pour eux fur le Calvaire; ils attendoient avec plaifir le moment de fe voir dégagez. des liens du corps, pour être revêtus de la Tertul. in gloire du Sauveur, dont ils étoient déja Apolog. d'efprit & d'affection les affociez ; ils triomphoient d'allégreffe entre les mains des

c. 50.

Tirans, & les fupplioient de rompre par les tortures le voile de leur chair, qui leur déroboit la claire vûë de Dieu; le désir de le poffeder éteignoit ou amortiffoit en eux tout fentiment de douleur: se souvenant fans ceffe que le baptême les avoit féparez du fiécle, ils étoient ravis que la mort les en délivrât : convaincus que le Pere célefte reconnoît pour les héritiers de fon royaume ceux qui portent par les fouffrances les livrées de fon Fils, ils comptoient les occa- s. Greg. fions de fouffrir comme les évenemens les Naz. plus heureux de leur vie, & regardoient Orat. 91. les inftrumens de leurs fupplices comme 16Ở 22. les plus beaux ornemens du triomphe qu'ils efperoient dans le Ciel.

Peux-tu, mon ame, avoir des motifs plus forts & plus puiffans, pour te confoler & pour te réjouir au milieu de tes maux? Veux-tu que j'ajoute que par cette joye dans les fouffrances, un Chrétien a de quoi confondre le monde & le démon, qui ne peuvent plus le furprendre par les attraits de cette vie, parce que la joye d'un Chré- S. Bern. tien dans les maux qui avancent fon départ Ser. de S. de ce monde, eft une preuve du mépris qu'il en fait, & de l'ardent défir qu'il a de retourner à Dieu? Ah! mon ame, qu'il paroît bien par ta trifteffe, par tes ennuis & par tes impatiences dans tes maux, que tu

Andr.

Idem. Bern.

opérations de grace qui en naiffent! Qu'il paroît bien que tu goûtes peu le plaifir qu'il y a de fouffrir quelque chofe pour J. Ĉ. Il eft vrai que cette fcience & que ce goût font inconnus à la nature; il eft vrai que cette manne cachée, felon l'expreffion du même faint Bernard, ne se découvre qu'à la foi, & n'eft goûtée que de ceux qui aiment vraiment-Dieu, & qui défirent fincerement fon royaume. Ce n'eft donc qu'en confultant la foi & les divines Ecritures; ce n'eft donc qu'en demandant au Seigneur Jefus fon faint amour, & qu'en portant au Heb. 12. Ciel tes vœux & tes défirs, que tu trouve

III.

ras de la douceur & de la joye dans les fouf frances,car elles n'ont rien que de trifte & de rebutant aux yeux de la chair, & felon le fentiment de la nature.

Jette donc fouvent les yeux de ta foi fur Jefus qui en eft l'auteur; fupplie-le instam ment de t'accorder la grace d'aimer à fon imitation l'état fouffrant oùilte met & dans lequel il s'eft réduit le premier par mifériS. Chryf. corde pour nous. Toutes les joyes & les douceurs du Ciel étoient dûës à fa condition royale & divine; cependant il y renon ce volontiers, pour fe foumettre aux plus indignes traitemens que l'on puiffe fouffrir; il méprife & regarde comme très-peu de chofe toutes les douleurs, les confuGions, & les ignominies du fupplice cruel

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