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Tous les préparatifs que l'ennemi avait faits pour défendre le passage de la Dwina ont été inutiles. Les magasins qu'il formait à grands frais depuis trois ans ont été détruits : il est tels de ses ouvrages qui, au dire des gens du pays, ont coûté dans une année six mille hommes aux Russes. On ne sait sur quel espoir ils s'étaient flattés qu'on irait les attaquer dans les camps qu'ils avaient retranchés.

Le général comte Grouchy a des reconnaissances sur Babinovitch et sur Sienno. De tous côtés on marche sur la Oula. Cette rivière est réunie par un canal à la Bérésina, qui se jette dans le Borysthène ainsi nous sommes maîtres de la communication de la Baltique à la mer Noire.

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Dans ses mouvements, l'ennemi est obligé de détruire ses bagages, de jeter dans les rivières son artillerie, ses armes. Tout ce qui est polonais profite de ces retraites précipitées pour déserter et rester dans les bois jusqu'à l'arrivée des Français. On peut évaluer à vingt mille les déserteurs polonais qu'a eus l'armée russe.

Le maréchal duc de Bellune, avec le neuvième corps, arrive sur la Vistule.

Le maréchal duc de Castiglione se rend à Berlin pour prendre le commandement du onzième corps.

Le pays entre l'Oula et la Dwina est très-beau et couvert de superbes récoltes. On trouve souvent de beaux châteaux et de grands couvents. Dans le seul bourg de Gloubokoè il y a deux couvents qui peuvent contenir chacun douze cents malades.

Bechenkoviski, le 25 juillet 1812.

Neuvième bulletin de la grande armée.

L'Empereur a porté son quartier général le 23 à Kamen, en passant par Ouchatsch.

Le vice-roi a occupé le 22, avec son avant-garle, le pont de Botscheiskovo. Une reconnaissance de deux cents chevaux, envoyée sur Bechenkoviski, a rencontré deux escadrons de hussards russes et deux de Cosaques, les a chargés et leur a pris ou

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tué une douzaine d'hommes dont un officier. Le chef d'escadron Lorenzi, qui commandait la reconnaissance, se loue des capitaines Rossi et Ferreri.

Le 23, à six heures du matin, le vice-roi est arrivé à Bechenkoviski. A dix heures, il a passé la rivière et a jeté un pont sur la Dwina. L'ennemi a voulu disputer le passage; son artillerie a été démontée. Le colonel Lacroix, aide de camp du viceroi, a eu la cuisse cassée par une balle.

L'Empereur est arrivé à Bechenkoviski le 24, à deux heures après midi. La division de cavalerie du général comte Bruyères et la division du général comte Saint-Germain ont été envoyées sur la route de Witepsk: elles ont couché à mi-chemin.

Le 20 le prince d'Eckmülh s'est porté sur Mohilow. Deux mille hommes qui formaient la garnison de cette ville ont eu la témérité de vouloir se défendre; ils ont été écharpés par la cavalerie légère. Le 23 trois mille Cosaques ont attaqué les avantpostes du prince d'Eckmülh; c'était l'avant-garde du prince Bagration, venue de Bobrinsk. Un bataillon du quatre-vingtneuvième a arrêté cette nuée de cavalerie légère et l'a repoussée au loin. Bagration paraît avoir profité du peu d'activité avec laquelle il était poursuivi pour se porter sur Bobrinsk et de là il est revenu sur Mohilow.

Nous occupons Mohilow, Orcha, Disna, Polotsk; nous marchons sur Witepsk, où il paraît que l'armée russe s'est réunie.

Witepsk, le 31 juillet 18120

Dixième bulletin de la grande armée.

XFORD

L'empereur de Russie et le grand-duc Constantin ont quitté l'armée et se sont rendus dans la capitale. Le 17 l'armée russe a quitté le camp retranché de Drissa, et s'est portée sur Polotok et Witepsk. L'armée russe qui était à Drissa consistait en cinq corps d'armée, chacun de deux divisions et de quatre divisions de cavalerie. Un corps d'armée, celui du prince Wittgenstein, est resté pour couvrir Pétersbourg; les quatre autres corps, arrivés le 24 à Witepsk, ont passé sur la riye gauche de la Drissa. Le

corps d'Ostermana, avec une partie de la cavalerie de la garde, s'est mis en marche le 25, à la pointe du jour, et s'est porté sur Ostrovno.

COMBAT D'OSTROVNO.

Le 25 juillet le général Nansouty, avec les divisions Bruyères et Saint-Germain et le huitième régiment d'infanterie légère, se rencontra avec l'ennemi à deux lieues en avant d'Ostrovno. Le combat s'engagea. Diverses charges de cavalerie eurent lieu. Toutes furent favorables aux Français. La cavalerie légère se couvrit de gloire. Le roi de Naples cite comme s'étant sait remarquer la brigade Piré, composée du huitième de hussards et du seizième de chasseurs. La cavalerie russe, dont partie appartenait à la garde, fut culbutée. Les batteries que l'ennemi dressa contre notre cavalerie furent enlevées. L'infanterie russe, qui s'avança pour soutenir son artillerie, fut rompue et sabrée par notre cavalerie légère.

Le 24, le vice-roi marchant en tête des colonnes avec la division Delzon, un combat opiniâtre d'avant-garde de quinze à vingt mille hommes s'engagea à une lieue au delà d'Ostrovno. Les Russes furent chassés de position en position. Les bois furent enlevés à la baïonnette.

Le roi de Naples et le vice-roi citent avec éloges les généraux baron Delzon, Huard et Roussel ; le huitième d'infanterie légère, les quatre-vingt-quatrième et quatre-vingt-douzième régiments de ligne et le premier régiment Croates se sont fait remarquer.

Le général Roussel, brave soldat, après s'être trouvé toute la journée à la tête des bataillons, le soir à dix heures, visitant les avant-postes, un éclaireur le prit pour ennemi, fit feu et la balle lui fracassa le crane. Il avait mérité de mourir trois heures plus tôt sur le champ de bataille de la main de l'ennemi.

Le 27, à la pointe du jour, le vice-roi fit déboucher en tête la division Broussier : le dix-huitième régiment d'infanterie légère et la brigade de cavalerie légère du général Piré tournèrent par la droite. La division Broussier passa par le grand chemin et sit réparer un petit pont que l'ennemi avait détruit. Au soleil levant

on aperçut l'arrière-garde ennemie, forte de dix mille hommes de cavalerie échelonnée dans la plaine, la droite appuyée à la Dwina, et la gauche à un bois garni d'infanterie et d'artillerie. Le général comte Broussier prit position sur une éminence avec le cinquante-troisième régiment, en attendant que toute sa division eût passé le défilé. Deux compagnies de voltigeurs avaient pris les devants seules; elles longèrent la rive du fleuve, marchant sur cette énorme masse de cavalerie qui fit un mouvement en avant et enveloppa ces deux cent hommes, que l'on crut perdus et qui devaient l'être. Il en fut autrement. Ils se réunirent avec le plus grand sang-froid et restèrent pendant une heure entière investis de tous côtés. Ayant jeté par terre plus de troiscents cavaliers ennemis, ces deux compagnies donnèrent à la cavalerie française le temps de déboucher.

La division Delzon fila sur la droite. Le roi de Naples dirigea l'attaque du bois et des batteries ennemies; en moins d'une heure toutes les positions de l'ennemi furent emportées, et il fut rejeté dans la plaine au delà d'une petite rivière qui se jette dans la Dwina, sous Witepsk. L'armée prit position sur les bords de cette rivière, à une lieue de la ville.

L'ennemi montra dans la plaine seize mille hommes de cavalerie et soixante mille hommes d'infanterie. On espérait une bataille pour le lendemain. Les Russes se vantaient de vouloir la livrer. L'Empereur passa le reste du jour à reconnaître le champ de bataille et à faire ses dispositions pour le lendemain; mais à la pointe du jour l'armée russe avait battu en retraite dans toutes les directions, se rendant sur Smolensk.

L'Empereur était sur une hauteur, tout près des deux cents voltigeurs qui, seuls en plaine, avaient attaqué la droite de la cavalerie ennemie, Frappé de leur belle contenance, il envoya demander de quel corps ils étaient. Ils répondirent : « Du neuvième «<et les trois quarts enfants de Paris! » « Dites-leur, dit l'Em« pereur, que ce sont de braves gens; ils méritent tous la croix. » Les résultats des trois combats d'Ostrovno sont : dix pièces de canon russes attelées prises; les canonniers sabrés; vingt caissons de munitions; quinze cents prisonniers; cinq ou six mille Russes tués ou blessés. Notre perte se monte à deux cents

à hommes tués, neuf cents blessés et une cinquantaine de prisonniers.

Le roi de Naples fait un éloge particulier des généraux Bruyères, Piré et Arnano, du colonel Radziwill, commandant le neuvième de lanciers polonais, officier d'une rare intrépidité.

Les hussards rouges de la garde russe ont été écrasés; il ont perdu quatre cents hommes, dont beaucoup de prisonniers. Les Russes ont eu trois généraux tués ou blessés; bon nombre de colonels et d'officiers supérieurs de leur armée sont restés sur le champ de bataille.

Le 28, à la pointe du jour, nous sommes entrés dans Witepsk, ville de trente mille habitants. Il y a vingt couvents. Nous y avons trouvé quelques magasins, entre autres un magasin de sel évalué quinze millions.

Pendant que l'ennemi marchait sur Witepsk, le prince d'Eckmülh était attaqué à Mohilow.

Bagration passa la Bérésina à Bobrunski, et marcha sur Novoi-Bickow. Le 25, à la pointe du jour, trois mille Cosaques attaquèrent le troisième de chasseurs et lui prirent cent hommes, au nombre desquels se trouvent le colonel et cinq officiers, tous blessés. La générale battit: on en vint aux mains. Le général russe Siévers, avec deux divisions d'élite, commença l'attaque : depuis huit heures du matin jusqu'à cinq heures du soir le feu fut engagé sur la lisière du bois et au pont que les Russes voulaient forcer. A cinq heures le prince d'Eckmülh fit avancer trois bataillons d'élite, se mit à leur tête, culbuta les Russes, leur enleva leurs positions et les poursuivit pendant une lieue. La perte des Russes est évaluée à trois mille hommes tués et blessés et à douze cents prisonniers. Nous avons perdu sept cents hommes tués ou blessés. Bagration, repoussé, se rejeta sur Bickow, où il passa le Borysthène pour se porter sur Smolensk.

Les combats de Mohilow et d'Ostrovno ont été brillants et honorables pour nos armes; nous n'avons eu d'engagé que la moitié des forces que l'ennemi a présentées, le terrain ne comportant pas d'autres développements.

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