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& tu lui as ravi le fruit de fes fouffrances & de fa mort, pour ne vivre qu'à tes paffions meurtrieres; loin de conferver l'efprit de J. C. que tu avois reçû au Baptême, qui eft un efprit d'anéantiffement, de, pénitence, de pauvreté, de retraite & d'éloignement du monde, tu n'as eu que l'efprit de ce fiecle profane, toujours ennemi du Sauveur & de fes vertus ; loin de t'eftimer heureuse de vivre dans une dé pendance entiere à fa grace, tu n'as aimé que la fervitude du peché, dont tu t'es fi fouvent rendue l'esclave; loin de faire Rom. 6, fervir à la gloire de ce divin Maître toutes 19. tes puiffances, & les facultez de ton corps, tu les as employées à faire naître, & à nourrir en toi differentes paffions, dont tu t'es fait autant d'idoles, que tu as adorées par une obéiffance injufte & crimi- Ifai. 43. nelle,

Ah! Dans combien d'occafions as-tu fait paroître ton indifference ou ton dégoût pour les pratiques faintes de la Religion; je veux dire, pour l'affiftance aux divins Offices, pour les inftructions de r'Eglife, & pour les lectures de pieté qui pouvoient te conduire & t'attacher à Dieu? Combien de fois as-tu abandonné fon fervice, violé les loix de l'abftinence & du jeûne, négligé le fecours ou la vifite

texte d'une fanté mauvaise ou chancelante, pendant que tu pouvois n'en pas manquer, lorfqu'il s'agiffoit de pourfuivre un léger interêt, ou de goûter les plaisirs que le monde féducteur te préfentoit, ou de fuivre fes ufages & fes modes, quoique gênantes, qu'il inventoit, ou d'éviter fa cenfure que tu craignois, ou de contenter dans tes repas les demandes d'une chair trop fenfuelle, en prenant des nourritures peu convenables à l'état d'un infirme, & d'un Chrétien infirme, qui doit toujours entrer dans l'efprit de l'Eglife, & obéir à fes Loix, autant & en la maniere qu'il le peut? Combien de fois as-tu dit (du moins par tes actions) que les jours paffez dans les divertiffemens du fiecle, dans la converfation toute profane des gens du monde, ou dans les amusemens de l'amour propre, font beaucoup plus agréables que ceux que l'on paffe dans le faint Temple fous les yeux de Dieu, ou dans l'exercice de la priere? N'étoit-ce pas-là, mon ame, rougir de la Croix du Sauveur, & de fa Religion? Si fa grace qui a follicité ta converfion en tant de manieres, t'a quelquefois convaincu de l'obligation de te dévouer à fon service, n'as-tu pas toujours balancé de te donner tout à lui? N'as-tu pas toujours cherché des ménagemens & des raifons , pour n'être pas obligé de lui

faire certains facrifices, qui te paroiffoient S. Bern. trop pénibles? Et n'as-tu pas toujours tâché de lui rendre le moins qu'il t'a été poffible, pendant que lui-même n'a rien épargné pour toi, & qu'il a tout facrifié, qu'à fa propre vie, pour ton falut?

juf

21.

III.

Repaffe donc, mon ame, dans une amertume falutaire en présence de Jesus immolé pour toi fur cette Croix, tant d'an- Rom. 6. nées que tu as paffées dans l'indépendance de Dieu & de fa loi, dans le refus ou dans le partage de ce dévouement à fon fervice, dans l'abus de fes graces, dans le mépris de fa parole & de fes exemples; demande à ce Sauveur plein de miféricorde ces gémiffemens, ces foupirs & ces larmes néceffaires pour pleurer l'injufte & criminelle préference que tu as donnée au monde, en facrifiant pour lui un coeur dont Dieu étoit fi jaloux, ne l'ayant formé & prévenu de tant de faveurs que pour lui feul.

Jerem.17:

Ah! cœur ingrat & infidele, ne rougis point de confeffer l'averfion que tu as euë Isai 1. 37 du joug & de la Croix de ton Sauveur, l'éloignement que tu as fait paroître pour les mortifications qu'il t'impofoit, pour ce renoncement & pour cette mort fpirituelle qu'il t'ordonnoit de te donner. Eh! quoi donc, dois-je me dire à moi-même, en

Pourquoi J. C. étant fur la Croix a-t-il honoré la fainte Eglife de la qualité de fon Epoufe, finon afin que les enfans qui naîtroient d'elle par le Baptême, fe fissent un devoir & un honneur de partager les fouffrances de fon divin Epoux? Pour quelle fin le Prêtre a-t-il imprimé fur mon front au Baptême le figne de la Croix du Sauveur, finon pour m'animer à me glorifier d'être le difciple de ce divin Maître, par De Imit, la conformité de ma conduite à la fienne? Chrift. 1. Pourquoi a-t-il exigé de moi des promeffes 2, c. 12. fi folemnelles de renoncement au monde

& à moi-même, avant de m'accorder l'onction fainte des Catéchumenes, finon pour me faire reffouvenir que le premier pas du Chriftianifme eft un engagement à combattre fans relâche tous les penchans de la chair, & que la premiere grace que l'on reçoit au Baptême, eft une grace de combat, une grace de croix & de mortification continuelle? Pour quelle fin la fainte Eglife expofoit-elle fans ceffe à mes Gal. 3. yeux la Croix de Jefus, finon pour m'ap prendre que ce feroit mal reconnoître le 2. Cor. 5. prix de la mort d'un Dieu fait homme, que de ne mourir qu'une fois pour lui, &

pour m'engager par la vûë de cette mort S. Petr. qu'il a fouffert pour moi, à me faire un Chrif. fupplice de la vie, à mourir tous les jours ferm.128 par reconnoiffance, au monde, au peché,

à moi-même, & à n'être fenfible qu'à ce qui regarde l'honneur d'un Dieu humilié, anéanti & mort pour mon falut? Pourquoi cette même Eglise nous annonçoit-elle fi fouvent dans les inftructions la néceffité Act. 20. de la pénitence envers Dieu, finon pour nous apprendre que la juftice divine ne vouloit pas feulement que nous adoraf fions un Dieu mort pour notre falut, mais que nous mouruffions encore avec lui par les travaux de la pénitence, pour avoir part à cette grace du falut qu'il nous a méritée fur la Croix ? Pourquoi enfin ce S. Aug. divin Sauveur a-t-il ordonné à fon Eglife de renouveller chaque jour fur les autels la mémoire du grand facrifice de fa Croix, finon pour t'engager, en y affiftant une infinité de fois, non-feulement à gémir des crimes qui ont caufé fa mort fur le Calvaire, mais encore à entrer en unité de facrifice avec lui, à t'immoler à fon exemple à la majefté divine, par la deftruction de tous les penchans qui nous lient aux créatures, & à te préparer par cette immolation fpirituelle de toi-même à ce grand facrifice que tu dois lui offrir à la mort par la deftruction totale de ton être ?

Quoi donc ! Ne t'avoit-il pas fait part de fon Sacerdoce par l'onction fainte du

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