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hostiles les uns aux autres, pour renverser nn ministère qui gênait toutes les ambitions; ajoutez encore le scandale de ces guerres de portefeuilles, qui allaient jusqu'à faire rejeter les lois les meilleures, par cela seul que c'était le pouvoir qui les présentait, et qu'il fallait à tout prix faire tomber du pouvoir ses rivaux pour se mettre à leur place. Rappelez-vous encore celui-ci montant à la tribune et flétrissant, avec une éloquence indignée, la politique extérieure du ministère, puis, et bientôt après, prenant à son tour le pouvoir et y faisant exactement la même chose que son prédécesseur; jouant le même air, pour nous servir du langage de l'époque, mais avec la prétention souvent fort peu fondée de le jouer mieux. Rappelez-vous enfin celui-là, peu content d'attaquer tous les jours, par lui et par les siens, la conduite des ministres responsables, visant plus haut, et dénonçant un jour, dans son dévouement monarchique, ce qu'il nommait le gouvernement personnel, découvrant ainsi la couronne, et livrant l'inviolabilité royale aux discussions et à la haine des partis. Souvenez-vous de tout cela, et vous aurez le triste et fidèle bilan des Assemblées parlementaires, depuis Juillet jusqu'à la révolution de Février.

A partir de Février, les choses changent-elles? Ici, au moins, les Assemblées commencent à sortir de leur source légitime, le peuple. Ce fut là

le seul bienfait de cette révolution, qui, en déchaînant sur le monde les utopies les plus folles, plaça au moins à côté d'elles le vote universel qu'elle chargea de les apprécier, de distinguer en elles le bon grain de l'ivraie, l'or pur du cuivre et du clinquant. Mais les deux Assemblées issues du suffrage de tous ont-elles bien fidèlement représenté ce peuple, des entrailles duquel elles étaient sorties? Se sont-elles préoccupées plus que leurs devancières des intérêts publics?

Non, l'intérêt national y a été encore sacrifié aux intérêts des coteries, aux mesquines intrigues, aux calculs des ambitions et des convenances personnelles. Voyez d'abord l'Assemblée Constituante. Grande à son origine dans sa lutte avec la démagogie, elle se rapetisse, s'abaisse à ses derniers moments, par son opposition acharnée à l'élection du futur Président de la République. Elle arbore la bannière d'un autre candidat; et puis, quand la France condamne hautement ces préférences par le choix spontané de LouisNapoléon, cette Assemblée refuse de comprendre son arrêt, refuse de se dissoudre en face d'un pouvoir exécutif nommé en dépit d'elle, et marchande avec lui les quelques jours qui lui restent à vivre! Voyez maintenant l'Assemblée Nationale. En 1850, sous la pression de circonstances graves, elle vote la loi du 31 mai; elle ne tarde pas à acquérir la conviction que cette loi

que

de

chasse des comices le tiers des anciens électeurs, c'est dès lors une œuvre de malheur, une loi guerre civile réprouvée par l'opinion publique; alors Louis-Napoléon, voulant l'associer à un acte réparateur et de bonne justice, propose à l'Assemblée d'abroger cette loi. Mais l'Assemblée répond par un refus au projet du Gouvernement. Et pourquoi ce refus? C'était bien moins, de la part des membres de la majorité, tendresse paternelle pour leur œuvre chérie, que parti pris de repousser tout ce qui pouvait, dans une mesure quelconque, faire honneur ou porter profit au gouvernement.

Ainsi, même opposition systématique aux actes du pouvoir chez les deux Assemblées républicaines et chez les Chambres de la monarchie; outre cela, mêmes coalitions composées d'éléments hétérogènes et destinées à battre en brèche les ministères; même insuffisance d'œuvres utiles, même attention curieuse et avide aux débats personnels, scandaleux, et même indifférence pour les choses sérieuses, les lois pratiques, les lois d'affaires, comme il arrive pour ces hommes qui ont besoin de liqueurs fortes ou de mets énergiquement épicés pour stimuler leur estomac ouleur palais blasé, et qui repoussent les aliments plus simples ou les boissons plus saines; même tapage enfin, et égale stérilité: voilà ce que nous découvrons.

Nous allions oublier un trait dans le tableau que nous venons d'esquisser à la hâte. Nos deux dernières Assemblées, il faut le reconnaître, ont dépassé leurs devancières sous un rapport; nous entendons parler ici de cet échange perpétuel d'injures d'un banc à l'autre, de ces grossiers outrages, de ces poings furieux et crispés, de toutes ces scènes de pugilat dont nos législateurs ont donné si souvent le désolant spectacle, et qui faisaient ressembler le temple de la loi à une halle ou à un cabaret où se querellent des hommes ivres.

Oui, il faut le dire bien haut, car le moment de la vérité est venu. Les deux dernières Assemblées délibérantes, comme celles qui les ont précédées, n'ont pas eu de plus grands ennemis qu'elles-mêmes; elles ont compromis le système parlementaire, elles ont tout discrédité, jusqu'au droit d'interpellation, dont elles ont fait un si vain et si fréquent usage; jusqu'au droit d'initiative, qui n'a servi qu'à faire défiler journellement à la tribune les propositions les plus indigestes, les théories les plus extravagantes.

Dans cet état de choses, est-il donc étonnant que l'opinion ne se soit pas émue de la chute de l'Assemblée législative? c'est le contraire qui nous aurait surpris. Maintenant, pouvait-elle, devaitelle s'émouvoir davantage du silence imposé à la presse et à la Constitution?

La presse, ce quatrième pouvoir dans l'Etat, comme on l'a appelée, qui pouvait faire tant de bien et qui a déjà fait tant de mal! qui n'a jamais rien su édifier et n'a amoncelé que des ruines! qui aurait pu être le flambeau qui éclaire, et n'a été dans quelques mains que la torche qui dévore et qui brûle! la presse, outil de calomnie et de dénigrement systématiques!

Mais la Constitution, dira-t-on, la loi fondamentale!

La Constitution! belle Constitution en effet que cette loi républicaine qui dit à l'électeur: « Tu n'auras pas le droit d'accorder deux fois de " suite ta confiance au même homme. Cet homme aura beau avoir bien gouverné, bien rempli ton premier mandat, tu n'auras pas le droit ⚫ de le récompenser ; je te condamne à en nommer un autre. » Belle Constitution, que celle qui exige les trois quarts des suffrages des membres de l'Assemblée Nationale pour que la loi fondamentale puisse être révisée, plaçant ainsi la majorité sous le joug de la minorité! Belle Constitution, que celle qui refuse au pouvoir exécutif toute part dans la puissance législative! qui crée une Assemblée unique, sans contre-poids et sans contrôle, et met ainsi aux prises, d'un côté un corps si puissant, de l'autre un Président issu de cette force immense qui s'appelle le vote universel! -Evidemment il ne pouvait sortir de là que

des

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