Page images
PDF
EPUB

La Saxe, dominée par la Prusse, avait été obligée d'embrasser sa querelle en 1806. L'électeur, qui n'était pas encore roi, avait dû, sous la menace d'invasion, joindre à l'armée prussienne les troupes dont il disposait. L'électoral était devenu, depuis le milieu du siècle dernier, comme une dépendance et presqu'une province du royaume de Prusse. On a vu plus haut, dans la note relative à la Confédération du Rhin, quelle était la situation de tous ces petits États intermédiaires entre l'Autriche et la Prusse. L'électeur désirait vivement échapper à l'influence de cette dernière, et ses sujets ne le désiraient pas moins. Aussi les troupes saxonnes s'étaient-elles tenues comme à l'écart pendant les opérations de la campagne, ne laissant apercevoir que des dispositions douteuses, qui ne permettaient guère de compter sur elles. Elles déposèrent les armes presque sans résistance après léna. L'Empereur les renvoya en Saxe sans conditions. Il savait que l'électeur avait agi malgré lui; il ne le regardait pas comme un ennemi. Peu après il traita avec lui. C'est par suite de ce traité que la Saxe fut érigée en royaume.

L'Empereur parle également des dangers qui menacent la Turquie, dans la pièce qu'on va lire. Nous avons fait connaître quels étaient ces dangers. On se rappelle que, le sultan Sélim étant mort, la plus grande partie de l'armée russe, au lieu de continuer son mouvement pour se réunir aux Prussiens alors engagés contre nous, avait retourné en ar rière, et s'était portée du côté du Danube sur les frontières de l'empire turc.

Sénateurs,

Message au Sénat conservateur.

Nous avons ordonné à notre ministre des relations extérieures de vous communiquer les traités que nous avons faits aves le roi de Saxe et avec les différents princes souverains de cette maison.

La nation saxonne avait perdu son indépendance le 14 octobre 1755; elle l'a recouvrée le 14 octobre 1806. Après cinquante années, la Saxe, garantie par le traité de Posen, a cessé d'être province prussienne.

Le duc de Saxe-Weimar, sans déclaration préalable, a embrassé la cause de nos ennemis. Son sort devait servir de règle aux petits princes qui, sans être liés par des lois fonda

mentales, se mêlent des querelles des grandes nations; mais nous avons cédé au désir de voir notre réconciliation avec la maison de Saxe entière et sans mélange.

Le prince de Saxe-Cobourg est mort. Son fils se trouvant dans le camp de nos ennemis, nous avons fait mettre le séquestre sur sa principauté.

Nous avons aussi ordonné que le rapport de notre ministre des relations extérieures sur les dangers de la Porte-Ottomane fût mis sous vos yeux. Témoin, dès les premiers temps de notre jeunesse, de tous les maux que produit la guerre, notre bonheur, notre gloire, notre ambition, nous les avons placés dans les conquêtes et les travaux de la paix. Mais la force des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons mérite notre principale sollicitude. Il a fallu quinze ans de victoires pour donner à la France des équivalents de ce partage de la Pologne, qu'une seule campagne, faite en 1778, aurait empêché.

Eh! qui pourrait calculer la durée des guerres, le nombre de campagnes qu'il faudrait faire un jour pour réparer des malheurs qui résulteraient de la perte de l'empire de Constantinople, si l'amour d'un lâche repos et des délices de la grande ville l'emportaient sur les conseils d'une sage prévoyance ? Nous laisserions à nos neveux un long héritage de guerres et de malheurs. La tiare grecque relevée et triomphante depuis la Baltique jusqu'à la Méditerranée, on verrait de nos jours nos provinces attaquées par une nuée de fanatiques et de barbares; et si, dans cette lutte trop tardive, l'Europe civilisée venait à périr, notre coupable indifférence exciterait justement les plaintes de la postérité, et serait un titre d'opprobre dans l'histoire.

L'empereur de Perse, tourmenté dans l'intérieur de ses États comme le fut pendant soixante ans la Pologne, comme l'est depuis vingt ans la Turquie par la politique du cabinet de Pétersbourg, et animé des mêmes sentiments que la Porte, a pris les mêmes résolutions, et marche en personne sur le Caucase pour défendre ses frontières.

Mais déjà l'ambition de nos ennemis a été confondue : leur armée a été défaite à Pultusk et à Golymin, et leurs bataillons épouvantés fuient au loin à l'aspect de nos aigles.

« Dans de pareilles positions, la paix, pour être sûre pour nous, doit garantir l'indépendance entière de ces deux empires. Et si, par l'injustice et l'ambition démesurée de nos ennemis, la guerre doit se continuer encore, nos peuples se montreront constamment dignes, par leur énergie, par leur amour pour notre personne, des hautes destinées qui couronneront tous nos travaux; et alors seulement une paix stable et longue fera succéder pour nos peuples, à ces jours de gloire, des jours heureux et paisibles.

NAPOLÉON.

COMBAT DE BERGFRIED.

L'Empereur se porta au village de Getkendorf, et plaça en bataille le corps du maréchal Ney sur la gauche, le corps du maréchal Augereau au centre, et le corps du maréchal Soult à la droite, la garde impériale en réserve. Il ordonna au maréchal Soult de se porter sur le chemin de Gustad, et de s'emparer du pont de Bergfried, pour déboucher sur les derrières de l'ennemi avec tout son corps d'armée, manœuvre qui donnait à cette bataille un caractère décisif. Vaincu, l'ennemi était perdu

sans ressource.

Le maréchal Soult envoya le général Guyot, avec sa cavalerie légère, s'emparer de Gustadt, où il prit une grande partie du bagage de l'ennemi, et fit successivement seize cents prisonniers russes. Gustadt était son centre des dépôts. Mais au même moment le maréchal Soult se portait sur le pont de Bergfried avec les divisions Leval et Legrand. L'ennemi, qui sentait que cette position importante protégeait la retraite de son flanc gauche, défendait ce pont avec douze de ses meilleurs bataillons. A trois heures après midi, la canonnade s'engagea. Le quatrième régiment de ligne et le vingt-quatrième d'infanterie légère eurent la gloire d'aborder les premiers l'ennemi. Ils soutinrent leur vieille réputation. Ces deux régiments seuls et un bataillon du vingt-huitième en réserve suffirent pour débusquer l'ennemi, passèrent au pas de charge le pont, enfoncèrent les douze bataillons russes, prirent quatre pièces de canon, et couvrirent

le champ de bataille de morts et de blessés. Le quarante-sixième et le cinquante-cinquième, qui formaient la seconde brigade, étaient derrière, impatients de se déployer; mais déjà l'ennemi en déroute abandonnait, épouvanté, toutes ses belles positions, heureux présage pour la journée du lendemain.

Dans le même temps, le maréchal Ney s'emparait d'un bois où l'ennemi avait appuyé sa droite; la division Saint-Hilaire s'emparait du village du centre, et le grand-duc de Berg, avec une division de dragons placée par escadrons au centre, passait le bois et balayait la plaine, afin d'éclaircir le devant de notre position. Dans ces petites attaques partielles, l'ennemi fut repoussé et perdit une centaine de prisonniers. La nuit surprit ainsi les deux armées en présence.

Le temps est superbe pour la saison; il y a trois pieds de neige, le thermomètre est à deux et trois degrés de froid.

A la pointe du jour du 4, le général de cavalerie légère Lasalle battit la plaine avec ses hussards. Une ligne de Cosaques et de cavalerie ennemie vint sur-le-champ se placer devant lui. La canonnade s'engagea, mais bientôt on acquit la certitude que l'ennemi avait profité de la nuit pour battre en retraite, et n'avait laissé qu'une arrière garde de la droite, de la gauche et du centre. On marcha à elle, et elle fut menée battant pendant six lieues. La cavalerie ennemie fut culbutée plusieurs fois; mais les difficultés d'un terrain montueux et inégal s'opposèrent aux efforts de la cavalerie. Avant la fin du jour du 4, l'avant-garde ' française vint coucher à Deppen. L'Empereur coucha à Schlett. Le 5, à la pointe du jour, toute l'armée française vint cou cher à Deppen. L'Empereur coucha à Schlett.

Le 5, à la pointe du jour, toute l'armée française fut en mouvement à Deppen, l'Empereur reçut le rapport qu'une colonne ennemie n'avait pas encore passé l'Alle, et se trouvait ainsi débordée par notre gauche, tandis que l'armée russe rétrogradait toujours sur les routes d'Arensdorf et de Landsberg. Sa Majesté donna l'ordre au grand-duc de Berg et aux maréchaux Soult et Davoust de poursuivre l'ennemi dans cette direction. Elle fit passer l'Alle au corps du maréchal Ney, avec la division de cavalerie légère du général Lasalle et une division de dragons,

et lui donna l'ordre d'attaquer le corps ennemi qui se trouvait coupé.

COMBAT DE WATERDORF.

Le grand-duc de Berg, arrivé sur la hauteur de Waterdorf, se trouva en présence de huit à neuf mille hommes de cavalerie. Plusieurs charges successives eurent lieu, et l'ennemi fit sa retraite.

COMBAT DE DEPPEN.

Pendant ce temps, le maréchal Ney se canonnait et était aux prises avec le corps ennemi qui était coupé. L'ennemi voulut un moment essayer de forcer le passage, mais il vint trouver la mort au milieu de nos baïonnettes. Culbuté au pas de charge et mis dans une déroute complète, il abandonna canons, drapeaux et bagages. Les autres divisions de ce corps, voyant le sort de leur avant-garde, battirent en retraite. A la nuit, nous avions déjà fait plusieurs milliers de prisonniers, et pris seize pièces de canon.

Cependant, par ces mouvements, la plus grande partie des communications de l'armée russe a été coupée. Ses dépôts de Gunstadt et de Liebstadtet, une partie de ses magasins de l'Alle, avaient été enlevés par notre cavalerie légère.

Notre perte a été peu considérable dans tous ces petits combats; elle se monte à quatre-vingts ou cent morts, et à trois ou quatre cents blessés. Le général Gardanne, aide de camp de l'Empereur et gouverneur des pages, a eu une forte contusion à la poitrine. Le colonel du quatrième régiment de dragons à été grièvement blessé. Le général de brigade Latour-Maubourg a été blessé d'une balle dans le bras. L'adjudant-commandant Lauberdière, chargé du détail des hussards, a été blessé dans une charge. Le colonel du quatrième régiment de ligne a été blessé.

« PreviousContinue »