Page images
PDF
EPUB

duc Constantin, le général Benigsen, le général Ouwaroff, le prince Labanoff, et son premier aide de camp le comte de Liéven.

Les deux bateaux sont arrivés en même temps; les deux Enipereurs se sont embrassés en mettant le pied sur le radeau; ils sont entrés ensemble dans la salle qui avait été préparée, et y sont restés deux heures. La conférence finie, les personnes de la suite des deux Empereurs ont été introduites. L'empereur Alexandre a dit des choses agréables aux militaires qui accompagnaient l'Empereur, qui, de son côté, s'est entretenu longtemps avec le grand-duc Constantin et le général Benigsen.

La conférence finie, les deux Empereurs sont montés chacun dans leur barque. On conjecture que la conférence a eu le résultat le plus satisfaisant. Immédiatement après, le prince Labanoff s'est rendu au quartier général français. On est convenu que la moitié de la ville de Tilsitt serait neutralisée. On y a marqué le logement de l'empereur de Russie et de sa cour. La garde impériale russe passera le fleuve et sera cantonnée dans la partie de la ville qui lui est destinée.

Le grand nombre des personnes de l'une et l'autre armée, accourues sur l'une et l'autre rive pour être témoins de cette scène, rendaient ce spectacle d'autant plus intéressant que les spectateurs étaient des braves des extrémités du monde.

Tilsitt, le 26 juin 1807.

Aujourd'hui à midi et demi, S. M. s'est rendue au pavillon de Niémen. L'empereur Alexandre et le roi de Prusse y sont arrivés au même moment. Ces trois souverains sont restés ensemble dans le salon du pavillon pendant une demi-heure.

A cinq heures et demie, l'empereur Alexandre est passé sur la rive gauche. L'empereur Napoléon l'a reçu à la descente du bateau. Ils sont montés à cheval l'un et l'autre ; ils ont parcouru la grande rue de la ville, où se trouvait rangée la garde impériale française à pied et à cheval, et sont descendus au palais de l'empereur Napoléon. L'empereur Alexandre y a dîné avec l'Empereur, le grand-duc Constantin et le grand-duc de Berg.

Tilsitt, le 28 juin 1807.

Hier, à trois heures après midi, l'Empereur s'est rendu chez l'empereur Alexandre. Ces deux princes sont restés ensemble jusqu'à six heures. Ils sont alors montés à cheval et sont allés voir manoeuvrer la garde impériale. L'empereur Alexandre a montré qu'il connaît très-bien toutes nos manœuvres, et qu'il entend parfaitement tous les détails de la tactique militaire.

A huit heures, les deux souverains sont revenus au palais de l'empereur Napoléon, où ils ont dîné, comme la veille, avec le grand-duc Constantin et le grand-duc de Berg.

Après le dîner, l'empereur Napoléon a présenté LL. Exc. le ministre des relations extérieures et le ministre secrétaire d'État à l'empereur Alexandre, qui lui a aussi présenté S. Exc. M. de Budberg, ministre des affaires étrangères, et le prince Kourakin.

Les deux souverains sont ensuite rentrés dans le cabinet de l'empereur Napoléon, où ils sont restés seuls jusqu'à onze heures du soir.

Aujourd'hui 28, à midi, le roi de Prusse a passé le Niémen, et est venu occuper à Tilsitt le palais qui lui avait été préparé. Il a été reçu, à la descente de son bateau, par le maréchal Bessières. Immédiatement après, le grand-duc de Berg est allé lui rendre visite.

A une heure, l'empereur Alexandre est venu faire une visite à l'empereur Napoléon, qui était allé au-devant de lui jusqu'à la porte de son palais.

A deux heures, S. M. le roi de Prusse est venu chez l'empereur Napoléon, qui est allé le recevoir jusqu'au pied de l'escalier de son appartement.

A quatre heures, l'empereur Napoléon est allé voir l'empereur Alexandre. Ils sont montés à cheval à cinq heures, et se sont rendus sur le terrain où devait manœuvrer le corps du maréchal Davoust.

Tilsitt, le 1er juillet 1807.

Les 29 et 30 juin, les choses se sont passées entre les trois souverains comme les jours précédents. Le 29, à six heures du

soir, ils sont allés voir manœuvrer l'artillerie de la garde. Le lendemain, à la même heure, ils ont vu manoeuvrer les grenadiers à cheval. La plus grande amitié paraît régner entre ces princes.

A l'un de ces dîners qui ont toujours lieu chez l'Empereur Napoléon, S. M. a porté la santé de l'impératrice de Russie et de l'impératrice mère. Le lendemain, l'empereur Alexandre a porté la santé de l'impératrice des Français.

La première fois que le roi de Prusse a dîné chez l'empereur Napoléon, S. M. a porté la santé de la reine de Prusse.

Le 29, le prince Alexandre Kourakin, ambassadeur et ministre plénipotentiaire de l'empereur Alexandre, a été présenté à l'empereur Napoléon.

Le 30, la garde impériale a donné un dîner de corps à la garde impériale russe. Les choses se sont passées avec beaucoup d'ordre. Cette réunion a produit beaucoup de gaieté dans la ville. La place de Glatz a capitulé. Le fort de Silberberg est la seule place de la Silésie qui tienne encore.

Tilsitt, le 7 juillet 1807.

La reine de Prusse est arrivée ici hier à midi. A midi et demi l'empereur Napoléon est allé lui rendre visite.

Les trois souverains ont fait chaque jour, à six heures du soir, leurs promenades accoutumées. Ils ont ensuite dîné chez l'empereur Napoléon avec la reine de Prusse, le grand-duc Constantin, le prince Henri de Prusse, le grand-duc de Berg et le prince royal de Bavière.

On a distribué à l'ordre de la grande armée la notice suivante :

Au quartier général impérial à Tilsitt, le 9 juillet 1807.

Notice pour l'armée.

La paix a été conclue entre l'empereur des Français et l'empereur de Russie, hier 8 juillet, à Tilsitt, et signée par le prince de Bénévent, ministre des relations extérieures de France, et par les princes de Kourakin et Labanoff de Rostow, pour l'em

pereur de Russie, chacun de ces plénipotentiaires étant muni de pleins pouvoirs de leurs souverains respectifs.

Les ratifications ont été échangées aujourd'hui 9 juillet, ces deux souverains se trouvant encore à Tilsitt.

Tilsitt, le 9 juillet 107.

L'échange des ratifications du traité de paix entre la France et la Russie a eu lieu aujourd'hui à neuf heures du matin. A onze heures, l'empereur Napoléon, portant le grand cordon de l'ordre de Saint-André, s'est rendu chez l'empereur Alexandre, qui l'a reçu à la tête de sa garde, et ayant la grande décoration de la Légion d'honneur.

L'Empereur a demandé à voir le soldat de la garde russe qui s'était le plus distingué; il lui a été présenté. S. M., en témoignage de son estime pour la garde impériale russe, a donné à ce brave l'aigle d'or de la Légion d'honneur.

Les empereurs sont restés ensemble pendant trois heures, et sont ensuite montés à cheval; ils se sont rendus au bord du Niémen, où l'empereur Alexandre s'est embarqué. L'empereur Napoléon est demeuré sur le rivage jusqu'à ce que l'empereur Alexandre fût arrivé à l'autre bord. Les marques d'affection que ces princes se sont données en se séparant ont excité la plus vive émotion parmi les nombreux spectateurs qui s'étaient rassemblés pour voir les plus grands souverains du monde offrir, dans les témoignages de leur union et de leur amitié, un solide garant du repos de la terre.

L'empereur Napoléon a fait remettre le grand cordon de la Légion d'honneur au grand-duc Constantin, au prince Kourakin, au prince Labanoff et à M. de Budberg.

L'empereur Alexandre a donné le grand ordre de SaintAndré au prince Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, au grand-duc de Berg et de Clèves, au prince de Neufchâtel et au prince de Bénévent.

A trois heures de l'après-midi, le roi de Prusse est venu voir l'empereur Napoléon. Ces deux souverains se sont entretenus pendant une demi-heure. Immédiatement après, l'empereur

Napoléon a rendu au roi de Prusse sa visite; il est ensuite parti pour Koenigsberg.

Ainsi, les trois souverains ont séjourné pendant vingt jours à Tilsitt. Cette petite ville était le point de réunion des deux armées. Ces soldats, qui naguère étaient ennemis, se donnaient des témoignages réciproques d'amitié qui n'ont pas été troublés par le plus léger désordre.

Hier, l'empereur Alexandre avait fait passer le Niémen à une dizaine de Baschirs qui ont donné à l'empereur Napoléon un concert à la manière de leur pays.

L'Empereur, en témoignage de son estime pour le général Platow, hetman des Cosaques, lui a fait présent de son portrait.

Les Russes ont remarqué que le 27 juin (style russe, 9 juillet du calendrier grégorien), jour de la ratification du traité de paix, est l'anniversaire de la bataille de Pultawa, qui fut si glorieuse et qui assura tant d'avantages à l'empire de Russie; ils en tirent un augure favorable pour la durée de la paix et de l'amitié qui viennent de s'établir entre ces deux grands empires.

Koenigsberg, le 12 juillet 1807.

Quatre-vingt-septième bulletin de la grande armée.

Les empereurs de France et de Russie, après avoir séjourné pendant vingt jours à Tilsitt, où les deux maisons impériales, situées dans la même rue, étaient à peu de distance l'une de l'autre, se sont séparés le 9, à trois heures après midi, en se donnant les plus grandes marques d'amitié. Le journal de ce qui s'est passé pendant leur séjour sera d'un véritable intérêt pour les deux peuples.

Après avoir reçu, à trois heures et demie, la visite d'adieu du roi de Prusse, qui est retourné à Memel, l'empereur Napoléon est parti pour Koenigsberg, où il est arrivé le 10 à quatre heures du matin.

Il a fait hier la visite du port dans un canot qui était servi par les marins de la garde. S. M. passe aujourd'hui la revue du corps du maréchal Soult, et part demain, à deux heures du matin, pour Dresde.

« PreviousContinue »