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La révolution de Juillet, on le sait, eut son contre-coup en Italie: depuis longtemps déjà ce pays s'agitait sourdement, et les idées d'indépendance et d'unité fermentaient dans le sein des masses. Rome, mal gouvernée alors, et qui allait tomber aux mains d'un prêtre si différent du vénérable Pie IX, Grégoire XVI, pontife peu éclairé, Rome n'était pas demeurée étrangère à ce frémissement de tout un peuple, à ces aspirations générales vers une nationalité perdue et qu'on voulait reconquérir.

Sollicité d'apporter son concours à ce mouvement, Louis-Napoléon ne vit d'abord que la grandeur du but: des fers séculaires à rompre et une nation à affranchir. Il obéit aux généreux entraînements de la jeunesse, et entra dans une vaste conjuration qui embrassait toute la Péninsule. Mais, le secret des conjurés ayant été trahi, il fut forcé de quitter Rome où le mouvement devait s'accomplir, et de se soustraire aux poursuites de la police pontificale. Il alla trouver à Florence son frère aîné, Napoléon-Louis, lorsqu'à son arrivée en cette ville éclatèrent les troubles de la Romagne, lesquels se rattachaient au coup de main manqué à Rome. Les patriotes romagnols firent appel aux deux princes Bonaparte, qui n'hésitèrent pas à leur accorder le concours de leur nom et de leur épée.

Ici commence la vie active de Louis-Napoléon.

« Votre affection, écrivait-il à sa mère dans cette «< circonstance, comprendra notre détermina<< tion; nous avons contracté des engagements «< que nous ne pouvons manquer de remplir. « Pourrions-nous rester sourds à la voix des « malheureux qui nous appellent! Nous portons « un nom qui oblige.

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Les deux frères se joignirent donc aux indépendants de la Romagne.

Cette insurrection avait peu de chances de succès d'une part, l'Autriche était trop forte, et d'un autre côté, comme en 1848, l'unité, l'harmonie de desseins et de vues, ces deux indispensables conditions de la victoire en pareil cas, manquaient à l'Italie. Mais toujours est-il que le succès n'était possible à cette époque, que si l'on prenait hardiment l'offensive, si on étonnait l'ennemi par la rapidité et la vigueur des opérations, par une attaque prompte et résolue avant que des renforts lui arrivassent.

C'est là ce que comprit Louis-Napoléon, qui fit preuve, dans ces circonstances, de la sagacité et de la décision d'esprit qui forment les deux traits les plus saillants de sa personnalité. Il arma précipitamment une troupe peu nombreuse, et, suivi d'un canon qu'il avait mis lui-même en état de servir, il courut s'emparer de Civita-Castellane.

Il avait pris cette détermination de lui-même, sans consulter personne. Mais le Ministre de la

guerre de l'insurrection, mécontent de cet acte d'initiative, soit qu'il n'entrât pas dans ses vues, soit qu'il blessât sa vanité de chef, crut devoir envoyer à Louis-Napoléon l'ordre de suspendre ses opérations. Le Prince repartit alors pour Bologne, et bientôt les forces des Autrichiens s'étant de plus en plus accrues, selon ses prévisions, et se trouvant de beaucoup supérieures à celles des insurgés, il fallut opérer sa retraite, d'abord sur Forli, puis sur Ancône. L'Autriche était encore une fois triomphante; le rêve de l'Italie ne s'était pas réalisé.

Cette retraite eut lieu au double cri de Vive la liberté ! Vivent les Bonaparte! Les deux Princes, en effet, payèrent bravement de leur personne pendant cette courte campagne. « Soyez fière,

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Madame, disait à la reine Hortense le général Armandi, dont nous citons textuellement les paroles; soyez fière d'être la mère de tels fils. Toute leur conduite, dans ces tristes circon«stances, est une série d'actions de courage et « de dévouement, et l'histoire s'en souviendra. »

Louis-Napoléon, à cette époque, n'eut pas seulement à pleurer sur la défaite de la cause pour laquelle il venait de combattre : une douleur plus personnelle lui était réservée, et fit saigner son cœur. Il perdit, à Forli, son frère aîné, subitement emporté par une fluxion de poitrine. Ainsi frappé dans ses plus chères affections, dans toutes

les aspirations de son esprit et de son âme, le jeune Prince tomba malade à Ancône.

On devine les dangers qui le menaçaient; on comprend les griefs qu'alléguaient contre lui les deux Gouvernements de l'Autriche et de Rome. On sait avec quelle rigueur impitoyable furent traités plusieurs des chefs de l'insurrection de la Romagne. Heureusement, Andromaque était là pour sauver son Astyanax.

La reine Hortense, à la première nouvelle de la mort d'un de ses fils et du péril de l'autre, était accourue à Ancône. Il fallait, avant tout, soustraire à d'actives vengeances l'unique fils qui lui restait. Il fallait appeler à son aide une de ces inspirations que l'excès du malheur donne parfois aux mères. Dévorant ses larmes secrètes, cachant sous un sourire son désespoir et ses terreurs, la pauvre mère fit courir le bruit que Louis-Napoléon s'était évadé pour aller chercher un refuge en Grèce. Logée à quelques pas du commandant des troupes autrichiennes, elle réussit néanmoins à dérober son fils aux yeux de la police. Puis, à l'aide d'un passeport anglais, elle le conduisit sous un déguisement à travers l'Italie, occupée par les forces de l'Autriche, et de là à Paris, malgré la loi de proscription, qui rendait leur présence en France si dangereuse. La reine Hortense ne voulait, du reste, passer que quelques jours à Paris, pour y donner à la santé de son fils le temps de

se rétablir. Son intention était de retourner en Suisse.

Elle descendit de voiture rue de la Paix, à l'hôtel de Hollande, à quelques pas de la colonne de la place Vendôme.

Depuis que Louis-Napoléon était parti tout enfant pour l'exil, c'était la première fois qu'il revoyait le ciel de la patrie. Il était homme cette fois, en possession de toute son intelligence et de toute sa raison. Enfant, il avait pleuré en partant; homme, il sentit aussi les larmes lui venir aux yeux et le cœur lui battre violemment en posant pour la première fois le pied sur la terre de France. Nous n'avons pas besoin de dire de quelles émotions il dut être agité, lorsque, des fenêtres de l'hôtel si heureusement choisi par sa mère, il vit la colonne élevée à la gloire de nos armes et de son oncle.

Le Gouvernement français ignorait l'arrivée de la reine et de son fils. M. Sébastiani, alors Ministre des affaires étrangères, était si bien informé à cet égard, que le jour même de cette arrivée il avait dit à Louis-Philippe : « Sire, j'ai des nou« velles très-précises de la duchesse de SaintLeu; on m'écrit qu'elle a débarqué à Corfou. » Aussitôt descendue à l'hôtel de Hollande, la reine Hortense écrivit à Louis-Philippe pour l'informer loyalement de sa présence.

«

Elle reçut dans la journée la visite de M. Ca

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