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des troupes de ligne qui voudraient prêter serment au roi Joseph et entrer à son service pourront y être admis. Dans le cas où leur admission ne serait pas accordée par le ministre de la guerre du roi d'Espagne, ils seront prisonniers de guerre et conduits en France. La religion sera respectée. Les troupes françaises occuperont, le 21 à midi, le château. Toute l'artillerie et toutes les munitions de toute espèce leur seront remises. Toutes les armes seront déposées aux portes de chaque maison et recueillies par les alcades de chaque quartier.

Le comte de Fuentès, grand d'Espagne, que les insurgés avaient arrêté dans ses terres il y a sept mois, a été trouvé dans un cachot de huit pieds carrés, et délivré. On ne peut se faire une idée des maux qu'il a soufferts.

HUITIÈME ÉPOQUE.

GUERRE D'AUTRICHE (1809.)

On n'ignore pas la démarche faite par l'empereur d'Autriche le lendemain de la bataille d'Austerlitz auprès de Napoléon pour obtenir la paix. Cette paix, il ne venait pas la demander seulement en son nom, il la demandait encore au nom de son allié l'empereur de Russie. Les deux souverains, la veille, avaient été témoins de la victoire remportée par Napoléon. Du haut d'une montagne voisine, où ils s'étaient tenus pendant la durée de l'action, ils avaient vu le désastre de leur armée; une moitié était détruite; l'autre, enveloppée de toutes parts, n'avait plus qu'à déposer les armes. Eux-mêmes n'avaient pu s'échapper; toutes les routes étaient fermées devant eux, et il dépendait du vainqueur de les retenir prisonniers ou de leur faire acheter leur liberté aux conditions qu'il lui plairait d'imposer. C'était alors que l'empereur d'Autriche était venu trouver Napoléon jusque dans son camp et au milieu de son quartier général. Les premières paroles du monarque autrichien en abordant l'Empereur et la réponse de celui-ci ont été citées trop souvent pour qu'il soit nécessaire de les rappeler. L'empereur d'Autriche reconnaissait qu'il avait été trompé par les Anglais. « Ce << sont des marchands, dit-il, qui mettent le feu au continent pour s'as<< surer le commerce du monde. » Dans cet entretien, qui dura deux heures, il fut convenu que les hostilités seraient immédiatement suspendues. Les troupes russes, sur la prière de l'empereur François II, furent comprises dans l'armistice. Napoléon consentait à leur ouvrir le passage à la condition qu'elles se mettraient en marche aussitôt pour regagner leur pays. 11 ne demandait rien de plus à la Russie. « J'arrê << terai le mouvement de mes colonnes, dit-il à l'empereur d'Autriche (1); << mais V. M. me promet que l'armée russe retournera en Russie.

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« C'est l'intention de l'empereur Alexandre, répliqua François II, je puis vous l'assurer. D'ailleurs dans la nuit vous pourrez vous en «< assurer par vos propres officiers. »

(1) Bignon, t. 4, 454.

L'Empereur sentit cependant que la générosité l'avait entraîné bien loin. Au moment où l'empereur d'Autriche s'éloignait : « Cet homme << me fait faire une faute, dit-il ; j'aurais pu suivre ma victoire, et pren<< dre toute l'armée russe et autrichienne; mais enfin quelques larmes « de moins seront versées. »

L'empereur de Russie avait attendu avec une vive anxiété le résultat de cette entrevue. Sa joie en l'apprenant fut extrême; elle témoigait de toute l'étendue de ses craintes depuis la veille. Il était prêt à tout signer, à tout ratifier, à souscrire à tout. L'Empereur lui avait envoyé Savary pour connaître ses intentions et lui confirmer la promesse faite à l'empereur d'Autriche. Dès qu'il l'eut aperçu, il se précipita audevant de lui, parlant avec admiration de l'Empereur, et comme pressé d'exprimer son enthousiasme. « Votre maître est un grand homme, « lui dit-il. Il a fait des merveilles hier; il faut cent ans à mon << armée pour valoir la sienne! Puisque mon allié est satisfait, je le suis << aussi. Je ne veux plus de cette guerre; j'en ai assez. Je veux re<< tourner dans mes États; mais puis-je m'en aller? — Oui, sire, répondit « Savary, si V. M. ratifie ce qui a été convenu entre les empereurs « d'Autriche et de France. L'armée de V. M. se retirera chez elle par « les journées d'étape qui seront réglées par l'Empereur, et elle éva« cuera l'Allemagne et la Pologne autrichienne. A cette condition, j'ai « l'ordre de l'Empereur de me rendre aux avant-postes, qui vous ont déjà tourné, et d'y donner des ordres pour protéger votre retraite, l'Empereur voulant respecter l'ami du Premier Consul. - Quelle ga<«<rantie vous faut-il pour cela? dit l'empereur de Russie. « parole.

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Je vous la donne. »>

Sire, votre

C'est ainsi que se retirèrent les deux empereurs. L'empereur de Russie était parti immédiatement. Il n'avait donné qu'une parole verbale. Il jugea sans doute que cela ne suffisait pas pour l'engager; car son premier soin, lorsqu'il fut revenu dans ses États, fut d'agir auprès de la cour de Prusse pour la pousser à la guerre contre Napoléon. Il lui promettait son alliance. Dix-huit mois après, en effet, Napoléon se retrouvait en présence d'une armée russe, et ce n'est qu'après la journée de Friedland qu'il parut avoir acquis à la reconnaissance de son adversaire, devenu son allié et son ami, des titres que n'avait pu lui donner l'abus apparemment qu'il avait fait de la victoire à Austerlitz. Ces titres il les conserva jusqu'au jour où, ayant refusé de s'associer aux vues du cabinet russe sur la Turquie, on dit qu'il les avait perdus à cause de son ambition.

Quant à l'Autriche, il conclut avec elle, quelque temps après la bataille d'Austerlitz, le traité connu sous le nom de traité de Presbourg.

C'était la troisième fois depuis quinze ans que cette puissance nous avait attaqués sans y avoir été provoquée par aucun acte de la part de la France, sans autre motif que de profiter de nos embarras dès qu'elle nous croyait hors d'état de résister à ses agressions. Ainsi en 92; plus tard lorsque la France, affaiblie sous le Directoire et privée de son bouclier par l'absence du général Bonaparte, alors en Égypte, paraissait livrée sans défense aux coups qu'on voudrait lui porter; enfin, dans cette dernière guerre, en s'unissant avec l'Angleterre et la Russie dans un moment où elle avait jugé que nos forces étaient trop éloignées pour arriver à temps au-devant de ses armées et mettre obstacle à une invasion. L'armée française était alors réunie à Boulogne pour l'expédition d'Angleterre. La cour de Vienne, suivant son usage, avait attendu que nous fussions engagés, puis elle s'était déclarée tout à coup. Elle n'avait pas prévu ce mouvement si rapide qui, en cinq semaines, porta nos soldats de la plage de Boulogne au cœur de l'Allemagne, prévenant un ennemi qui avait cru nous surprendre, au contraire. On vient de voir cependant que le dessein de l'Empereur n'était pas d'accabler cette monarchie, qui dut se croire perdue après Austerlitz. On peut ajouter même que jamais il n'a eu le dessein d'accabler les puissances vaincues par lui. C'est un fait qui résulte de sa conduite envers toutes et qui de. viendra plus évident à mesure qu'un examen plus attentif et plus impartial permettra à la vérité de se faire jour et de se substituer peu à peu à des préventions et à des erreurs qui aujourd'hui encore, il faut bien le reconnaître, sont loin d'être dissipées. Nul ne s'est montré moins disposé à user dans toute leur étendue de ces droits que lui donnait la victoire et que de tout temps a reconnus la politique; la preuve, c'est la facilité qu'ont toujours eue ses ennemis à se relever pour revenir contre lui, et recommencer la lutte dès qu'ils ont cru l'occasion favorable. On eût dit qu'il lui suffisait de les avoir défaits sur le champ de bataille, sans aller au delà, ni épuiser, malgré de si justes griefs, les ressources des États qui lui étaient opposés. S'il eût fait de l'Autriche, après Marengo, ce qu'il en pouvait faire, il n'y a aucune apparence qu'il eût été obligé de la combattre cinq ans plus tard à Austerlitz. Il n'y a aucune apparence non plus qu'il l'eût retrouvée devant lui en 1809 s'il eût fait, à la suite d'Austerlitz, ce que rien ne l'empêchait de faire; et de même jusqu'en 1813. En ce qui touche la Russie, les troupes qu'il combattait à Friedland étaient celles qu'il avait laissé échapper volontairement à Austerlitz; c'était le même prince aussi qui lui avait donné sa parole de ne rien entreprendre contre la France. On ne peut nier qu'il se fût épargné la peine d'une nouvelle campagne et d'une nou velle victoire s'il eût profité la première fois de ses avantages. On a dit,

il est vrai, qu'il avait traité la Prusse avec une rigueur extrême après les événements de la campagne de 1806. Il faudrait ne pas se rappeler l'inconcevable guerre que lui avait faite la Prusse pour être surpris de cette rigueur. Quel souverain à sa place eût été moins irrité? Encore les conditions faites au vaincu, après Iéna, ne furent-elles pas tellement dures que la Prusse n'ait été en état, elle aussi, de fournir une armée à la coalition en 1813. A Presbourg, toutefois, Napoléon crut qu'il était nécessaire de prendre des garanties qui lui répondissent mieux que par le passé de la bonne foi ou au moins de la tranquillité de l'Autriche. Il ne demandait rien pour lui, mais il fit céder à ses alliés plusieurs provinces appartenant à la monarchie autrichienne, particulièrement le Tyrol, qui fut donné à la Bavière. L'Autriche se vit obligée, en outre, d'abandonner tout ce qu'elle avait acquis en Italie par suite du traité de Campo-Formio; Venise, et ce qu'on appelait les États de Terre-Ferme, le Frioul, l'Istrie, la Dalmatie. Ces États étaient ajoutés au royaume d'Italie, alors séparé de la France. L'Empereur voulait élever par là une barrière entre lui et son ennemie. Il voulait aussi en favorisant ses alliés les engager par un intérêt plus direct à se maintenir contre l'Autriche, en même temps qu'il resserrait les liens qui les unissaient à la France. Telles furent les clauses du traité de Presbourg, signé le 26 décembre 1805. Habitué à ménager les vaincus, l'Empereur dut croire qu'il avait exigé beaucoup cette fois. La guerre de 1809 vint lui prouver bientôt que ce n'était pas assez; et rien ne l'empêcha, dès cette époque, de prévoir que la lutte ne finirait que le jour où ses ennnemis n'auraient plus aucun moyen de la continuer.

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<< Il existe un gouvernement, dit M. Bignon dans son Histoire de l'Empire (1), que les revers endurcissent aux revers; qui semble vivre « de défaites comme la France de victoires; qui, toujours battu, ne songe qu'à renouveler le combat, persuadé qu'à la fin la fortune, lassée « de sa persévérance, lui rendra en un jour ce qu'elle lui aura enlevé pendant une longue suite d'années. Ce gouvernement, c'est celui de « l'Autriche..... Il finira, en effet, par tout recouvrer et par recevoir « même un notable agrandissement.

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<< Pour le gouvernement autrichien la prise même de sa capitale n'est qu'un accident qui ne le décide pas à poser les armes. Pour l'y contraindre, il faut que le salut de la monarchie tout entière lui en «< fasse une loi, et alors même les traités de paix ne sont pour lui qu'une suspension d'armes. Campio-Formio, Lunéville, Presbourg sont << des points de repos où il s'est arrêté afin de reprendre haleine; mais

(1) T. 7, p. 288.

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