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de préface. L'histoire de Louis-Napoléon n'a pas été encore faite; on n'a écrit sur lui que des biographies incomplètes, dont les unes s'arrêtent en 1848, les autres à des dates antérieures; et encore, parmi ces brochures, il s'en trouve plus d'une où les faits ont été travestis, les intentions dénaturées, l'homme calomnié. Nous avons cru rendre service à nos concitoyens en leur donnant une histoire complète, vraie, fidèle, de la vie d'un homme que tous sont intéressés à connaître sous son vrai jour.

Paris, ce 10 janvier 1852.

NOTA.

Cette préface, comme on le voit, a été écrite avant la promulgation de la nouvelle Constitution, qui, du reste, a justifié presque toutes nos conjectures.

1

DE

LOUIS - NAPOLÉON BONAPARTE.

CHAPITRE PREMIER.

SOMMAIRE.-Portrait de Louis-Napoléon.-Son enfance.-Vive amitié que l'Empereur lui témoignait.-Exil, séjour en Suisse.-Son éducation, sa jeunesse.-Traits de courage et de bonté.-Napoléon en Italie en 1830.-Mort de son frère aîné.-Dangers qu'il court luimême.-Voyage en France, son séjour à Paris avec sa mère en 1831. -Départ pour l'Angleterre.-Retour en Suisse.-Offre des chefs de l'insurrection polonaise.-Les trois premiers ouvrages du Prince.Mort du roi de Rome son cousin.-Lettres du Prince.-Louis-Napoléon refuse le trône de Portugal. - Nouvelles lettres.-Nouveaux écrits du Prince.-Lettre de la reine Hortense sa mère.-Prédiction d'une somnambule.

C'est une vie d'épreuves et de combats, une vie riche d'émotions, pleine de péripéties variées, que nous entreprenons d'écrire. Exil, captivité, dangers de toutes sortes, telle a été la route par où Louis-Napoléon est parvenu au gouvernement de la France. Son oncle commença par les Tuileries, d'où il partit pour Sainte-Hélène; il a commencé, lui, par le château de Ham, pour finir par les Tuileries. Jeux étonnants de la fortune! Pendant vingt ans passés il a lutté, souffert; mais

dans l'adversité, dans ces moments où les natures les mieux trempées s'affaissent et désespèrent de leur sort, il n'a jamais du moins vu son courage l'abondonner, sa confiance défaillir; c'est qu'il portait dans l'âme ces deux puissants mobiles, la foi et l'admiration; admiration pour son oncle, et foi en son pays. C'est qu'il avait toujours devant les yeux un grand modèle à suivre, modèle de dévouement patriotique comme de gloire et de génie; c'est qu'il aimait la France en fils passionné, et qu'il savait que la France n'attendait, elle aussi, qu'un moment favorable pour lui prouver qu'elle l'aimait en mère; c'est enfin qu'il sentait qu'il était seul l'homme de l'avenir, l'instrument de la providence prédestiné à l'accomplissement d'une œuvre glorieusement commencée par l'Empereur, mais depuis lors fatalement interrompue.

Cœur fidèle à toutes ses amitiés, regard d'homme d'état pénétrant et profond, intelligence rare des besoins de son siècle, esprit indépendant qui repousse toutes les dominations et a su s'affranchir de la tutelle de tous les partis exclusifs, vie recueillie, austère et studieuse dans tous les temps, ardeur peut-être un peu impatiente dans la jeunesse, et puis dans la maturité, grâce à l'adversité dont les leçons ne sont jamais perdues pour les âmes d'élite, énergie contenue qui, sous des dehors mélancoliques, trompa les esprits

superficiels et les hommes réputés les plus habiles; volonté forte et patiente qui marcha toujours droit à son but sans s'arrêter.jamais, mais en sachant choisir son jour et attendre son heure; enfin, homme d'étude et homme d'action tout à la fois, l'intrépidité du soldat et le sang-froid du diplomate, c'est-à-dire l'assemblage remarquable de qualités diverses et qui s'excluent presque toujours; tel va nous apparaître, dans le cours du récit que nous commençons, Louis-Napoléon Bonaparte.

Charles-Louis-Napoléon Bonaparte naquit à Paris, le 20 avril 1808, au milieu des splendeurs impériales, au moment où son oncle venait d'atteindre les plus hauts sommets de la gloire et de la puissance, où il voyait l'Europe à ses genoux. Charles-Louis-Napoléon était fils de la reine Hortense, cette femme d'élite qui apporta sa grâce souriante, son exquise beauté, sa charité inépuisable, dans cette cour impériale où rayonnèrent de si mâles courages. Il eut pour père Louis-Bonaparte, frère de l'Empereur, cet honnête homme couronné qui, placé à la tête de la Hollande et forcé de choisir entre les intérêts de ses sujets et ceux de la France, aima mieux descendre volontairement du trône, que de manquer à l'un ou l'autre de ses devoirs et d'être mauvais Français ou mauvais roi,

Depuis Hambourg jusqu'à Rome, des Pyrénées

jusqu'au Danube, le canon salua la naissance du jeune prince. Un sénatus-consulte du 28 floréal an xii, confirmé par un autre du 5 frimaire an XIII, soumis à l'acceptation du peuple Français et accepté par 3,521,675 suffrages contre 2,579 votants, l'appelait éventuellement au trône impérial ainsi que son frère aîné, Napoléon-Louis, dans le cas où Napoléon et Joseph, leurs deux oncles, mourraient sans héritiers (1). Inscrit le premier sur le registre de famille destiné aux enfants de la dynastie napoléonienne, et confié à la garde du sénat, le nouveau né, Charles-Louis-Napoléon, fut baptisé au Palais de Fontainebleau, le 10 novembre 1810, par le cardinal Fesch; il eut pour parrain l'Empereur, pour marraine l'Impératrice Marie-Louise, et toutes les illustrations de cette époque contribuèrent par leur présence à l'éclat de cette solennité.

Tout le monde connaît cette anecdote d'Henri IV, qu'un ambassadeur étranger surprit un jour marchant à quatre pattes sur le tapis de sa chambre à coucher, avec un de ses enfants sur le dos. Sous ce rapport comme sous d'autres, Napoléon-le-Grand ressemblait fort à Henri IV; comme tous les hommes de cœur, il aimait beaucoup les enfants, et surtout ceux de son frère Louis. Il ne cessa jamais de les chérir, même lorsque plus

(1) Voyez note 1 à la fin du volume, pièces justificatives.

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