Page images
PDF
EPUB

est vrai

que Vandame donna formellement cette colonne pour ennemie, ennemie, il était au moins prudent de s'en assurer, et dès lors la mission contestée du général Dejean aurait été des plus naturelles; mais il fallait du moins y joindre la mission positive de diriger ces troupes sur Bry, ce qui ne fut pas fait. Cet oubli, quoi qu'on puisse alléguer, était une faute manifeste. On dira que Napoléon put voir dans la présence du corps d'Erlon une indication suffisante de la prochaine arrivée du maréchal Ney, auquel il voulut sans doute laisser le soin de diriger lui-même ses colonnes: cela se conçoit, mais ne saurait le justifier entièrement; car la fausse direction que ces forces venaient de prendre, exigeait que l'Empereur précisât, dans tous les cas, ce qu'elles avaient à faire pour remplir ses vues. Nous verrons plus tard le triste rôle que ces quatre belles divisions jouèrent.

Quoi qu'il en soit, Napoléon se mit en marche pour Ligny avec sa garde vers six heures et demie, afin de frapper sur les Prussiens un coup vigoureux, qu'il eût dépendu de lui de leur porter dès trois heures avec plus de chance de succès. La grande confiance avec laquelle il opéra cette belle attaque, autorise du reste à croire qu'en l'ordonnant il comptait fermement que le concours d'une grande partie des troupes de Ney ne lui manquerait pas, et que la colonne qui avait

donné tant d'inquiétude à Vandame, allait bientôt en causer davantage à Blücher.

Après sept heures du soir, Napoléon déboucha impétueusement par le village de Ligny avec une division de la garde, secondée par l'infanterie de Gérard, la garde à cheval et les cuirassiers de Milhaud le centre de l'ennemi fut enfoncé et rejeté en partie sur Sombref, en partie sur Bry.

:

Les Prussiens s'étaient très-bien battus durant toute la journée; mais Blücher, privé d'une réserve générale de cavalerie, n'avait plus auprès de lui la moindre infanterie à opposer à ce torrent; car, voyant le départ de la garde des environs de Saint-Amand, et prenant ce mouvement pour un commencement de retraite, il s'était dirigé avec ce qui lui restait sur Saint-Amand, dans l'espoir de poursuivre les Français. Bientôt détrompé, il accourut avec le peu de cavalerie qu'il put réunir à la hâte. Mais à quoi sert le courage d'un général en chef dans une pareille mêlée ? Son cheval, tué d'un coup de feu, tomba sur lui au moment du désordre; le maréchal resta dix minutes au pouvoir des cuirassiers français sans qu'ils s'en doutassent, et parvint, par la présence d'esprit de son aide de camp Nostitz, à regagner Bry sur un cheval de lancier. Ce fut un malheur pour les uns et un bonheur pour les autres qu'on ne l'eût pas connu, sa prise eût peutêtre influé sur les journées suivantes.

Ney est repoussé

aux

Quatre-Bras.

Du reste, ce brillant coup de vigueur, frappé malheureusement un peu trop tard, fut arrêté en partie par la nuit qui survint, en partie par le mouvement que la gauche intacte de Blücher fit du côté de Sombref; enfin, par la bonne contenance que les débris de Ziethen et de Pirch firent entre Sombref et Bry.

Tandis que les troupes impériales sortaient si glorieusement d'une attaque difficile et périlleuse, Ney n'était pas aussi heureux aux QuatreBras.

Arrivé à deux heures devant cette position avec les trois faibles divisions du corps de Reille, la division de cavalerie légère de Piré, et une brigade de cuirassiers amenée par Kellermann, le maréchal se borna à tirailler avec l'ennemi jusqu'à trois heures, que le bruit du canon de SaintAmand lui fit prendre la résolution d'aborder franchement les alliés. Mais depuis le matin les choses avaient bien changé de face. Le général Perponcher connaissant combien le point des Quatre-Bras était important pour assurer le rassemblement des différents corps de l'armée anglonerlandaise, et faciliter ensuite sa jonction avec les Prussiens, y avait pris position avec sa division et la brigade du prince de Weimar (en tout 9 mille hommes). Ces forces, dont le prince d'Orange prit le commandement, eussent été bien

facilement accablées si on les eût attaquées avec deux corps d'armée dès le matin. Wellington, arrivé à onze heures sur les lieux, avait ordonné de retirer les avant-postes engagés vers Frasnes avec ceux de Ney, afin de ne pas se laisser entraîner dans un combat inégal avant l'arrivée des renforts accourant de toutes parts. Le duc se rendit ensuite à Bry pour s'aboucher avec Blücher, et revint entre deux et trois heures. Au moment où Ney lança les divisions de Reille sur l'ennemi, la division anglaise de Picton, partie de Bruxelles, arrivait sur le champ de bataille, et était suivie de près par celle du duc de Brunswick. Cependant Ney fondit sur les alliés avec sa vigueur accoutumée. La division Foy, à gauche, marcha sur les Quatre-Bras et Germioncourt, tandis que celle de Bachelu attaquait le village de Piermont. Celle du prince Jérôme entra plus tard en action en attaquant le bois de Bossut à l'extrême gauche. Partout les troupes françaises poussèrent l'ennemi avec vigueur.

Wellington, certain de la prochaine arrivée de ses renforts, reçut ces attaques avec son sangfroid ordinaire; ce qui n'empêchapas les troupes du prince d'Orange et de Picton de céder ces postes après avoir fait des pertes sensibles. L'arrivée du corps de Brunswick rétablit bientôt la balance; on se disputait le champ de bataille avec

Derniers efforts

acharnement; et le duc de Brunswick lui-même tomba, percé de balles, au milieu des efforts qu'il fit pour le conserver.

Les choses en étaient là, lorsque Ney reçut de Ney. l'ordre du major général et l'avis que le corps d'Erlon avait dû se porter directement sur Bry. Le maréchal n'avait plus un homme d'infanterie en réserve, il voyait sans cesse les masses ennemies s'augmenter, il ne lui restait de ressource que dans une charge de ses cuirassiers, et il en avait laissé la plus grande partie avec Erlon près de Frasnes. Le maréchal courant néanmoins au duc de Valmy, lui dit : « Mon cher général, il s'agit ici du salut de la France, il faut un effort <«< extraordinaire; prenez votre cavalerie, jetez« vous au milieu de l'armée anglaise, enfoncez-la; « je vous ferai soutenir par Piré. » A ces mots, Kellermann se précipite sans hésiter à la tête de cette brigade de braves, culbute le 69° régiment, enlève les batteries, et perce à travers deux lignes jusqu'à la ferme des Quatre-Bras, où la réserve d'infanterie anglaise, hanovrienne et belge, l'accueille avec un feu si meurtier, que ses soldats sont forcés de courir au loin pour chercher les moyens de se tirer d'un si mauvais pas. Kellermann ayant eu lui-même son cheval tué, resta démonté au milieu des Anglais, d'où il eut beaucoup de peine à rejoindre les siens.

e

« PreviousContinue »