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L'églife fe vit fuccéder à la fynagogue; & les apôtres, qui en furent les colonnes, eurent des fucceffeurs qui doivent fe renouveller jufqu'à la fin des tems. Selon ce plan tout céleste, & cette économie toute divine, la réalité fuccede à l'ombre; car toute l'ancienne loi ne repréfentoit que Jesus-Chrift; & l'évidence après la mort, fera la récompenfe de la foi. On verra Dieu tel qu'il eft, & l'on fe repofera éternellement en lui.

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Voilà, monfieur comment vous devez débuter dans votre ouvrage fur la religion, aller à la fource, faire voir fon excellence, s'élever avec elle jufqu'au ciel, d'où elle defcend, & où elle doit

retourner.

-La religion ne fe trouvera dans fon centre, que lorsqu'il n'y aura plus d'autre regne que celui de la charité; car ce n'eft ni la fcience

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qui fait fon mérite, ni fa magnificence extérieure, mais l'amour de Dieu. Il est la base de notre culte; & nous ne fommes que des fimulacres de vertu, fi nous n'en fommes pas perfuadés.

Je confidere la religion comme une chaîne, dont Dieu lui-même eft le premier anneau, & qui s'étend, ainfi que l'éternité. Sans ce lien, tout fe diffout, tout se renverfe; les hommes ne font plus que des animaux dignes de mépris; & l'univers n'a rien qui puiffe intéreffer: car ce n'eft ni le foleil nila terre qui en font le mérite, mais c'est la gloire d'être renfermé dans l'immenfité de l'Etre fuprême, & de ne fubfifter que par Jefus-Chrift, conformément aux paroles de l'apôtre : Omnia per ipfum, & in ipfo conf

tant (1).

(1) Toutes chofes ne fubfiftent que par lui, & en dui.

Ayez foin qu'il n'y ait rien dans votre ouvrage qui ne foit digne de votre fujet; & lorfque fur votre route, vous rencontrerez

quelque fameux incrédule ou quelque célebre héréfiarque, renverfez-le avec le courage qu'infpire. la vérité, mais fans oftentation & fans aigreur.

La caufe de la religion eft fi belle à foutenir, elle qui réunit en fa faveur tous les témoigna ges de la terre & du ciel, qu'on ne doit la défendre qu'avec mo dération.Des efforts d'efpritn'ont rien de commun avec la vérité. Il fuffit d'expofer la religion telle qu'elle eft, difoit faint Charles Borromée, pour en faire connoître la néceffité. Les hommes qui voulurent fe paffer d'un culte, ou fe réduifirent à manger du gland, ou donnerent dans les plus grands

excès.

Il y a plus de quarante-cinq

ans que j'étudie la religion, & j'en fuis toujours plus frappé. Elle eft trop élevée pour être l'ouvrage de l'homme, quoiqu'en dife l'impiété.Rempliffez-vous de l'efprit de Dieu avant de rien écrire, pour ne pas donner de vaines paroles. Si le cœur n'est pas d'accord avec la plume, qui exprime des vérités faintes, on touche ra rement fes lecteurs. Pénétrez leur ame du même feu que Dieu luimême apporta fur terre; & votre livre produira de merveilleux effets.

Ce qui a rendu l'imitation 'fi précieufe & fi touchante, c'eft que fon auteur (Gersen, abbé de Verceilen Italie) y a mis toute la charité dont il étoit faintement embrafé.

On confond ordinairement Gerfon avec Gerfen; cependant il eft aifé de démontrer que ce n'eft ni Gerfon, ni Thomas à

Kempis, qui font les auteurs de ce livre inimitable : cela me fait un plaifir infini, je l'avoue, car je fuis enchanté de ce qu'un ouvrage auffi excellent vient d'un Italien.Il y a dans le chapitre V du quatrieme livre, une preuve évidente que ce n'eft point un François qui a composé l'imitation. Le prêtre, y eft-il dit, revêtu de fes habits facerdotaux, porte devant foi la croix de Jefus-Chrift: or tout le monde fait que les chafubles en France different de celles d'Italie, en ce qu'elles n'ont que fur le dos cette croix; mais je ne veux point differter, me contentant de vous affurer, &c.

A Rome, ce 6 Février 1749.

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