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Intérêt réel

d'attaquer

de la nuit, l'Empereur reçut le rapport de ce maréchal, annonçant qu'arrivé à Gembloux à cinq heures du soir, il y passerait la nuit, bien qu'il n'eût fait que deux lieues; dès lors il était clair qu'il ne recevrait pas l'ordre adressé à Wavre. S'il faut en croire la même relation, on lui en fit expédier la confirmation sur la route de Gembloux, espérant qu'il la recevrait à temps.

L'armée française était harassée par les pluies, les Anglais. les mauvais chemins et les marches forcées. Napoléon aurait pu trouver quelque intérêt à lui donner du repos, et à déloger ensuite Wellington par des manoeuvres; mais 300 mille ennemis ållaient envahir la Lorraine et rappeler le chef de l'état avec ses principales forces sur la Moselle; d'un autre côté, Blücher allait bientôt se rallier, se

à Wavre, si on l'avait d'abord dirigé sur Namur, comme la correspondance du major général le ferait croire; puis ensuite sur Gembloux, comme la lettre du général Bertrand le prouve. Quoi qu'il en soit, l'ordre cité ne se trouve point sur les registres de l'état-major; et du reste, il n'arriva pas à sa destination, l'officier ayant dû tomber de nuit au milieu des postes prussiens, qui le tuèrent... Quant à la confirmation de cet ordre, on n'en trouve aucune trace, à moins qu'il ne s'agisse d'une lettre du major général, écrite à dix heures du matin au Gros-Caillou, et que Grouchy reçut à quatre heures du soir devant Wavre.

renforcer, et tout exigeait ainsi d'en finir le plus tôt possible avec les Anglais.

L'Empereur avait reconnu leur position; ils occupaient, en avant de Mont-Saint-Jean, un beau plateau, dont le talus en glacis était favorable au feu, et d'où ils découvraient tous les mouvements des Français. La droite s'étendait jusque derrière Braine la Leud, et un corps néerlandais de 15 mille hommes était encore détaché jusqu'à Hall pour couvrir la chaussée de Mons à Bruxelles. La position en elle-même avait de grands avantages défensifs, car les villages de Braine et de Merbes, le château d'Hougomont, la HaieSainte, la Haie et Frischermont, formaient comme des bastions avancés qui empêchaient d'aborder la ligne: mais elle se trouvait adossée à la vaste forêt de Soignes; or, Napoléon pensait que si c'est un avantage pour une arrière-garde d'être ainsi postée, attendu que le défilé protége sa retraite, il n'en est pas de même pour une grande armée, avec son immense matériel et sa nombreuse cavalerie, n'ayant pour issue qu'une chaussée étroite et deux traverses encombrées de parcs, de blessés, etc., etc. (1); il croyait donc toutes les chances pour lui.

(1) Ceci est une des plus graves questions de la grande

Dispositions pour cette attaque.

L'opportunité de livrer bataille étant bien reconnue, restait à savoir quel système serait le plus convenable pour attaquer les Anglais. Manoeuvrer par la gauche pour déborder leur droite était difficile et ne menait à rien de décisif; ce n'était pas une bonne direction stratégique, puisque cela éloignait entièrement du centre d'opérations, qui se rattachait naturellement par la droite à Grouchy et au chemin de Lorraine : outre cela, l'aile droite ennemie était protégée par la ferme d'Hougomont et par les deux grands bourgs de Braine la Leud et de Merbe-Braine (voyez pl. xxix).

Attaquer avec la droite pour écraser la gauche des Anglais était bien préférable, puisque cela maintiendrait en relation directe ou en ligne intérieure avec Grouchy, et empêcherait la jonction des deux armées ennemies; mais pour gagner en masse cette extrême gauche, il aurait fallu s'étendre au delà de Frischermont, laisser à découvert la ligne de retraite, et se jeter dans le pays fourré de Saint-Lambert, où une défaite eût été sans remède.

Il restait à Napoléon un parti moyen à prendre,

tactique des batailles. Le général Jomini l'a discutée dans son dernier Précis de l'Art de la Guerre, et penche pour l'opinion de Wellington contre celle de Napoléon.

celui de renouveler la manoeuvre de Wagram et de la Moscowa (Borodino), c'est-à-dire, d'assaillir la gauche en même temps qu'il enfoncerait le centre. C'est un des meilleurs systèmes de bataille que l'on puisse adopter, et il lui avait souvent réussi. Forcer uniquement le centre est difficile et dangereux, à moins que le centre ne se trouve un point faible et dégarni, comme à Austerlitz, à Rivoli, à Montenotte; or, on ne trouve pas toujours des ennemis assez complaisants pour vous procurer un tel avantage, et il serait absurde de l'espérer contre une armée qui suit un bon système, ou plutôt qui connaît les principes de la guerre. Mais faire effort sur une aile, la déborder et fondre en même temps avec une masse sur le point où cette aile se rattache au centre, c'est une opération toujours avantageuse quand elle est bien exécutée.

Napoléon résolut donc de la tenter. Toutefois, au lieu de réunir le gros de ses masses contre la gauche, comme à Borodino, il les dirigea sur le centre; l'extrême gauche ne dut être assaillie que par la division formant la droite du corps d'Erlon, qui attaquerait Papelotte et la Haie; Ney dut conduire les trois autres divisions à droite de la Haie-Sainte (1); le corps de Reille appuierait

(1) Il importe de ne pas confondre la Haie-Sainte qui se

ce mouvement à gauche de la chaussée de MontSaint-Jean; les divisions Bachelu et Foy entre cette chaussée et la ferme d'Hougomont; celle de Jérôme, conduite de fait par Guilleminot, attaquerait cette ferme, point saillant de la ligne ennemie, dont Wellington avait fait créneler le château et le parc, et où il avait placé les gardes anglaises. Le comte de Lobau, avec le 6o corps et une masse de cavalerie, suivrait en troisième et quatrième ligne au centre, à droite et à gauche de la chaussée, pour appuyer l'effort de Ney sur la Haie-Sainte: enfin, vingt-quatre bataillons de gardes et les cuirassiers du duc de Valmy seconderaient au besoin ce choc décisif en cinquième et sixième ligne.

Tel fut le plan que plusieurs incidents vinrent déranger, et que Napoléon peut livrer sans crainte à l'examen des maîtres de l'art. Il ne pouvait rien faire de mieux, si ce n'est de porter ses réserves un peu plus près de sa droite, pour donner plus de vigueur à l'effort entre Papelotte et la chaussée de Charleroi.

Il eût beaucoup importé à la réussite de ce projet, de pouvoir brusquer l'attaque dès le matin; mais des torrents de pluie étaient tombés

trouvait au centre, avec la Haie qui se trouvait à l'aile gauche des alliés.

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