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CHAPITRE V.

Fermeté de courage qui doit foutenir
un Chrétien dans les langueurs
de la maladie.

JI, mon ame, tu ne peux affurer
ton triomphe & ta récompense dans

I;

le Ciel, qu'en foutenant avec fermeté les 2.Tim. 2. differentes & douloureuses attaques de la maladie. Obligée par ton Baptême à te renoncer toi-même, & à fuivre le Sauveur, en portant ta croix tous les jours, tu ne Luc. 9. mériteras pas la qualité de fon difciple, fi tu te laffes de porter fon joug, fi le poids de fa Croix te décourage & te rebute; tu ne feras point propre pour fon Royaume, fi tu ne fuis fes pas, fi tu ne tâches d'y en- S. Berna trer fous fes enfeignes, fi tu n'y montes à fon exemple par les dégrez d'une vie dure & fouffrante, fi tu ne t'y éleves comme lui à la fueur de ton vifage, & fi le dernier S. Greg: mouvement de ton coeur n'eft pas un in Epift. grand foupir & un violent effort pour entrer par la porte étroite de l'éternité. On n'eft couronné qu'après avoir combattu 2.Tim.2. genereufement & fidelement jufqu'à la mort; anime-toi donc, mon ame, affermis ton courage & ta conftance dans tes maux, par la vûë de ceux que Jefus a fouf

ad Corin.

S. Aug.

ferts fur la Croix ; il ne t'exhorte à fouffrir, qu'après avoir lui-même enduré les douleurs les plus violentes & les plus cruelles.

Dès qu'il eut pris la reffemblance de l'homme pécheur, dès qu'il fe vit chargé par fon Pere du grand ouvrage du falut des hommes, dès qu'il fe fut déclaré leur caution envers fa justice, il se mit en état? 'Joan. 17. d'y fatisfaire, embrassant les moyens les plus pénibles, & les travaux les plus durs, en paffant les nuits en prieres, & les jours dans les larmes, les foupirs & les exercices les plus accablans. Si dans tout le cours de fa vie mortelle, il parut quelques momens fur le Tabor environné de l'éclat de la gloire toujours dûë à fon innocence & à fa fainteté, ce ne fut que pour affermir fes Apôtres dans la foi de fa Divinité, contre le scandale de la Croix, à laquelle S. Leon. fon amour pour l'homme devoit l'attahorn. de. cher; car pour lui, il ne s'entretint avec Transfig. Moyfe & Elie, que des cruels tourmens qu'il devoit fouffrir à Jerufalem; son efprit & fon coeur, loin d'être attentifs à l'éclat de la majefté divine qui l'environnoit, n'étoient occupez que du grand facrifice de fa paffion & de fa mort; il défira Mat. 8. fans ceffe le moment de le confommer fur Te Calvaire; & lorfqu'il y vit fes forces épuifées par l'effufion de fon fang, & par

les playes mortelles dont fon corps étoit couvert, il pouffa par un grand cri ces dernieres paroles vers fon Pere, avec un Joan. 19. nouvel effort d'amour pour l'homme , Confummatum eft: L'ouvrage du falut du monde que j'avois entrepris par vos ordres, ô mon Pere, eft maintenant achevé & ac- S. Leo. compli.

Voilà, mon ame, le modele de la con- I I. duite que tu devois tenir tous les jours depuis ton baptême; toute ta vie, à l'imitation de celle de Jefus, devoit être une Conc. Tr. pénitence continuelle; elle devoit, comme feff. 14. Chrétien, être une milice, une guerre,

un combat, un martyre, une vie mourante & crucifiée.

Quand tu aurois confervé la grace de ta S. Aug. régeneration en J. C. tu n'en aurois pas été dispensée, puifque la grace du Chriftianifme que tu reçus alors, eft une grace de combat, une grace de travail, de peines & de croix ; car ce penchant au mal qui refte dans le Chrétien jusqu'à fa mort & qui eft la fource funefte & inépuisable des tentations qui l'attaquent pendant la vie, cette révolte des fens, ces fautes journalieres inféparables de la fragilité humaine, ce joug impofé par J. C. ton maître & ton Juge, la vûë du Ciel qui ne Idem. s'accorde qu'à la violence & aux efforts continuels; tout cela devoit t'engager à

marcher fans ceffe dans les routes de la mortification, & à ne vouloir finir tes jours, que fous le poids de la pénitence, pour pouvoir dire à la mort avec le grand Apôtre, comme les Antoines, les Pauls, les Hilarions, les Marcelles, les Therefes, & une infinité d'autres, tous morts au monde & à eux-mêmes : J'ai achevé ma courfe, je fuis arrivé au terme de ma carriere, je touche la fin de ma vie, elle 2.Tim.4. a été bien trifte & bien douloureufe à la nature, elle m'a fouvent caufé de l'ennui, & tiré bien des larmes; mais par la mifericorde de mon Sauveur, je fuis demeuré 2. Cor. 1. fidele à fes ordres dans les rudes épreuves qu'il m'a fait la grace de foutenir, & comme ma vie a eu quelque rapport à la fienne, je meurs dans l'efperance de cette couronne de juftice qui m'eft réfervée au Cap.5.v. jour de fon avenement; trop heureux de quitter ce corps fous le poids duquel je gémis depuis fi long-tems, pour aller joüir de la préfence du Seigneur.

8.

4.

Ah! mon Jefus, que je fuis éloigné de pouvoir vous tenir ce langage de votre Apôtre; qu'il s'en faut bien que je vous aye gardé la foi & la fidelité que je vous devois tous les jours de ma vie ; je rougis & je fuis penetré d'une vive douleur d'avoir toujours été infidele aux promesses. S. Bern. de mon baptême, d'avoir toujours tenu

une conduite fi oppofée aux engagemens que j'avois avec vous; votre mifericorde eft pour mon falut le feul afile que je puisse

avoir.

III.

Joins maintenant, mon ame, à cette loi de la pénitence continuelle du jufte, celle qui t'obligeoit comme pécheur, de ne cefler de verfer des larmes fur la perte de la grace de ton Dieu, d'implorer fans ceffe fa mifericorde par les rigueurs de la pénitence, de fléchir fa juftice par l'oblation perpetuelle d'un efprit humilié & d'un cœur contrit, de repaffer continuellement dans une amertume falutaire ces jours Ifai. 38. d'iniquité, ces mois, ces années d'injuftice dans lesquelles tu as vêcu.

Pouvois-tu ignorer que quand la bonté

de Dieu t'auroit accordé comme à David, zReg.12. le pardon de tes fautes (ce dont tu n'as pas la même certitude qu'avoit ce Prince pécheur & pénitent;) pouvois-tu, dis-je, ignorer que cette bonté de Dieu ne dé truit pas les droits de fa juftice, & qu'en accordant à la douleur fincere & veritable, la rémiffion du péché, elle impofe auffi-tôt Deut.38. une pénitence qui n'eft pas moins longue que la vie même ?

Que je m'étois donc bien trompé, ô mon Sauveur ! d'avoir fi fouvent crû, au

moins par ma conduite délicate, lâche & S. Amb. fenfuelle, que vos larmes devoient arrêter

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