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l'ennemi n'a pu ni emmener ni brûler. L'armée russe de Tormasow a perdu presque tous ses bagages.

L'équipage de siége de Riga a commencé son mouvement de Tilsitt pour se porter sur la Dwina.

Le général Saint-Cyr a pris position sur la Drissa. La déroute de l'ennemi a été complète au combat de Polotsk du 18. Le brave général bavarois Deroy a été blessé sur le champ d'honneur, âgé de soixante-douze ans et ayant près de soixante ans de service. S. M. l'a nommé comte de l'Empire, avec une dotation de trente mille francs de revenu. Le corps bavarois s'étant comporté avec beaucoup de bravoure, S. M. a accordé des récompenses et des décorations à ce corps d'armée.

L'ennemi disait vouloir tenir à Doroghobouj. Il avait, à son ordinaire, remué de la terre et construit des batteries; l'armée s'étant montrée en bataille, l'Empereur s'y est porté; mais le général ennemi s'est ravisé, a battu en retraite et abandonné la ville de Doroghobouj, forte de dix mille âmes; il y a huit clochers. Le quartier général était le 26 dans cette ville. Le 27 il était à Slawkowo. L'avant-garde est sur Viasma.

Le vice-roi manoeuvre sur la gauche, à deux lieues de la grande route, le prince d'Eckmülh sur la grande route, le prince Poniatowski sur la rive gauche de l'Osma.

La prise de Smolensk paraît avoir fait un fâcheux effet sur l'esprit des Russes. C'est Smolensk la sainte, Smolensk la forte, la clef de Moscou, et mille autres dictons populaires. Qui a Smolensk a Moscou, disent les paysans.

La chaleur est excessive; il n'a pas plu depuis un mois. Le duc de Bellune, avec le neuvième corps, fort de trente mille hommes, est parti de Tilsitt pour Wilna, devant former la réserve.

Viasma, le 31 août 1812.

Seizième bulletin de la grande armée.

Le quartier général de l'Empereur était le 27 à Slawkowo, le 28, près de Semkowo, le 29 dans un château à une lieue en

arrière de Viasma, et le 30 à Viasma; l'armée marchant sur trois colonnes, la gauche formée par le vice-roi, se dirigeant par Kanouchkino, Znamenskoi, Kosterechkovo et Novoë; le centre formé par le roi de Naples, les corps du maréchal prince d'Eckmülh, du maréchal duc d'Elchingen et la garde, marchant sur la grande route; et la droite par le prince Poniatowski,marchant sur la rive gauche de l'Osma, par Volosk, Louchki, Pokroskoë et Stouchkino.

Le 27 l'ennemi, voulant coucher sur la rivière de l'Osma, visà-vis du village de Brabké, prit position avec son arrière-garde. Le roi de Naples porta sa cavalerie sur la gauche de l'ennemi, qui montra sept à huit mille hommes de cavalerie. Plusieurs charges eurent lieu, toutes à notre avantage. Un bataillon ennemi fut enfoncé par le quatrième régiment de lanciers. Une centaine de prisonniers fut le résultat de cette petite affaire. Les positions de l'ennemi furent enlevées, et il fut obligé de précipiter sa retraite.

Le 28 l'ennemi fut poursuivi. Les avant-gardes des trois colonnes françaises rencontrèrent les arrières-gardes de l'ennemi; elles échangèrent plusieurs coups de canon. L'ennemi fut poussé partout.

Le général comte Caulincourt entra dans Viasma le 29, à la pointe du jour.

L'ennemi avait brûlé les ponts et mis le feu à plusieurs quartiers de la ville.

Viasma est une ville de vingt-cinq mille habitants; il y a quatre mille bourgeois, marchands et artisans; on y compte trente-deux églises. On a trouvé des ressources assez considérables en farine, en savon, en drogues, etc., et de grands magasins d'eau-de-vie.

Les Russes ont brûlé les magasins, et les plus belles maisons de la ville étaient en feu à notre arrivée. Deux bataillons du vingtcinquième se sont employés avec beaucoup d'activité à l'éteindre. On est parvenu à le dominer et à sauver les trois quarts de la ville. Les Cosaques, avant de partir, ont exercé le plus affreux pillage; ce qui a fait dire aux habitants que les Russes pensent que Viasma ne doit plus retourner sous leur domina

tion puisqu'ils la traitent d'une manirèe si barbare. Toute la population des villes se retire à Moscou.

Ghjat, le 3 septembre 1812.

Dix-septième bulletin de la grande armée.

Le quartier impérial était le 31 août à Velitchéno, le 1er et le 2 septembre à Ghjat.

Le roi de Naples avec l'avant-garde avait, le 1°, son quartier général à dix verstes en avant de Ghjat; le vice-roi, à deux lieues sur la gauche, à la même hauteur; et le prince Poniatowski, à deux lieues sur la droite. On a échangé partout quelques coups de canon et des coups de sabre, et l'on a fait quelques centaines de prisonniers.

La rivière de Ghjat se jette dans le Volga; ainsi nous sommes sur le pendant des eaux qui descendent dans la mer Caspienne. La Ghjat est navigable jusqu'au Volga.

La ville de Ghjat a huit ou dix mille âmes de population; il y a beaucoup de maisons en pierres et en briques, plusieurs clochers et quelques fabriques de toile. On s'aperçoit que l'agriculture a fait de grands progrès dans ce pays depuis quarante ans. Il ne ressemble plus en rien aux descriptions qu'on en a. Les pommes de terre, les légumes et les choux y sont en abondance; les granges sont pleines; nous sommes en automne, et il fait ici le temps qu'on a en France au commencement d'octobre.

Les déserteurs, les prisonniers, les habitants, tout le monde s'accorde à dire que le plus grand désordre règne dans Moscou et dans l'armée russe, qui est divisée d'opinions et qui a fait des pertes énormes dans les différents combats. Une partie des généraux a été changée; il paraît que l'opinion de l'armée n'est pas favorable aux plans du général Barclay de Tolly; on l'accuse d'avoir fait battre ses divisions en détail.

Le prince Schwartzenberg est en Volhynie; les Russes fuient devant lui.

Des affaires assez chaudes ont eu lieu devant Riga; les Prussiens ont toujours eu l'avantage.

Nous avons trouvé ici deux bulletins russes qui rendent compte des combats devant Smolensk et du combat de la Drissa. Ils ont paru assez curieux pour que nous les joignions ici. Lorsqu'on aura la suite de ces hulletins, on les enverra au Moniteur. Il paraît par ces bulletins que le rédacteur a profité de la leçon qu'il a reçue de Moscou, qu'il ne faut pas dire la vérité au peuple russe, mais le tromper par des mensonges. Le feu a été mis à Smolensk par les Russes; ils l'ont mis aux faubourgs le lendemain du combat, lorsqu'ils ont vu notre pont établi sur le Borysthène. Ils ont mis le feu à Doroghobouj, à Viasma, à Ghjat; les Français sont parvenus à l'éteindre: cela se conçoit facilement; les Français n'ont pas d'intérêt à mettre le feu à des villes qui leur appartiennent et à se priver des ressources qu'elles leur offrent. Partout on a trouvé les caves remplies d'eau-de-vie, de cuir et de toutes sortes d'objets utiles à l'armée.

Si le pays est dévasté, si l'habitant souffre plus que ne le comporte la guerre, la faute en est aux Russes.

L'armée se repose le 2 et le 3 aux environs de Ghjat.

On assure que l'ennemi travaille à des camps retranchés en avant de Mojaisk et à des lignes en avant de Moscou.

Au combat de Kransoi, le colonel Marbeuf, du sixième de chevau-légers, a été blessé d'un coup de baïonnette à la tête de son régiment, au milieu d'un carré d'infanterie russe qu'il avait enfoncé avec une grande intrépidité.

Nous avons jeté six ponts sur la Ghjat.

Mojaisk, le 10 septembre 1812.

Dix-huitième bulletin de la grande armée.

Le 4 l'Empereur partit de Ghjat et vint camper près de la poste de Gritneva.

Le 5, à six heures du matin, l'armée se mit en mouvement. A deux heures après midi on découvrit l'armée russe, placée la droite du côté de la Moskowa, la gauche sur les hauteurs de la rive gauche de la Kologha, à douze toises en avant de la gauche. L'ennemi avait commencé à fortifier un beau mamelon entre

deux bois, où il avait placé neuf à dix mille hommes. L'Empereur, l'ayant reconnu, résolut de ne pas différer un moment, et d'enlever cette position. Il ordonna au roi de Naples de passer la Kologha avec la division Compans et la cavalerie. Le prince Poniatowski, qui était venu par la droite, se trouva en mesure de tourner la position. A quatre heures l'attaque commença. En une heure de temps la redoute ennemie fut prise avec ses canons, le corps ennemi chassé du bois et mis en déroute, après avoir laissé le tiers de son monde sur le champ de bataille. A sept heures du soir le feu cessa.

Le 6, à deux heures du matin, l'Empereur parcourut les avant-postes ennemis. On passa la journée à se reconnaître. L'ennemi avait une position très-resserrée. Sa gauche était fort affaiblie par la perte de la position de la veille; elle était appuyée à un grand bois, soutenue par un beau mamelon couronné d'une redoute armée de vingt-cinq pièces de canon. Deux autres mamelons couronnés de redoutes, à cent pas l'un de l'autre, protégeaient sa ligne jusqu'à un grand village que l'ennemi avait démoli pour couvrir le plateau d'artillerie et d'insanterir, et y appuyer son centre. Sa droite passait derrière la Kologha, en arrière du village de Borodino, et était appuyée à deux beaux mamelons couronnés de redoutes et armés de batteries. Cette position parut belle et forte. Il était facile de manoeuvrer et d'obliger l'ennemi à l'évacuer ; mais cela aurait remis la partie, et sa position ne fut pas jugée tellement forte qu'il fallût éluder le combat. Il fut facile de distinguer que les redoutes n'étaient qu'ébauchées, le fossé peu profond, non palissadé ni fraisé. On évaluait les forces de l'ennemi à cent vingt ou cent trente mille hommes; nos forces étaient égales, mais la supériorité de nos troupes n'était pas douteuse.

Le 7, à deux heures du matin, l'Empereur était entouré des maréchaux, à la position prise l'avant-veille. A cinq heures et demie le soleil se leva sans nuages; la veille il avait plu : « C'est le soleil d'Austerlitz, » dit l'Empereur. Quoiqu'au mois de septembre, il faisait aussi froid qu'en décembre en Moravie. L'armée en accepta l'augure; on battit un ban, et on lut l'ordre du jour suivant :

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