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correspondance des officiers des dépôts avec les régiments, ne se montent pour la plupart qu'à cent quarante ou deux cents hommes.

La cour est partie de Wilna vingt-quatre heures après avoir appris notre passage à Kowno. La Samogitie, la Lithuanie sont presque entièrement délivrées. La centralisation de Bagration vers le nord a fort affaibli les troupes qui devaient défendre la Volhynie.

Le roi de Westphalie, avec le corps du prince Poniatowski, le septième et le huitième corps, doit être entré le 29 à Grodno.

Différentes colonnes sont parties pour tomber sur les flancs du corps de Bagration, qui, le 20, a reçu l'ordre de se rendre à marche forcée de Pronjanoni sur Wilna, et dont la tête était déjà arrivée à quatre journées de marche de cette dernière ville, mais que les événements ont forcée de rétrograder et que l'on poursuit.

Jusqu'à cette heure la campagne n'a pas été sanglante; il n'y a eu que des manoeuvres : nous avons fait en tout deux mille prisonniers. Mais l'ennemi a déjà perdu la capitale et la plus grande partie des provinces polonaises, qui s'insurgent. Tous les magasins de première, de deuxième et de troisième ligne, résultats de deux années de soins et évalués plus de vingt millions de roubles, sont consumés par les flammes ou tombés en notre pouvoir. Enfin, le quartier général de l'armée française est dans le lieu où était la cour depuis six semaines.

Parmi le grand nombre de lettres interceptées l'on remarque les deux suivantes, l'une de l'intendant de l'armée russe, qui fait connaître que déjà la Russie, ayant perdu tous ses magasins de première, de deuxième et de troisième ligne, est réduite à en former en toute hâte de nouveaux; l'autre, du duc Alex. de Wurtemberg, faisant voir qu'après peu de jours de campagne les provinces du centre sont déjà déclarées en état de guerre.

Dans la situation présente des choses, si l'armée russe croyait avoir quelque chance de victoire, la défense de Wilna valait une bataille, et dans tous les pays, mais surtout dans celui où nous nous trouvons, la conservation d'une triple ligne de magasins aurait dû décider un général à en risquer les chances.

Des manœuvres ont donc seules mis au pouvoir de l'armée française une bonne partie des provinces polonaises, la capitale et trois lignes de magasins. Le feu a été mis aux magasins de Wilna avec tant de précipitation qu'on a pu sauver beaucoup de choses.

Wilna, le 6 juillet 1812.

Cinquième bulletin de la grande armée.

L'armée russe était placée et organisée de la manière suivante au commencement des hostilités.

Le premier corps, commandé par le prince de Wittgenstein, composé des cinquième et quatorzième divisions d'infanterie et d'une division de cavalerie, formant en tout dix-huit mille hommes, artillerie et sapeurs compris, avait été longtemps à Chawli. Il avait depuis occupé Rosiena et était le 24 juin à Keydanoni.

Le deuxième corps, commandé par le général Baggawon, composé des quatrième et dix-septième divisions d'infanterie et d'une division de cavalerie, présentant la même force, occupait Kowno.

Le troisième corps, commandé par le général Schomooloff, composé de la première division de grenadiers, d'une division d'infanterie et d'une division de cavalerie, formant vingt-quatre mille hommes, occupait Nov-Troki.

Le quatrième corps, commandé par le général Tutschkoff, composé des onzième et vingt-cinquième divisions d'infanterie et d'une division de cavalerie, formant dix-huit mille hommes, était placé depuis Nov-Troki jusqu'à Léda.

La garde impériale était à Wilna.

Le sixième corps, commandé par le général Doctorow, composé de deux divisions d'infanterie et d'une division de cavalerie, formant dix-huit mille hommes, avait fait partie de l'armée du prince Bagration. Au milieu de juin il arriva à Léda, venant de la Wolhynie, pour renforcer la première armée. Ce corps était à la fin de juin entre Léda et Grodno.

Le cinquième corps, composé de la deuxième division de gre

nadiers, des douzième, dix-huitième et vingt-sixième divisions d'infanterie et de deux divisions de cavalerie, était le 30 à Wolkowski. Le prince Bagration commandait ce corps, qui pouvait être de quarante mille hommes.

Enfin les neuvième et quinzième divisions d'infanterie et une division de cavalerie, commandées par le général Markow, se trouvaient dans le fond de la Wolhynie.

Le passage de la Vilia, qui eut lieu le 25 juin, et la marche du duc de Reggio sur Janow et sur Chatoui obligèrent le corps de Wittgenstein à se porter sur Wilkomir et sur la gauche, et le corps de Bagga vint à gagner Damobourg par Mouchniki et Gedevitse. Ces deux corps se trouvaient ainsi coupés de Wilna.

Le troisième et le quatrième corps de la garde impériale russe se portèrent de Wilna sur Nomantschin, Swentzianoni et Vidzoni. Le roi de Naples les poussa vivement sur les deux rives de la Vilia. Le dixième régiment de hussards polonais, tenant la tête de la colonne de la division du comte Sébastiani, rencontra près de Lebowa un régiment de Cosaques de la garde qui protégeait la retraite de l'arrière-garde, et le chargea tête baissée, lui tua neuf hommes et fit une douzaine de prisonniers. Les troupes polonaises qui jusqu'à cette heure ont chargé ont montré une rare détermination. Elles sont animées par l'enthousiasme et la passion.

Le 3 juillet le roi de Naples s'est porté sur Swantziani et y a atteint l'arrière-garde du baron de Tolly. Il donna ordre au général Montbrun de la faire charger; mais les Russes ne l'ont point attendu, et se sont retirés avec une telle précipitation qu'un escadron de hulans qui revenait d'une reconnaissance du côté de Mikaïliki tomba dans nos postes. Il fut chargé par le douzième de chasseurs et entièrement pris ou tué : soixante hommes ont été pris avec leurs chevaux. Les Polonais qui se trouvaient parmi ces prisonniers ont demandé à servir, et ont pris rang, tout montés, dans les troupes polonaises.

Le 4, à la pointe du jour, le roi de Naples est entré à Swentziani; le maréchal duc d'Elchingen est entré à Maliatoni, et le maréchal duc de Reggio à Avanta,

Le 30 juin le maréchal duc de Tarente est arrivé à Rosiena; il s'est porté de là sur Ponevieji, Chawli et Tesch.

Les immenses magasins que les Russes avaient dans la Samogitie ont été brûlés par eux, perte énorme non-seulement pour leurs finances, mais encore pour la subsistance des peuples.

Cependant le corps de Doctorow, c'est-à-dire le sixième corps, était encore le 27 juin sans ordres et n'avait fait aucun mouvement. Le 28 il se réunit et se mit en marche pour se porter sur la Dwina par une marche de flanc. Le 30 son avantgarde entra à Soleiniki. Elle fut chargée par la cavalerie légère du général baron Bordesoulle, et chassée de la ville. Doctorow, se voyant prévenu, prit à droite et se porta sur Ochmiana. Le général baron Pujol y arriva avec sa brigade de cavalerie légère, au moment où l'avant-garde de Doctorow y entrait. Le général Pujol le fit charger. L'ennemi fut sabré et culbuté dans la ville. Il a perdu soixante hommes tués et dix-huit prisonniers. Le général Pujol a eu cinq hommes tués et quelques blessés. Cette charge a été faite par le neuvième régiment de lanciers polonais.

Le général Doctorow, voyant le chemin coupé, rétrograda sur Olchanoni. Le maréchal prince d'Eckmülh, avec une division d'infanterie, les cuirassiers de la division du comte Valence et le deuxième régiment de chevau-légers de la garde, se porta sur Ochmiana pour soutenir le général Pujol.

Le corps de Doctorow, ainsi coupé et rejeté dans le midi, continua de longer à droite, à marches forcées, en faisant le sacrifice de ses bagages, sur Smoraghoni, Dunowcheff et Kobonilensiki, d'où il s'est porté sur la Dwina. Ce mouvement avait été prévu. Le général comte Nansouty, avec une division de cuirassiers, la division de cavalerie légère du général comte Bruyères et la division d'infanterie du comte Morand, s'était porté à Mikaïlitshki pour couper ce corps. Il arriva le 3 à Swir, lorsqu'il débouchait, et le poussa vivement, lui prit bon nombre de traînards et l'obligea à abandonner quelques centaines de voitures de bagages.

L'incertitude, les angoisses, les marches et les contre-marches qu'ont faites ces troupes, les fatigues qu'elles ont essuyées ont dû les faire beaucoup souffrir.

Des torrents de pluie ont tombé pendant trente-six heures sans interruption.

D'une extrême chaleur le temps a passé tout à coup à un froid très-vif. Plusieurs milliers de chevaux ont péri par l'effet de cette transition subite. Des convois d'artillerie ont été arrêtés dans les boues.

Cet épouvantable orage, qui a fatigué les hommes et les chevaux, a nécessairement retardé notre marche, et le corps de Doctorow, qui a donné successivement dans les colonnes du général Bordesoulle, du général Pujol et du général Nansouty, a été près de sa destruction.

Le prince Bagration, avec le cinquième corps, placé plus en arrière, marche sur la Dwina. Il est parti le 30 juin de Wulkowisk pour se rendre sur Minsk.

Le roi de Westphalie est entré le même jour à Grodno. La division Dembrouski a passé la première. L'hetman Platoff se trouvait encore à Grodno avec ses Cosaques. Chargés par la cavalerie légère du prince Poniatowski, les Cosaques ont été éparpillés; on leur a tué vingt hommes et fait soixante prisonniers. On a trouvé à Grodno une manutention propre à cuire cent mille rations de pain et quelques restes de magasin.

Il avait été prévu que Bagration se porterait sur la Dwina en se rapprochant le plus possible de Dunabourg; le général de division comte Grouchy a été envoyé à Bogdanow. Il était le 3 à Traboni. Le maréchal prince d'Eckmülh, renforcé de deux divisions, était le 4 à Wichnaw. Si le prince Poniatowski a poussé vivement l'arrière-garde du corps de Bagration, ce corps se trouvera compromis.

Tous les corps ennemis sont dans la plus grande incertitude. L'hetman Platoff ignorait, le 30 juin, que depuis deux jours Wilna fût occupé par les Français. Il se dirigea sur cette ville jusqu'à Léda, où il changea de route et se porta sur le midi.

Le soleil, dans la journée du 4, a rétabli les chemins. Tout s'organise à Wilna. Les faubourgs ont souffert par la grande quantité de monde qui s'y est précipitée pendant la durée de l'orage. Il y avait une manutention russe pour soixante mille rations. On en a établi une autre pour une égale quantité de

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