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nemi, devaient servir du moins à lui imposer et à entraver sa marche : de plus, c'étaient des points d'appui précieux pour la levée des gardes nationales, et pour l'insurrection des campagnes, que l'on devait organiser.

Pour comble de malheur, la Vendée ne se calmait pas, malgré les succès des colonnes mobiles. La guerre civile est un cancer politique qu'il faut extirper dans son germe, sous peine de compromettre le salut de l'état : on fut donc obligé d'y envoyer même une partie de la jeune garde pour renforcer le corps du général Lamarque. Tous ces détachements réduisirent à 120 mille combattants la force de l'armée principale qui dut se réunir entre la Meuse et la Sambre, de Philippeville à Maubeuge.

Quoique l'ennemi eût au moins 200 mille hommes en Belgique, Napoléon n'hésita pas; il importait de ne point perdre de temps pour éviter d'avoir sur les bras toutes les armées ennemies à la fois.

Parti de Paris le 12 juin, il examina le lendemain l'armement de Soissons et de Laon, puis porta, le 14, son quartier général à Beaumont!!

L'organisation de l'armée subit de grandes modifications : l'Empereur donna le commandement des corps à de jeunes généraux qui, appelés à gagner leur bâton de maréchal sur le champ

Plan d'opé

rations.

de bataille, montreraient plus d'élan pour le triomphe de sa cause. Ce bâton fut conféré à Grouchy, qui avait montré du talent et de la vigueur dans la campagne de 1814, et dans son expédition contre le duc d'Angoulême. Soult fut nommé major général à la place de Berthier, qui avait renoncé à ses drapeaux pour suivre les Bourbons, et qui se précipita des croisées du palais de Bamberg, honteux, dit-on, de se trouver au milieu des colonnes ennemies qui défilaient sous ses yeux pour se jeter sur la France (1). Davoust resta au ministère de la guerre. Mortier devait commander la garde; mais sa santé ne lui en donna pas le temps. Ney et Grouchy furent destinés à conduire les ailes de l'armée principale en qualité de lieutenants. Suchet eut le commandement de l'armée d'Italie, Rapp commanda sur le Rhin; Brune sur le Var; Clauzel et Decaen observaient les Pyrénées.

Napoléon avait quatre lignes d'opérations à choisir; il pouvait réunir ses masses à gauche vers

(1) La mort de Berthier est encore couverte d'un voile mystérieux; le fait est qu'il tomba du balcon sur le pavé, Les uns disent qu'il fut précipité par le fils d'un libraire de Nuremberg, condamné à mort sous l'empire; d'autres pensent que le spectacle des armées russes, défilant pour entrer en France, lui fit regretter d'avoir émigré.

Valenciennes, fondre par Mons sur Bruxelles, tomber sur l'armée anglaise, et la culbuter sur Anvers.

Au centre, il avait la faculté de se diriger par Maubeuge sur Charleroi, entre Sambre et Meuse, afin de tomber sur le point de jonction des deux armées de Blücher et de Wellington. Plus à droite, il pouvait descendre la Meuse, vers Namur, fondre sur la gauche des Prussiens pour les couper de Coblentz et de Cologne. Enfin, il était possible de descendre entre la Meuse et la Moselle, ou entre Meuse et Rhin, pour tomber sur le corps de Kleist, qui couvrait les Ardennes et la communication des Prussiens avec le Rhin.

Ce dernier parti ne menait à rien qu'à des menaces, qui eussent été sans résultat sur un homme de la trempe de Blücher. Il conduisait d'ailleurs trop loin du but qu'on se proposait. Une attaque sur la Meuse était plus sage; mais elle eût refoulé Blücher sur Wellington, et opéré la jonction qu'il fallait empêcher. La manoeuvre inverse par Mons, contre l'armée de Wellington, aurait pu produire, dans un sens opposé, la même jonction que l'on redoutait, en refoulant la droite des alliés sur la gauche. L'Empereur s'arrêta donc au parti de fondre sur le point central, où il pouvait surprendre Blücher en flagrant délit, et le défaire avant que Wellington pût le soutenir.

Premières opérations

en

campagne.

Pour bien en apprécier le mérite, il faut se rappeler que Napoléon n'avait pas affaire à une seule armée, sous un même chef, et n'ayant qu'un intérêt, mais, au contraire, à deux armées indépendantes l'une de l'autre, ayant deux bases d'opérations entièrement divergentes: celle des Anglais étant basée sur Ostende ou Anvers, et celle des Prussiens sur le Rhin et Cologne; circonstance décisive, et qui assurait bien plus de succès à toute opération centrale tendant à les diviser et à les combattre successivenient.

Cette entrée en campagne de Napoléon, et son a l'entrée premier plan, peuvent être regardés comme une des opérations les plus remarquables de sa vie : neuf corps d'infanterie ou de cavalerie, cantonnés depuis Lille jusqu'à Metz, durent, par des marches habilement dérobées, se concentrer devant Charleroi, au même instant où la garde, partie de Paris, y arriverait. Ces mouvements furent combinés avec tant de précision, que 120 mille hommes se trouvèrent réunis le 14 juin sur la Sambre comme par enchantement. Wellington, tout occupé de donner des fêtes à Bruxelles, croyait Napoléon encore à Paris, lorsque ses colonnes se présentèrent, le 15 au matin, pour passer cette rivière. Les troupes françaises occupaient, dès la veille, les positions suivantes : la droite, de 16 mille hommes, sous les ordres du comte

Gérard, à Philippeville; le centre, d'environ 60 mille, avec Napoléon, vers Beaumont; et la gauche, de 45 mille, à Ham-sur-Eur et Solresur-Sambre. :

Les ennemis avaient si peu l'idée de ces mouvements, que leurs armées ne se trouvaient pas rassemblées. Blücher avait le premier de ses corps à Charleroi, le second à Namur, le troisième à Dinant, le quatrième, sous Bulow, à Liége; le cinquième, sous Kleist, couvrait Luxembourg. Cependant l'Empereur apprit, en arrivant à son armée, que le général Bourmont venait de décamper, le 14, de Philippeville, pour joindre Louis XVIII et les alliés. Quelque blâmable que fût cette démarche, on peut croire qu'il ne l'aggrava pas en donnant à l'ennemi des renseignements qu'un soldat même doit taire en pareil cas. Toutefois, dans les circonstances où il s'agissait d'une surprise de cantonnements, le seul avis de l'arrivée de l'Empereur et du rassemblement de l'armée était déjà une chose grave; cette nouvelle suffisait à Blücher pour ordonner la réunion de ses corps, et déjouer ainsi tout projet de surprise. On assure du reste qu'il avait déjà ordonné cette réunion sur un premier avis reçu par un tambour de la vieille garde, qui avait déserté la veille; la présence de la vieille garde était un indice certain et suffisant pour donner l'éveil aux ennemis.

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