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LETTRE LXXXI.

A M. MEKNER, gentilhomme

JE

proteftant.

E fuis fâché, mon cher monfieur, de vous entendre rebattre perpétuellement contre l'églife romaine une multitude d'objec tions ufées, que M. Boffuer évêque François, a mis en poudre dans fon expofition de la foi catholique, & dans fon excellent Ouvrage des variations. Il est impoffible de fuivre à la pifte un proteftant; parce qu'au lieu d'attendre la réponse à la question qu'il propofe, il en fait une nouvelle, & qu'il ne donne jamais le tems de refpirer.

Si vous me parlez tout à la fois du purgatoire, de l'eucharistie, du culte des faints, il eft impoffi

ble que je vous replique au même inftant fur ces trois points. Une controverfe doit être raisonnée, fi l'on veut s'entendre, & conféquemment elle exige qu'on traite un fujet à fond, avant de paffer à un autre. Sans cela nous frapperons l'air, & nous aurons le fort de tous les ergoteurs, qui, après avoir bien argumenté, finiffent par demeurer opiniâtrement dans leur fentiment.

Vous êtes convenu de la marche que j'établis, de vous prouver par l'évangile même & par les épîtres de St. Paul, que vous recevez comme un ouvrage infpiré toutes les vérités que vous conteftez; & de vous faire voir que tradition, fans nulle interruption, les a toujours enfeignées.

la

Et s'il en étoit autrement, vous fauriez le jour, la date où nous aurions innové; à moins que vous ne vouliez nous perfuader, que

toute l'églife, dans un clin-d'œil, malgré tous fes membres difperfés, changea fa croyance, fans s'en appercevoir; mais quelle abfurdité !

Les reproches que vous faites continuellement à l'église romaine, mon cher monfieur, fur le célibat qu'on prescrit aux prêtres & fur la coupe qu'on retranche aux fideles dans la participation aux faints mysteres, tombent d'eux-mêmes, quand on penfe que le mariage & le facerdoce fe réuniffent encore tous les jours chez les Grecs catholiques, & qu'on y donne à tous les fideles la communion fous les deux efpeces.

Revenez à l'église de bonne foi; & le grand pape qui la gouverne aujourd'hui, ne vous rejettera pas de fon fein, parce que vous avez des miniftres mariés, & que vous defirez l'ufage de la coupe. Sa prudence trouvera un

tempérament qui vous accordera tout ce qu'on peut accorder, fans altérer le dogme & la morale, mais en changeant feulement la difcipline, qui de tout tems fut fujette à varier.

Le cardinal Querini, que le zele pour votre retour confume perpétuellement, fera votre médiateur auprès du Saint Pere. En revenant au Pape, vous revien drez à celui qui étoit autrefois votre chef; car c'eft vous qui vous êtes éloignés. Les abus qui régnoient alors dans l'églife, parce qu'il eft néceffaire, comme dit Jefus-Chrift, qu'il y ait des fcandales & des héréfies, ne pou voient abfolument autorifer vos ancêtres à fe révolter & à fe féparer. Ils n'avoient que la voie des représentations; &, s'ils fe fuffent bornés à cet objet, fans y mettre ni aigreur, ni fiel, ni efprit de rebellion, ils auroit sûre,

ment obtenu quelque réforme. Pour guérir quelques tumeurs d'un corps, on ne fe met pas en devoir de le mutiler, ou de l'étouffer.

Bien des proteftans reviendroient, s'ils n'étoient point arrê tés par un miférable refpe&t humain; car il eft impoffible qu'en lifant auffi fouvent la fainte écri ture qu'ils le font, ils n'y apperçoivent pas les prérogatives du chefdes apôtres, & l'infaillibilité de l'églife, qui ne peut jamais enfeigner aucune erreur, d'autant plus que Jefus-Chrift eft réellement avec elle jufqu'à la confommation des fiecles, fans nulle interruption: Omnibus diebus vitæ, ufque ad confummationem fæculi.

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Il ne faut que des yeux pour voir qui de l'églife romaine, ou de l'églife proteftante a raifon. L'une paroît cette montagne

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