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de l'attitude

de

Napoléon.

biles, 40 bataillons de vieille et de jeune garde, 20 régiments de marine. Les anciens soldats licenciés furent tous rappelés sous les drapeaux; les conscriptions de 1814 et 1815 furent levées; même les soldats et les officiers en retraite furent engagés à rentrer en ligne. Au 1er juin, c'est-àdire en deux mois, l'effectif de l'armée française avait été porté de 200 mille à 414 mille on aurait pu compter au mois de septembre sur 700 mille hommes; mais il fallait le temps. Motifs Il serait absurde de croire qu'au milieu de ces défensive préparatifs, Napoléon n'eût pas songé à l'invasion de la Belgique pour s'assurer la ligne défensive du Rhin. Dès le lendemain de son arrivée à Paris, la question en fut agitée, mais plus d'un obstacle s'y opposa. D'abord on n'avait sous la main que 40 mille hommes, la Vendée était soulevée, le duc d'Angoulême marchait sur Lyon, et les Marseillais sur Grenoble. Il importait d'être maître chez soi avant de vouloir l'être chez les autres. Une raison plus forte encore devait empêcher cette invasion. Comment allier une telle démarche avec la lettre dans laquelle l'Empereur offrait aux souverains une paix sincère et durable? S'il eût été téméraire de compter sur la bienveillance de tous, on avait encore quelques motifs de croire à celle de son beau-père. L'empereur d'Autriche avait cherché en 1814 à em

pècher son détrônement; au moment de son retour, la discussion s'échauffait avec la Russie et la Prusse au sujet du partage de la Gallicie, et du sort de la Saxe. On avait donc tout lieu d'espérer que le cabinet de Vienne consentirait, en 1815, à ce que son négociateur avait proposé lui-même en 1814: maintenir l'Empereur sur le trône, s'il consentait à l'abandon de l'Italie. Napoléon en fit la proposition, et, malgré la fameuse déclaration du 13 mars, on pouvait encore se flatter de voir le père de Marie-Louise revenir à ses premiers sentiments. Outre cela, les Français avaient blâmé le penchant de Napoléon pour la guerre; l'opinion publique étant prononcée pour la paix, eût repoussé l'idée d'une agression, avant de savoir si le maintien de cette paix était impossible.

En admettant même que l'issue de ses démarches pacifiques fût aisée à prévoir, on aurait acquis peu de chances en courant à Bruxelles, encore gardée par une armée d'occupation de la Confédération germanique : Luxembourg et Mayence n'étaient plus à la France, et ces places, ainsi que la Hollande, donnant aux alliés plusieurs débouchés sur la gauche du Rhin, il n'est pas certain que cette invasion eût été fort utile; on eût commencé à combattre sur la Meuse ou la Moselle, au lieu de le faire sur la Sambre, voilà

Napoléon

repousse

de défense

naire.

tout. Dans la supposition très-peu probable que l'on eût réussi à soumettre Anvers et Luxembourg sans un siége, il eût fallu y jeter de fortes garnisons, et les Français n'étaient guère en mesure de le faire; si, au contraire, ces places importantes demeuraient au pouvoir de l'ennemi, à quoi eût servi Bruxelles, entourée de Maestricht, de Luxembourg, de Berg-op-Zoom, d'Anvers? N'était-il pas plus sage de garder les cadres des vieux régiments sous la main, afin d'en doubler l'effectif par une nouvelle organisation, plutôt que de les éparpiller dans la Belgique?

On a dit qu'il aurait fallu recommencer une les moyens révolution complète pour se donner toutes les révolution ressources arbitraires qu'elles créent, et remuer toutes les passions pour profiter de leur aveugle dévouement, attendu que sans cela on ne pouvait sauver la France. C'était l'avis de Fouché, et plus encore celui de Carnot, qui était resté franc jacobin sous le manteau de comte. Plusieurs motifs empêchèrent Napoléon de recourir à ces moyens : le premier, c'est qu'il redoutait avec raison les orages populaires, parce qu'il n'y a point de frein pour les mener et qu'ils dévorent ceux même qui les ont excités; le second, c'est qu'il n'était point convaincu que l'anarchie et le bouleversement de tout ordre social fussent un moyen infaillible de sauver une nation: cela

réussit en 1793 par un concours de circonstances sans exemple, et qui ne se représentera probablement jamais.

Du reste, quelque crainte que l'Empereur eût de ces orages populaires, il crut nécessaire d'exciter un peu les masses, tout en masses, tout en s'appliquant néanmoins à leur poser de justes limites: la tâche est difficile et la pente glissante; il n'est donné qu'à des forcenés comme Marat et Robespierre, ou à des hommes extravagants dénués de toute expérience, de déchaîner le tigre révolutionnaire de propos délibéré. Après avoir autorisé des sociétés de fédérés, destinées à exciter l'esprit public pour la défense de la patrie, il s'agissait d'empêcher qu'elles n'étendissent leur action sur l'ordre social: il fallait pour cela une force convenable dans l'administration, et de la prévoyance dans les institutions; or, ce rôle à double face était fort pénible à soutenir.

Napoléon allait effectivement se retrouver par de nouvelles élections, en présence des républicains vaincus au 18 brumaire, des royalistes qui ne voulaient pas de son empire, et des anarchistes qui ne veulent d'aucun gouvernement. Mais en flattant les espérances des premiers et la folie des derniers, il comptait se servir de leur influence et de leurs déclamations patriotiques pour exciter le peuple à courir aux armes. En

Projets

de modifica

remettant en jeu ces éléments révolutionnaires ainsi modifiés, le chef de l'état se flattait d'en diriger l'emploi d'une main assez ferme pour repousser l'anarchie. Malheureusement les exaltés s'aperçurent bien que le règne des clubs était passé sans retour, et ils présentèrent ses précautions comme une preuve de sa soif du pouvoir, tandis qu'elles n'étaient qu'une garantie pour l'ordre social, et pour ceux qui devaient guider le vaisseau de l'état au milieu des tempêtes effrayantes dont il était menacé.

L'assemblée du champ de mai se préparait; tions aux il fallait avant tout s'expliquer franchement sur ce qu'on voulait apporter de changements aux l'Empire. institutions de l'Empire. Napoléon avait annoncé

constitu

tions de

l'intention de concerter ces changements avec les députés de la nation qui seraient délégués à cet effet; mais les déclarations du congrès de Vienne et les préparatifs de la nouvelle coalition ne laissant plus de doute sur une guerre imminente, il dut opter entre la nécessité de renvoyer les électeurs chez eux, afin de se saisir d'un pouvoir dictatorial indéfini, ou de présenter luimême les modifications qu'il était disposé à apporter à l'exercice de ce pouvoir, attendu qu'il eût été imprudent de partir pour l'armée en laissant la France sans gouvernement légal, en proie aux disputes dogmatiques, et au choc des

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