Page images
PDF
EPUB

De notre camp impérial d'Osterode, le 20 mars 1807.

SÉNATEURS,

Message de S. M. au Sénat.

Nous avons ordonné qu'un projet de sénatus-consulte, ayant pour objet d'appeler dès ce moment la conscription de 1808, vous soit présenté.

Le rapport que nous a fait notre ministre de la guerre vous donnera à connaître les avantages de toute espèce qui résul- . teront de cette mesure.

Tout s'arme autour de nous. L'Angleterre vient d'ordonner une levée extraordinaire de deux cent mille hommes; d'autres puissances ont recours également à des recrutements considérables. Quelque formidables, quelque nombreuses que soient nos armées, les dispositions contenues dans ce projet de sénatus-consulte nous paraissent, sinon nécessaires, du moins utiles et convenables. Il faut qu'à la vue de cette triple barrière de camps qui environnera notre territoire, comme à l'aspect du triple rang de places fortes qui garantissent nos plus importantes frontières, nos ennemis ne conçoivent l'espérance d'aucun succès, se découragent, et soient ramenés enfin, par l'impuissance de nous nuire, à la justice, à la raison.

L'empressement avec lequel nos peuples ont exécuté les sénatus-consultes du 24 septembre 1805 et du 4 décembre 1806, a vivement excité en nous le sentiment de la reconnaissance. Tout Français se montrera également digne d'un si beau

nom.

Nous avons appelé à commander et à diriger cette intéressante jeunesse, des sénateurs qui se sont distingués dans la carrière des armes, et nous désirons que vous reconnaissiez dans cette détermination la confiance sans bornes que nous mettons en vous. Ces sénateurs enseigneront aux jeunes conscrits que la discipline et la patience à supporter les fatigues et les travaux de la guerre sont les premiers garants de la victoire. Ils leur apprendront à tout sacrifier pour la gloire da

trône et le bonheur de la patrie, eux, membres d'un corps qui en est le plus ferme appui.

Nous avons été victorieux de tous nos ennemis. En six mois nous avons passé le Mein, la Saale, l'Elbe, l'Oder, la Vistule; nous avons conquis les places les plus formidables de l'Europe, Magdebourg, Hameln, Spandau, Stettin, Custrin, Glogau, Breslau, Schweidnitz, Brieg; nos soldats ont triomphé dans un grand nombre de combats et dans plusieurs grandes batailles rangées; ils ont pris plus de huit cents pièces de canon sur le champ de bataille; ils ont dirigé vers la France quatre mille pièces de siége, quatre cents drapeaux prussiens ou russes, et plus de deux cent mille prisonniers de guerre. Les sables de la Prusse, les solitudes de la Pologne, les pluies de l'automne, les frimas de l'hiver, rien n'a ralenti leur ardent désir de parvenir à la paix par la victoire, et de se voir ramener sur le territoire de la patrie par des triomphes. Cependant nos armées d'Italie, de Dalmatie, de Naples, nos camps de Boulogne, de Bretagne, de Normandie, du Rhin, sont restés intacts.

Si nous demandons aujourd'hui à nos peuples de nouveaux sacrifices pour ranger autour de nous de nouveaux moyens de puissance, nous n'hésitons pas à le dire, ce n'est point pour en abuser en prolongeant la guerre. Notre politique est fixe : nous avons offert la paix à l'Angleterre, avant qu'elle eût fait éclater la quatrième coalition; cette même paix, nous la lui offrons encore. Le principal ministre qu'elle a employé dans ses négo-ciations a déclaré authentiquement dans ses assemblées publiques que cette paix pouvait être pour elle honorable et avantageuse; il a ainsi mis en évidence la justice de notre cause. Nous sommes prêts à conclure avec la Russie aux mêmes conditions que son négociateur avait signées, que les intrigues et l'influence de l'Angleterre l'ont contrainte à repousser Nous sommes prêts à rendre à ces huit millions d'habitants conquis par nos armes la tranquillité, et au roi de Prusse sa capitale. Mais, si tant de preuves de modération si souvent renouvelées ne peuvent rien contre les illusions que la passion suggère à l'Angleterre; si cette puissance ne peut trouver la paix que

dans notre abaissement, il ne nous reste plus qu'à gémir sur les malheurs de la guerre, et à rejeter l'opprobre et le blâme sur cette nation qui alimente son monopole avec le sang du continent. Tous trouverons dans notre énergie, dans le courage, le dévouement et la puissance de nos peuples, des moyens assurés pour rendre vaines les coalitions qu'ont cimentées l'injustice et la haine, et pour les faire tourner à la confusion de leurs auteurs. Français ! nous bravons tous les périls pour la gloire et pour le repos de nos enfants.

NAPOLÉON.

Le roi Gustave III, ce souverain de chevaleresque mémoire, qui voulait déclarer seul la guerre à la France et à la révolution dans le cas où les puissances continentales déposeraient les armes, ne se trouvant pas suffisamment secondé par elles, avait pris le parti de les abandonner et de les laisser seules en présence de la révolution. Il avait, au début de la campagne, envoyé un corps de troupes pour faire diversion, et protéger le mouvement des Russes, en attirant les Français d'un autre côté. Ce corps, écrasé par le maréchal Mortier, après avoir soutenu dignement d'ailleurs, et par quelques combats heureux en commençant, l'honneur des armes suédoises, fut bientôt hors d'état de ǹuire à la division française qui lui était opposée, ou même de l'occuper. Le général suédois sollicita un armistice qui fut accordé et ratifié aussitôt par l'Empereur et le roi de Suède. L'Empereur regardait la Suède comme une alliée naturelle de la France. Aussi ne fit-il aucune difficulté pour les conditions.

Finckenstein, le 25 avril 1807

Soixante-douzième bulletin de la grande armée.

Le baron d'Essen, qui se trouve commander l'armée suédoise en l'absence du général d'Armfeld, a proposé une trève au général Mortier, en lui faisant connaître qu'il avait l'autorisation spéciale du roi pour sa conclusion. La paix et même une trève accordée à la Suède remplirait les plus chers désirs de l'Empereur, qui a toujours éprouvé une véritable douleur de faire la guerre à une nation généreuse, brave, géographiquement et historiquement amie de la France. Et dans le fait, le sang sué

dois doit-il être versé pour la défense de l'empire ottoman ou pour sa ruine! Doit-il être versé pour maintenir l'équilibre des mers ou pour leur asservissement? Qu'a à craindre la Suède de la France? Rien. Qu'a-t-elle à craindre de la Russie? Tout. Ces raisons sont trop solides pour que, dans un cabinet aussi éclairé, et chez une nation qui a des lumières et de l'opinion, la guerre actuelle n'ait promptement un terme. Immédiatement après la bataille d'Iéna, l'Empereur fit connaître le désir qu'il avait de rétablir les anciennes relations de la Suède avec la France. Ces premières ouvertures furent faites au ministre de Suède à Hambourg; mais elles furent repoussées. L'instruction de l'Empereur à ses généraux à toujours été de traiter les Suédois comme des amis avec lesquels la nature des choses ne tardera pas à nous remettre en paix. Ce sont-là les plus chers intérêts des deux peuples. «S'ils nous faisaient du mal, ils le pleureraient un jour ; et nous, nous voudrions réparer le mal que nous leur aurions fait. L'intérêt de l'État l'emporte tôt ou tard sur les brouilleries et sur les pe-tites passions. » Ce sont les propres termes des ordres de l'Empereur. C'est dans ce sentiment que l'Empereur a contremandé les opérations du siége de Stralsund; en a fait revenir les mortiers et les pièces qu'on y avait envoyés de Stettin. Il écrivait dans ces termes au général Mortier: « Je regrette déjà ce qui s'est fait. Je suis fâché que le beau faubourg de Stralsund ait été brûlé. Est-ce à nous à faire du mal à la Suède ? Ceci n'est qu'un rêve : c'est à nous à la défendre, et non à lui faire du mal. Faites-luien le moins que vous pourrez; proposez au gouverneur de Stralsund un armistice, une suspension d'armes, afin d'alléger et de rendre moins funeste une guerre que je regarde comme criminelle parce qu'elle est impolitique.

Une suspension d'armes a été signée le 18 entre le maréchal, Mortier et le baron d'Essen.

INS

807

De notre camp impérial de Finckenstein, le 3 mai 1807.

Lettre de S. M. à son ministre des cultes, sur la mort de Meyneau-Pancemont, évêque de l'annes.

Monsieur Portalis, nous avons appris avec une profonde douleur la mort de notre bien-aimé évêque de Vannes, MayneauPancemont. A la lecture de votre lettre, les vertus qui distinguent ce digne prélat, les services qu'il a rendus à notre sainte religion, à notre couronne, à nos peuples, la situation des églises et des consciences dans le Morbihan au moment où il arriva à l'épiscopat; tout ce que nous devons à son zèle, à ses lumières, à cette charité évangélique qui dirigeait toutes ses actions ; tous ces souvenirs se sont présentés à la fois à notre esprit. Nous voulons que vous fassiez placer sa statue en marbre dans la cathédrale de Vannes elle excitera ses successeurs à suivre l'exemple qu'il leur a tracé; elle fera connaître tout le cas que nous faisons des vertus évangéliques d'un véritable évêque, et couvrira de confusion ces faux pasteurs qui ont vendu leur foi aux ennemis éternels de la France et de la religion catholique, apostolique et romaine, dont toutes les paroles appellent l'anarchie, la guerre, le désordre et la rébellion. Enfin elle sera pour nos peuples du Morbihan une nouvelle preuve de l'intérêt que nous prenons à leur bonheur. De toutes les parties de notre empire, c'est une de celles qui sont le plus souvent présentes à notre pensée, parce que c'est une de celles qui ont le plus souffert des malheurs des temps passés. Nous regrettons de n'avoir pu encore la visiter; mais un de nos premiers voyages que nous ferons à notre retour dans nos États, ce sera de voir par nos propres yeux cette partie si intéressante de nos peuples. Cette lettre n'étant pas à autre fin, nous prions Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.

NAPOLÉON

Pendant les premières opérations de la campagne, le maréchal Lefebvre assiégeait Dantzick: ce siége fut très-long et très-difficile. L'Empereur attachait la plus haute importance à la possession de cette place, `

« PreviousContinue »