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Napoléon marchait aux Prussiens pour les attaquer à Wavre, il fut convenu que Wellington agirait par le même principe concentrique, et tomberait sur la gauche.

Blücher, voyant par la fausse direction de la marche de Grouchy, et par les rapports de ses flanqueurs, que Napoléon se porterait contre les Anglais et qu'il pouvait sans crainte voler à leur secours, fit partir le 18, à quatre heures du matin, les corps de Bulow et de Pirch pour Saint-Lambert, et marcha lui-même avec celui de Ziethen sur Ohain, afin de se réunir à la gauche du général anglais. Thielmann fut laissé, avec 25 mille hommes, à Wavre, pour défendre la Dyle, avec ordre de suivre les autres corps, si Grouchy ne se montrait pas. Ce plan était très-bien conçu, et il faut le dire à la louange des généraux alliés, on reconnaît, à ces combinaisons, tous les progrès qu'ils avaient faits dans l'art de la guerre.

D'après ces sages dispositions, Bulow traversait Wavre entre sept et huit heures du matin, lorsqu'un incendie violent éclata dans la grande rue de cette ville qui était l'unique passage; l'avant-garde, ayant déjà franchi ce défilé enflammé, continua sa route; mais son artillerie ne pouvant suivre, la colonne dut s'occuper à éteindre le feu. Vers midi, l'avant-garde formée à Saint-Lambert attendit l'arrivée du corps qui dé

L'armée française se retire

boucha entre trois et quatre heures des environs
de Pajeau; le corps de Pirch avait dépassé Lasne
entre cinq et six heures; Blücher, marchant avec
celui de Ziethen, avait fait des contre-marches qui
l'empêchèrent d'atteindre Ohain avant sept heures
du soir. On sait déjà la part que ces 65 mille
Prussiens prirent à la bataille de Waterloo, tan-
dis
que le
corps de Thielmann, placé sur les hau-
teurs de Bierge, qui dominent Wavre et tout le
vallon de la Dyle, se disposait à opposer un mur
d'airain à Grouchy, lorsqu'il se présenterait.

Arrivé à quatre heures devant Wavre, ce maréchal forma ses troupes, afin d'attaquer les forces laissées pour lui disputer le passage de la Dyle, qui présente un défilé très-difficile sur ce point. A cinq heures du soir, il reçut l'ordre qu'on lui avait expédié le matin à Gembloux; Grouchy porta alors Pajol avec 8 mille hommes sur Limale, attaqua avec le reste de ses forces le détachement de Thielmann, et déboucha après un combat très-vif, qui se prolongea au delà de Wavre et du moulin de Bierge. Les détails de ce combat, très-honorable pour les deux partis, et dans lequel Gérard fut blessé, ne sauraient entrer dans le cadre de notre précis.

Ce qui se passait à Mont-Saint-Jean rendit d'ailleurs ce succès plus nuisible qu'utile. Les sur Avesnes. débris de Napoléon regagnaient Genape dans un

en désordre

horrible désordre; en vain l'état-major s'efforça d'en former quelques corps: tout était pêlemêle. Il serait injuste d'en faire reproche aux troupes, jamais elles n'avaient combattu avec plus de valeur, et la cavalerie surtout s'était surpassée; mais peu habituées à se voir ainsi tournées, et près d'être enveloppées; ayant épuisé tout ce qu'elles avaient de munitions et de forces, elles crurent devoir chercher leur salut dans la retraite la plus précipitée. Chacun voulant reprendre la route qu'il avait suivie, on se croisa dans divers sens, les uns pour rejoindre le chemin de Charleroi, les autres pour se soustraire à l'ennemi qui s'y montrait déjà, et se rejeter sur celui de Nivelle le pêle-mêle fut complet. Le chef d'état-major de Blücher, homme de tête et de cœur, s'était mis, malgré la nuit, à la poursuite de cette cohue avec la cavalerie prussienne qui avait peu combattu; il parut à l'improviste devant Genape, où il lança quelques boulets et quelques obus, ce qui acheva la déroute. Le désordre y fut d'autant plus grand, qu'on avait barricadé les avenues de ce défilé, pour couvrir les parcs qui y étaient restés; et cette précaution, que les Français avaient si souvent négligée, tourna en cette circonstance contre eux, en encombrant le seul passage qui leur restât; ce qui augmenta la confusion et doubla la perte de

Fautes qui causèrent

matériel. Grouchy, de son côté, compromis au delà de la Dyle, par le succès même qu'il venait de remporter, n'eut que le temps de se jeter en toute hâte sur Namur, pour y prendre la route de Givet et de Mézières, et faillit y être prévenu par les Prussiens.

L'armée vaincue avait perdu deux cents pièces de canon, et 30 mille hommes hors de combat ou prisonniers; il en restait autant, indépendamment des 35 mille hommes de Grouchy; mais la difficulté était de se rallier devant un ennemi qui avait pris de Napoléon des leçons d'audace et d'activité. La perte des alliés n'était pas moins considérable, mais il leur restait 150 mille hommes (1), la confiance de la victoire, et la certitude d'être secondés par 300 mille alliés qui passaient le Rhin depuis Mayence à Bâle.

Telle fut l'issue de cette lutte, qui avait comce désastre. mencé sous de si heureux auspices, et qui devint plus funeste à la France, que ne l'avaient été les journées de Poitiers et d'Azincourt. Il faut l'avouer, ce désastre fut l'ouvrage d'une foule

(1) Outre les troupes engagées à Waterloo, les alliés avaient encore une belle division anglaise venant d'Ostende, une division campée à Hall, et le corps prussien de Kleist, qui n'avait pas pris part à la bataille, sans parler des autres armées.

de circonstances inouïes: si l'on peut reprocher quelques fautes à Napoléon, on doit convenir aussi que la fortune lui fut bien cruelle dans les moindres détails, et que ses ennemis, en échange, furent aussi heureux qu'ils se montrèrent habiles. Quelque injuste que soit l'esprit de parti, on est forcé de rendre hommage au mérite de deux généraux qui, attaqués à l'improviste dans des cantonnements étendus depuis Dinant et Liége jusqu'à Renaix près de Tournay, avaient pris de si sages mesures, qu'ils se trouvèrent dès le

lendemain matin en état de recevoir bataille à forces égales, et de vaincre ensuite par une habile concentration des deux armées.

Quant à Napoléon, nous avons déjà signalé les fautes d'exécution commises le 16 et le 17, tant par lui que par ses lieutenants. Dans la journée même de Waterloo, on peut reprocher aux Français d'avoir tenté la première attaque en masses trop profondes. Ce système n'eut jamais de succès contre le feu meurtrier de l'infanterie et de l'artillerie anglaise (1). J'ai déjà dit, au sujet

(1) Il est probable que ce mode de formation n'avait pas été ordonné par Napoléon lui-même; nous n'avons jamais appris qu'il se fût mêlé de prescrire à ses lieutenants de quelle manière ils devaient former leurs troupes pour les conduire à une attaque. En 1813 seulement il prescrivit la

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